Selon les projections réalisées par des médias israéliens, le Premier ministre sortant d'Israël, Benjamin Netanyahu, est donné vainqueur suite aux élections législatives du 9 avril. Un jeu d’alliance lui étant favorable.
Issue serrée hier pour les élections législatives du 9 avril en Israël présentées comme un referendum sur la personne et le bilan du Premier ministre sortant. Quelque 6,3 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour élire leurs 120 députés au terme d’une campagne des plus acrimonieuses. Au total, 67,9% des électeurs ont pris part au vote, contre 71,8% lors des précédentes élections législatives en 2015.
Arrivés au coude-à-coude, le Likoud (parti de droite dont Benjamin Netanyahu est le leader) et la liste centriste « Bleu-Blanc » menée par Benny Gantz, ont remporté, selon les dernières projections des médias et après dépouillement de la presque totalité des bulletins comptés, tous les deux 35 sièges dans la 21ème Knesset (le parlement monocaméral israélien).
Dans les jours suivant les élections, chaque parti ayant franchi la barre des 3,25% des suffrages nécessaires pour siéger à la Knesset, fera savoir au président israélien Reuven Rivlin qui il préconise au poste de Premier ministre. Dès lors, le chef de l’Etat accordera probablement au candidat ayant été le plus recommandé la charge de former un nouveau gouvernement. Ce dernier disposera de 42 jours de tractations pour rallier ses appuis.Arrive donc l’heure où les partis qui rejoindront la coalition s’apprêtent à négocier un ministère.
Première leçon : une coalition de droite hautement probable pour un pays de plus en plus à droite
Dans le jeu d’alliance qui se profile, l’avantage revient à Benjamin Netanyahu. Presque tous les partis de droite ont dit qu’ils recommanderaient au président le Premier ministre sortant pour former la prochaine coalition au pouvoir. Il s’agirait alors d’une coalition droite/ultra-droite qui obtiendrait ainsi 65 sièges, soit dix de plus que celle du centre. Benjamin Nétanyahu (69 ans) devrait donc rempiler pour un cinquième mandat ; ce serait le quatrième consécutif depuis 2009. Il battrait ainsi un record de longévité au poste de Premier ministre. Qui plus est, en étant le plus conservateur qu’Israël a connu depuis sa création. Sa coalition serait proche de la dernière, c’est-à-dire composée des formations ultra-nationalistes et juives orthodoxes, misant sur l’alliance avec des petits partis de droite. Confirmant que depuis une quinzaine d’années, le pays glisse graduellement vers la droite et l’ultra-droite.
Benny Gantz, qui dispose de moins d’alliés, peut tout de même se targuer d’un beau résultat avec 1 million d’électeurs ayant voté pour sa liste quand on sait que sa formation politique n’a que quelques mois d’existence et qu’elle se présentait de facto pour la première fois.
Deuxième leçon : la solution à deux Etats, grande perdante des élections
Misant sur les petits partis d’ultra-droite, Benjamin Netanyahu leur a tout récemment tendu la main en annonçant vouloir annexer les colonies israéliennes en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967. Ces colonies sont illégales au regard du droit international. Et leur annexion par Israël enterrerait alors la solution (prônée par l’Onu) dite à deux Etats, c’est-à-dire la création d’un Etat palestinien qui coexisterait avec Israël. Face à la majorité à droite qui se confirme, Saëb Erakat, haut responsable palestinien, a estimé que les Israéliens avaient dit par les urnes « non à la paix et oui à l’occupation » des Territoires palestiniens.
Pour rappel, le processus de paix est au point mort depuis 2014. L’administration Trump, grand soutien de Netanyahu, a fait savoir qu’elle dévoilerait un plan de relance des discussions après les élections (voire après la formation du gouvernement). S’il invite l’Etat hébreu à faire des concessions, les partis d’extrême droite avec lesquels Netanyahu va sans doute continuer à gouverner s’y opposeront très probablement.
Troisième leçon : la gauche KO, les Haredim OK
La gauche semble n’être devenue que l’ombre d’elle-même. Son vivier d’électeurs s’étant probablement reporté sur Benny Gantz pour contrer la droite « en votant utile ». L’historique parti travailliste, fondateur de l’Etat hébreu et membre de l’Internationale socialiste n’obtiendrait que six sièges (moins de 5 % des voix). La pire performance de son histoire. L’une de ses dirigeantes, Shelly Yachimovich, s’est dite « sous le choc. »
Les formations ultra-orthodoxes (Shass et Judaïsme unifié de la Torah), quant à elles, semblent conforter leur présence sur la scène politique israélienne. Les deux partis obtenant huit sièges chacun. Seize à deux contre 13 lors de la précédente Knesset.
Quatrième leçon : faible taux de participation des électeurs arabes israéliens
Les arabes israéliens représentent 20% de la population du pays. Pourtant, rapporte Haaretz, le taux de participation a été historiquement bas dans la communauté arabe, selon les sondeurs. Au final, le parti Hadash-Ta’al et la liste Balad-Ra’am auraient remporté dix sièges à eux deux, ce qui signifie que les partis arabes seront moins représentés à la 21ème Knesset qu’à la 20ème où ils avaient obtenu 13 sièges.
Beaucoup ont boycotté le vote par désillusion vis-à-vis de leurs leaders politiques désunis et vis-à-vis de la politique israélienne. La promulgation de lois telles que la « loi sur l’Etat-nation juif » est l’un des derniers exemples les plus éloquents. La loi ne reconnaît le droit à l’autodétermination qu’aux Juifs et le dénie donc aux citoyens arabes israéliens (les descendants des Palestiniens restés sur leurs terres à la création d’Israël en 1948). Aussi la loi prévoit-elle que l’hébreu s’impose comme la seule langue officielle d’Israël. Aucun texte n’avait été voté à ce sujet depuis la création de l’Etat en 1948. L’hébreu et l’arabe étaient jusqu’à présent tous les deux considérés comme des langues identiquement officielles. D’autre part, Jérusalem est définie exclusivement comme la capitale d’Israël « capitale complète et unie », incluant la partie orientale de la ville annexée. Enfin, la loi prévoit que le calendrier lunaire juif soit le calendrier officiel du pays.
Cinquième leçon : une victoire menacée par des affaires de corruption
Malgré ses résultats, Benjamin Nétanyahu sait que plane sur sa tête une épée de Damoclès. Le procureur général a en effet annoncé en février son intention de l’inculper pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires. Avichaï Mandelblit a fixé au 10 juillet la date limite « pour une audition de la dernière chance », comme la qualifie l’AFP. Si d’ici-là, « il ne parvient pas à bloquer les procédures judiciaires contre lui, ‘Bibi’ risque de tout perdre et de finir un jour en prison », conclut Le Monde.