C’était un projet qui tenait à cœur au frère Michele Piccirillo ofm:
la rénovation du Mémorial de Moïse au Mont Nébo.
Sa mort soudaine ne l’a pas interrompu. Frère Carmelo Pappalardo a repris le flambeau et travaille à réaménager ce sanctuaire de la Custodie qui domine la Terre Promise depuis la Jordanie
Depuis 2007, d’importants travaux de restauration de la basilique du Mémorial de Moïse et de ses mosaïques ont débuté. Le toit, installé il y a des années déjà pour protéger l’édifice, nécessitait une intervention.
Les ruines de l’antique sanctuaire, visité par les pèlerins dès le IVe siècle, avaient été redécouvertes dans les années 30 lorsque la Custodie franciscaine de Terre Sainte, grâce au travail de frère Girolamo Mihaïc, avait acquis les deux collines du Nébo, Siyagha et Mukhayyat. Une série de campagnes de fouilles dirigées par le père Sylvester Saller entre 1933 et 1938, permirent de découvrir les restes de la basilique, de ses chapelles annexes, disposant toutes de dallages en mosaïques de grande valeur et les environnements du monastère annexe (voir pages précédentes).
À cette époque, les interventions de restauration furent limitées : les murs furent consolidés, les colonnes dressées sur leurs bases pour permettre une meilleure lisibilité du plan de la basilique mais les mosaïques furent recouvertes de terre afin de les protéger de la dégradation causée par les agents atmosphériques et par la curiosité des visiteurs.
Premières rénovations
C’est seulement en 1963, après que la Custodie de Terre Sainte eut décidé de restaurer et d’exposer les mosaïques de la basilique. Le père Virgilio Corbo fut chargé du projet. Une couverture en métal conçue par une entreprise d’Oxford, fut réalisée par les ouvriers de la forge du couvent Saint-Sauveur de Jérusalem, sous la direction de frère Nazareno Moretti. La guerre arabo-israélienne de 1967 empêcha d’achever l’intervention de restauration.
Les travaux sur le Mont Nébo reprirent à l’été 1973, lors d’une intervention d’urgence conduite sur les mosaïques de l’église des saints Lot et Procope sur le sommet du Khirbet al-Mukhayyat. À l’été 1976, les travaux reprirent au Mémorial de Moïse à Siyagha. Durant les travaux, on retrouva la splendide mosaïque du diaconicon-baptistère achevée en août 530 par les mosaïstes Soel, Kaium et Elia.
Les interventions de restructuration et de restauration se poursuivirent jusqu’en 1984. Elles touchaient à l’aménagement de la basilique qui fut couverte de manière à pouvoir servir à la célébration liturgique et à la restauration des mosaïques et leur installation sur place ou sur les murs de manière à être vues par les visiteurs.
Au cours de cette période, une intervention de restructuration radicale de l’édifice se dessinait déjà : « Le temps passant, inconsciemment ou non, mûrit l’idée si ce n’est la conviction qu’il fallait étudier la possibilité de remplacer le hangar de protection et rendre accessibles à la visite les mosaïques du sanctuaire ». « Au cours des années suivantes, nous travaillâmes dans la terre, à l’intérieur et à l’extérieur, mais toujours avec la tête tournée vers le haut à la recherche d’une idée permettant de remplacer la toiture provisoire ».
C’est l’architecte Vito Sonzogni qui, après une visite au Mont Nébo en 1989, à la demande du père Michele Piccirillo, s’intéressa au problème, préparant une étude conceptuelle qu’il intitula « Le Sanctuaire du Mont Nébo. Premières notes d’orientation basées sur des critères culturels et fonctionnels en vue de son élévation à la dignité de sanctuaire sans pour autant négliger les buts culturels et archéologiques ». Sonzogni souligna encore : « Les interventions programmées ont pour but d’élever le seuil de dignité du sanctuaire et doivent en même temps être fonctionnelles tant pour le sanctuaire que pour les recherches archéologiques ».
