Biographie. Le vendredi 20 juin 2014, Mgr Georges Wadih Bacouni était élu nouvel évêque de l’archiparchie d’Acre, Haïfa, Nazareth et toute la Galilée. Il remplaçait Mgr Elias Chacour atteint par la limite d’âge. Mgr Bacouni est né à Beyrouth le 16 mai 1962. Titulaire d’une licence en gestion et comptabilité de l’Université libanaise, il a travaillé quelques années dans le secteur bancaire. Il a rejoint l’Institut Saint-Paul à Harissa, où il a obtenu un baccalauréat en philosophie et en théologie. Ordonné prêtre pour le diocèse de Beyrouth le 30 juillet 1995, il a été affecté au service de différentes paroisses. Il fut nommé recteur du séminaire patriarcal Sainte-Anne de Raboué – Antélias (Liban) en septembre 1998, où il a servi pendant six ans. Le 22 juin 2005, le Synode des évêques le nomma à la tête du diocèse de Tyr. Il fut ordonné évêque des mains du patriarche Grégoire III Laham, le 27 novembre 2005 en l’église Saint-Paul à Harissa. Durant les années 2010 et 2011, il fut également administrateur patriarcal du diocèse de Homs, Hama et Yabroud en Syrie.
Monseigneur, sur quel territoire s’étend votre juridiction ?
Notre diocèse couvre le nord d’Israël à l’exception de la paroisse de Zababdeh située au nord des territoires palestiniens. Nous comptons 32 paroisses actives. Quatre autres paroisses n’ont qu’une église et des cimetières. Ce sont les villages de Ikrit, Kufr Bouroum, Maaloul, Bassa. Une décision de la Haute Cour de Justice a permis aux habitants de deux de ces villages évacués en 1948 d’y retourner, mais les autorités s’y opposent.
Combien comptez-vous de fidèles ?
On dit qu’il y a 75 000 grecs-catholiques dans mon diocèse. Mais nous sommes en train de faire des statistiques plus précises. Il reste que nous avons le plus grand diocèse chrétien arabe de toute la Terre Sainte, toutes dénominations confondues. Ces fidèles vivent sur cette terre depuis des siècles.
Combien de prêtres pour cette population ?
Nous avons 33 prêtres. (Voire en bas de page)
Vous êtes ici depuis un peu plus d’un an, que découvrez-vous dans votre diocèse ?
Il y a des choses positives et il y a beaucoup de défis. Tout d’abord, les gens ici sont attachés à leurs traditions et à leur Église même s’ils ne pratiquent pas. Les arabes chrétiens ici, ressemblent d’une certaine façon aux chrétiens arabes du Liban. Je découvre qu’ils sont, surtout en ville, de plus en plus occidentalisés. C’est le premier point. Ensuite, le diocèse est bien fondé. Nous avons des prêtres et tout ce qui est nécessaire pour que l’Église puisse travailler, pour qu’elle soit le témoin du Christ. Elle a ses propres institutions éducatives, des écoles. Nous avons des fidèles engagés et des vocations. Nous avons de bonnes relations avec les communautés juives, les musulmanes, et les druzes. Le diocèse est respecté par les autres et nous entretenons de bonnes relations avec les orthodoxes.
Quels sont les défis ?
Le défi c’est Jésus Christ. Lorsque nous voyons certains chrétiens, on peut s’interroger sur la qualité de leur témoignage. Nos fidèles peuvent être attachés à Jésus et à la chrétienté mais ils ne mènent pas une vie qui le reflète.On peut croire en Jésus Christ, mais la foi n’est pas une histoire de croyance : c’est une vie de pardon, de charité, de respect de la famille, de la vie de couple, de l’unité de la famille ; pas de mariage homosexuel, pas de manipulations bioéthiques qui vont à l’encontre de l’enseignement de l’Église. Ici dans beaucoup d’endroits, on n’accepte pas ce que l’Église enseigne.
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Comment le découvrez-vous ?
