Dans un ouvrage récent, le journaliste Dimitris Alikakos écrit que le Feu sacré qui s’allume au St-Sépulcre la veille de la Pâque orthodoxe n’est pas le fruit d’un miracle. Réactions du Patriarcat grec orthodoxe.
Le Feu sacré (ou Lumière sacrée) est considéré comme le miracle annuel le plus célèbre et plus ancien (remontant à l’Antiquité) par le monde de l’orthodoxie chrétienne. Le Feu sacré symbolise la lumière miraculeuse de la Résurrection du Christ. Selon la tradition, il apparaît spontanément (sans instrument ni main humaine) au même endroit et à la même heure le samedi, à la veille de la fête de Pâques (qui est mobile chez les chrétiens d’une année sur l’autre) en remontant de la dalle de marbre supposée, selon la tradition chrétienne, protéger le lit funéraire sur lequel avait été allongé le corps mort du Christ. Ce feu sacré est ensuite transmis de cierge en cierge par les pèlerins affluant en nombre. Il ne brûle pas, dit-on, pendant les dix premières minutes et nombreux sont les fidèles orthodoxes qui passent leurs mains entre les flammes.
Le journaliste grec Dimitris Alikakos n’y croit pas. Fondateur d’un site de démystification de fausses informations (Ellinika-hoaxes), il n’est pas le premier. Depuis le Moyen-Age, la liste est longue de ceux qui croient à une sorte de pieuse escroquerie. Si les croyants, par acte de foi, n’ont pas besoin de preuves pour justifier les miracles, ceux qui les contestent doivent cependant trouver des preuves pour défendre leur position. C’est ce à quoi s’est récemment employé dans son livre publié en mars « Rédemption – à propos du feu sacré » (Ekkremes Publications) Dimitris Alikakos qui explique qu’il existe de fortes preuves que le Feu sacré s’illumine de manière humaine à l’aide d’un briquet ou d’une allumette et non par un pouvoir divin et mystérieux.
Dimitris Alikakos cite ainsi dans son livre plusieurs témoignages qu’il a rassemblés et notamment ceux de deux gardiens orthodoxes de l’église du Saint-Sépulcre qui selon lui ont avoué que le Feu sacréserait tout simplement allumé à l’aide d’un briquet ou d’une allumette et que seuls quelques prêtres seraient initiés au secret.
Le Patriarcat dénonce des montages vidéo frauduleux
Le Secrétariat général du Patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem a vivement rejeté les affirmations de Dimitris Alikakos et les témoignages qu’il a recueillis, dans une lettre publiée le 18 mars adressée à la chaîne de télévision grecque ANT1. « Ce qui est écrit dans le livre en question est le produit de fantastiques histoires inventées par l’auteur. » Signifiant ainsi par là que l’avis du Patriarcat grec-orthodoxe est bien connu. « La position officielle du Patriarcat de Jérusalem au service de la Lumière sacrée est celle qui est inscrite au programme du Samedi Saint de chaque année, sur le site Web du Patriarcat, dans les études des pères hagiotaphites (ndlr : fraternité monastique gardienne du Saint-Sépulcre), en particulier celle du défunt hagiotaphite Kallistos Miliaras (ndlr : auteur d’une Etude historique du Feu sacré en 1934) dans le journal « Nea Sion et à ce qui est déduit de la Sainte Bible et des Pères de l’Eglise. »
Ainsi, sur la page en anglais du Patriarcat consacrée à la Lumière sacrée, on peut lire qu’« il s’agit d’un véritable miracle qui ne laisse aucune place au doute. » Il est écrit qu’une fois devant la porte de l’édicule (la chapelle du tombeau vide qui a été scellée en amont de la cérémonie après vérification que le tombeau ne contenait aucune source de feu), le patriarche enlève ses vêtements de cérémonie et revêt une robe blanche (sticharion), une étole (épitrahilion) et se ceinture. Puis, il subit une fouille complète et publique afin de s’assurer qu’il n’emporte dans l’édicule avec lui aucun moyen d’allumer des bougies.
« Une fois la recherche terminée, les gardiens enlèvent le sceau de la porte de l’édicule et le patriarche, tenant deux bougies éteintes, entre dans le saint édicule. Avec lui, entre le patriarche arménien et le drogman qui attendent à l’antichambre (ndlr : chapelle dite de l’ange) de l’édicule. », précise le site du Patriarcat. Puis le patriarche s’agenouille devant la pierre tombale et prononce une longue prière spéciale pour la venue du feu. « Après cette bénédiction, il pose un morceau de coton sur le tombeau sacré et celui-ci s’allume miraculeusement. Avec cela, le patriarche allume les bougies et quitte le saint édicule. »
La lettre du Secrétariat général du Patriarcat grec-orthodoxe revient sur la manière dont a procédé le journaliste pour écrire son livre. Il se serait rendu au Patriarcat de Jérusalem d’abord pour « ses besoins spirituels », puis pour une étude de l’histoire du Patriarcat grec-orthodoxe.
La lettre soutient que dans ce cadre l’auteur a enregistré des entretiens sur bande vidéo de manière illégale, à l’insu de ses interlocuteurs. De plus, « d’après les vidéos que nous avons visionnées, peut-on lire dans le document, le montage frauduleux est évident afin d’obtenir l’effet « souhaité », acte qui, outre le fait d’être moralement répréhensible, est également vérifiable du point de vue pénal. »
Le Secrétariat général annonce des poursuites judiciaires et dit avoir déjà demandé le nécessaire pour que Google supprime les vidéos en question aux « contenus trompeurs et diffamatoires » qui « défient (…) les vérités de notre foi. »
En fin de compte, le Patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem pointe du doigt « le but évident » de l’auteur de provoquer l’intérêt des fidèles au nom d’une opération commerciale qui promet d’être juteuse. D’autantque la date de publication du livre tombe en plein carême, quelques semaines avant les célébrations de Pâques.
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