Nouvelles technologies
Lorsque l’on décida de passer à la phase opérationnelle du projet, en octobre 1999, on procéda à une série d’enquêtes géologiques et techniques en vue d’interventions de consolidation rendues nécessaires à cause des fissures toujours plus prononcées et évidentes tant sur les structures de maçonnerie que sur les dallages. L’étude fut confiée au Pr. Piergiorgio Malesani de l’Université de Florence. Selon lui, la nature du terrain sur lequel reposent les fondations de l’église, l’utilisation de ciment pour la construction des poutres de bordure et des piliers de béton sur lesquels s’appuie la structure métallique de la couverture, la dilatation des poutres de fer de la structure due à l’amplitude thermique quotidienne, étaient les causes principales des lésions présentes sur les murs antiques et sur les dallages en mosaïque. Le Pr. Malesani concluait son rapport sur cette considération : « La conception des interventions devra tenir compte de tous ces facteurs ». Il joignit à son rapport un projet schématique d’interventions en vue de consolidation qui prévoyait dans un premier temps de déposer la couverture et de supprimer toute trace de béton ou ciment. Il s’agissait ensuite de consolider les fondations, de relever les mosaïques des dallages en les dotant d’un support qui permette de les transporter et de les déposer ailleurs sur des plinthes.
En 2003, après avoir longuement étudié la faisabilité et proposé une série de projets, la Custodie de Terre Sainte par l’intermédiaire du Studium Biblicum Franciscanum, représenté par le père Michele Piccirillo, publia, en 2003, un volume intitulé « Un projet de couverture pour le Mémorial de Moïse. 70 ans après le début des fouilles archéologiques sur le Mont Nébo en Jordanie ».
Travaux actuels
C’est en 2007 que frère Michele donna le coup d’envoi aux travaux destinés à donner un nouveau toit à la basilique. Parallèlement, il décida d’entreprendre la restauration des dallages de mosaïque des murs de l’église qui lors de précédentes restaurations avaient été déplacés et posés au sol sur des panneaux de ciment. La basilique et la zone environnante furent fermées aux visiteurs après Noël 2007 afin de lancer effectivement les travaux. La première phase prévoyait la mise en œuvre d’une série de 57 micro-pylônes en fer et ciment qui, situés derrière les structures de maçonnerie antiques, permettraient de renforcer ces dernières et de soutenir les structures de la nouvelle couverture qui aurait été construite par la suite. Dans le même temps, on procéda à la démolition de l’ancienne couverture et de toutes les parties de murs ainsi que des piliers en ciment qui la soutenaient puis on construisit des plinthes et renforts en béton armé afin de solidifier les œuvres de maçonnerie antiques et de ne pas faire peser sur elles le poids de la nouvelle couverture. De l’automne 2008 à la fin 2009, on travailla à définir le type de structures portantes en métal et en bois. À partir de février-mars 2010, on passa à la phase de construction en commençant par mettre en place un échafaudage de plusieurs étages. On fit venir d’Italie les éléments structurels à assembler sur place. Le travail d’assemblage et de construction s’est poursuivi sans relâche jusqu’à ce jour, en même temps qu’il a fallu résoudre différents problèmes survenus en cours de route et qu’il a fallu concevoir les éléments destinés aux murs ventilés et aux structures destinées à accueillir les panneaux de mosaïques sur les parois internes.
Actuellement, l’équipe travaille à l’aménagement de l’édifice de sorte qu’il corresponde aux attentes des visiteurs. Le Mémorial de Moïse doit relever le double défi de faire la muséographie du site et de lui conserver sa vocation d’église où célébrer. Dans ce but, une sacristie est en cours de construction à l’extérieur sud-est dans église à plan tréflé recouverte d’un dallage de mosaïque.
En même temps, on restaure les mosaïques. Détachées des murs et des dallages – à l’exception de la splendide mosaïque du Diaconicon-Baptistère, retrouvée intacte et jamais retouchée – les mosaïques ont été débarrassées de leur ancien support de ciment, nettoyées et consolidées afin d’être replacées à leur emplacement d’origine sur un lit de plâtre ou posées sur des panneaux légers qui seront suspendus aux parois du nouvel édifice.
Le tableau de marche des travaux, continuellement mis à jour et transformé prévoit, dans son état actuel, au moins une autre année de travail avant de pouvoir rouvrir le Mémorial de Moïse aux visiteurs et aux pèlerins.
La disparition soudaine du père Michele Piccirillo, le 25 octobre 2008, n’a pas interrompu les travaux qui se poursuivent sans relâche avec une grande implication de la part de la Custodie de Terre Sainte qui, depuis près de 80 ans, prend soin du sanctuaire et de ses précieuses ruines, patrimoine culturel et religieux de l’humanité tout entière.
Dernière mise à jour: 27/12/2023 23:07