Au Liban déjà, je visitais les familles. Arrivé ici, j’étais décidé à aller voir les gens et à me mettre à leur écoute. Pas pour les condamner ni quoi que soit mais pour les encourager. Encourager ceux et celles qui sont pratiquants à garder la foi et ceux et celles qui se sont éloignés, pour une raison ou une autre, et leur dire que l’Église demeure à leurs côtés. Je veux les encourager à redécouvrir Jésus Christ dans leur vie. Actuellement, je visite les familles du village de Maker.
Ainsi, je peux parler de la réalité du terrain parce que je la connais. Je commence même à connaître les choses de près. Je peux parler des choses que je vois et non pas de ce qu’on m’aurait raconté. Mon grand défi, c’est d’aider les gens à redécouvrir Jésus Christ et à le choisir librement, non par tradition ou par nécessité identitaire, mais bien par conviction personnelle. Il faut réussir à enlever tout ce qui a été accumulé dans les mentalités, le chaos qui emplit les têtes de nos chrétiens, pour enfin voir la lumière de Jésus Christ. Tout le monde vient ici en Terre Sainte, cherchant non seulement à visiter les lieux saints, mais aussi à rencontrer les chrétiens locaux. Mais il est difficile de trouver de vrais témoins. Les autres défis sont communs à toutes les autres Églises. Qu’il s’agisse des défis financiers, ou du nombre de vocations.
Comment encouragez-vous les jeunes à venir à l’église ?
Nous voyons des signes positifs mais un de nos problèmes c’est que nos traditions et notre liturgie sont très anciennes et d’une forme inamovible. Comment faire passer, dans la vie spirituelle quotidienne des jeunes, des expressions de la foi qui peuvent paraître étranges et qui sont exprimées dans des concepts théologiques compliqués. Nous n’y arrivons pas. Par ailleurs, la liturgie orientale n’utilise jamais d’instruments musicaux. Or nos jeunes aiment et attendent ces rythmes-là. Quelques paroisses mettent en place des groupes de prières, avec des retraites spirituelles. C’est un grand défi de garder les jeunes rassemblés.
Comment expliquez-vous cela ?
Nous avons des fidèles, et spécialement les plus jeunes, extrêmement bien éduqués. Les statistiques relatives aux résultats dans nos écoles le prouvent qui comptent parmi les meilleures dans le pays. Mais la foi des chrétiens d’ici laisse parfois à désirer. Je ne dis pas que c’est leur faute ou la nôtre, mais nous faisons face à une situation difficile, car nous perdons la jeunesse. Pour leurs études ou leur travail, les jeunes se dispersent, quittent les villages, sont loin des structures ecclésiales. Un groupe de prière est en train de naître au Technion, au cœur de la fac. Mais ce souci n’est pas seulement le nôtre. En orient comme en occident, les jeunes fréquentent de moins en moins l’Église pour diverses raisons. Ici, certains étudient ou travaillent le dimanche, d’autres n’arrivent plus à s’y retrouver, et c’est d’autant plus difficile lorsqu’on doit faire face aux anciens “gardiens” des Églises et des traditions. Des “gardiens” qui craignent qu’on oublie les traditions mais ne craignent pas que l’on oublie Jésus Christ.
« Lorsqu’on permet le diaconat permanent des hommes mariés, nous sommes presque à l’ordination d’hommes mariés »
Les chrétiens palestiniens israéliens arabes s’expriment seulement dans deux lieux : dans les paroisses et les écoles. Or, dans ces deux lieux privilégiés, nous trouvons ces “gardiens” qui veulent maintenir une tradition socio-culturelle au lieu d’un attachement à Jésus Christ. L’Église a changé, mais eux demeurent attachés à l’ancienne forme parce que “ça a toujours été comme ça.” C’est une position adoptée aussi bien par certains membres du clergé que par des laïcs.
Pourtant vous voyez des signes positifs, alors d’où vous arrivent les vocations par exemple ?
