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En Cisjordanie, ces médecins israéliens qui assurent un accès à la santé

Cécile Lemoine
15 décembre 2023
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Le Dr. Yehuda Reismann lors d'une consultation à Jinsafut, 13 décembre 2023 ©Cécile Lemoine

Face à la dégradation de l’accès aux soins et aux médicaments dans les Territoires palestiniens, l'ONG israélienne “Médecins pour les droits de l’homme” a doublé le nombre de ses cliniques mobiles depuis le 7 octobre


“Allez, on inspire !” Le Dr. Yehuda Reismann se fait traduire de l’hébreu vers l’arabe et le petit Majid, 3 ans, s’exécute, les yeux plein de fièvre. Le pédiatre plisse sa moustache blanche et se concentre sur les bruits de son stéthoscope. Le diagnostic est rapide : pneumonie. “Ça doit faire un bout de temps qu’il traîne un rhume qui a dégénéré en infection, faute de traitement”, estime le praticien en prescrivant des antibiotiques.

Neimeh Bashir rhabille son fils d’une main habile. “Il n’y a plus de médicaments dans le village, et depuis le 7 octobre, je n’ose plus vraiment sortir à cause de l’armée et des colons”, justifie la jeune mère, voilée de beige. Elle récupère l’ordonnance et son regard se fait reconnaissant : “Shukran doktor”, “Merci docteur”.

Le Dr. Yehuda Reismann réalisera une quinzaine de consultations en l’espace de 2 heures, et diagnotisquera essentiellement des rhumes ©Cécile Lemoine

Cela fait cinq ans que Yehuda Reismann, pédiatre à la retraite, est volontaire pour la clinique mobile de l’ONG israélienne “Médecins pour les droits de l’homme” (PHRI). Il fait partie de cette gauche juive israélienne qui veut se frotter à l’occupation : une fois par mois, il monte dans le minibus de l’ONG, direction la Cisjordanie et ses villages isolés. En ce lumineux mardi 12 décembre, c‘est à Jinsafut que la clinique mobile a posé ses valises : une bourgade vallonnée de 3 200 âmes, posée à mi-chemin entre les villes de Qalqilya et Naplouse. 

Deux fois plus de cliniques

Un autre petit patient succède à Majid, et deux heures durant, le cabinet improvisé dans une salle de classe de l’école maternelle du village, ne désemplit pas. En plus d’un pédiatre, les volontaires du jour comptent également deux médecins généralistes, un orthopédiste, un ophtalmologiste et une infirmière. Dans le cas où le praticien ne parle qu’hébreu, un traducteur fait l’intermédiaire. 

 

“Palestiniens, Israéliens, Arabes, Juifs… C’est dans notre mixité que nous venons montrer notre solidarité au peuple palestinien”, explique Salah Haj Yahya, charismatique palestinien de citoyenneté israélienne, qui dirige la clinique mobile en Cisjordanie depuis sa création, en 1988. “Notre message est avant tout politique : on soutient les Palestiniens en répondant à un droit humain basique, l’accès aux soins et à la santé.”

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Depuis le 7 octobre, celui que tout le monde appelle “Docteur Salah” bien qu’il ne dispose d’aucun diplôme médical, a multiplié par deux le nombre de ses cliniques :Les besoins médicaux ont considérablement augmenté. Des villages se retrouvent coupés du monde, l’armée empêche l’accès aux grandes villes comme Naplouse, Jénine ou Tulkarem en plus d’y faire des raids quasi quotidiens.”

Saher Eid, le maire de Jinsafut, dit un mot d’accueil et de remerciement pour saluer les volontaires Juifs et Arabes de la clinique mobile ©Cécile Lemoine

À Jinsafut, l’armée a bloqué une des entrées du village avec un barrage dès le 8 octobre.“C’est partout pareil”, soupire Salah Haj Yahya, en faisant défiler des photos sur son téléphone : chaque visite est documentée. Il emmène ses médecins volontaires dans les zones les plus coupées du reste du territoire et l’arrivée du minibus, coordonnée en amont pour répondre au mieux aux besoins des habitants, est l’attraction de la journée.

« Aucun enfant ne devrait manquer de soins »

Dans l’école maternelle de Jinsafut, Saher Eid, le maire, s’agite fièrement entre les différentes files d’attente. Une centaine de personnes sont venues consulter. Pour leurs enfants, pour leurs articulations, ou pour se réapprovisionner en médicaments. “Il y a un petit dispensaire dans le village, mais on n’a plus d’aspirine, et on manque de certains traitements pour les maladies chroniques”, explique l’élu qui souligne aussi la pression subie par le village depuis le 7 octobre : “Beaucoup de gens préfèrent rester malades, plutôt que de prendre la route et le risque d’être attaqués. Les colons et l’armée nous ont empêché d’accéder à nos champs et de récolter nos olives… C’est une menace permanente, et ça fait aussi un revenu en moins pour les familles. C’est bien qu’ils puissent obtenir des médicaments gratuitement.”

 

Pour chaque clinique, “Médecins pour les droits de l’homme” dispose d’un budget de 1700 euros. Une somme alimentée en partie par des dons et des subventions étrangères. 

Dans le joyeux bazar du centre de soin improvisé à Jinsafut, les rancœurs et les colères cultivées par la guerre sont un instant oubliées. “Ce sont de bons docteurs”, sourit Rania Eid, qui fait la queue pour des douleurs au dos, sans commenter plus. De son côté, le docteur Yehuda Reismann a fini ses consultations : “C’est parfois frustrant de ne pas pouvoir faire plus qu’une ordonnance, souffle le pédiatre. “Mais je voulais être utile et réparer l’injustice qui est faite à ces gens : aucun enfant ne devrait manquer de soins.” 

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