Des familles ou des nouveaux mouvements ecclésiaux, de certaines paroisses aussi. Il y a des gens qui ont découvert le Christ et ont trouvé leur vocation grâce à ces mouvements. Personnellement, je vois les fruits qu’ils portent. Ce que je veux, c’est que les fidèles connaissent le Christ, et s’il y a des vocations qui naissent grâce à ces mouvements, fruits d’un bon discernement, alors pourquoi pas.
Quels sont vos critères de discernement des nouveaux mouvements ?
Être pasteur d’un diocèse, c’est aider les gens à redécouvrir Jésus Christ. Les “communautés nouvelles”, je les regarde avec une seule question : ou bien elles sont un allié ou bien elles égarent les brebis. Je regarde ce que Rome en dit et je regarde ce qui se fait sur le terrain dans le respect et l’adaptation (ou non) aux traditions locales. Après avoir évalué le positif et le négatif, les avantages et les inconvénients, il faut soit les bannir soit les aider. Certaines de ces communautés ont des pratiques incompréhensibles pour autant… si je les interdis, est-ce que je ne risque pas de perdre des brebis que ceux-là ont su aller chercher ?
Un des critères de discernement sur ces mouvements ce sont les fruits qu’ils portent. Vous connaissez cette blague : une personne est allée acheter un poulet, on lui a demandé cru ou grillé, il a dit grillé. On lui demande de passer au premier étage. Il y a demandé du poulet grillé. On lui a répondu : avec ou sans frites ? Avec des frites. Passez au deuxième étage. Au deuxième, on l’interroge avec ou sans ail. Avec – Passez au troisième – Au troisième étage, il dit : “Je veux un poulet grillé avec des frites et de l’ail”. “On n’en a pas lui dit le vendeur, mais comment avez-vous trouvé notre organisation ?” Dans l’Église, nous avons beaucoup d’organismes, de documents, de publications, de décisions, et de rencontres, on ne cesse de se rencontrer, mais pour quels fruits ?
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L’Église est-elle atteinte de “réunionite aiguë” ?
Je suis sûr que 99 % de nos fidèles ignorent les documents que nous produisons et nous-mêmes, pasteurs, nous n’arrivons pas à les digérer pour les enseigner et les transmettre à nos fidèles. Chaque semaine, il y a de nouveaux documents, des cérémonies et des célébrations… mais quand avons-nous le temps de rencontrer nos fidèles pour leur parler de Jésus Christ ? Personnellement, je ne souhaite pas perdre ma vie à organiser, je ne suis pas un administrateur mais un pasteur.
Quand on m’a ordonné évêque, on m’a d’abord remis le palium qui représente la brebis égarée. Puis à la fin de la liturgie, on m’a donné le bâton pastoral. Et il m’a été dit :
“Recevez le bâton de pasteur, signe de votre charge : prenez soin de tout le troupeau du Seigneur”. Il est de mon devoir d’aller chercher les brebis pour les guider à Jésus. Ce ne sont pas “mes” brebis mais celles de Jésus. Quand je rencontre quelqu’un qui est impliqué dans l’évangélisation, malgré tout ce que j’entends, pour moi c’est un allié. On peut faire des remarques pour corriger leurs erreurs mais ces communautés touchent de grands pécheurs dont elles ont changé la vie. Je veux aider les gens pour leur salut, pas seulement pour après mais pour maintenant. Connaître Jésus maintenant c’est crucial.
L’instruction religieuse dans les écoles chrétiennes de Galilée n’est-elle pas obligatoire ?
Elle devrait l’être, mais ce n’est pas toujours le cas. Dans certaines écoles dans certaines classes, il n’y a plus de catéchisme. Mais en principe, la plupart ont un enseignement chrétien au sein de l’école. Mais que dire de cet enseignement…Comme dans d’autres matières, il y a de bons professeurs et de moins bons, de bons catéchètes et de moins bons. C’est une grande préoccupation pour nous. Nous ne trouvons pas toujours les personnes qualifiées. Le ministère de l’éducation exige le “diplôme d’enseignement”, C’est une aptitude à obtenir en plus du diplôme dans sa spécialité. Même un prêtre, avec son bagage philosophique et théologique, doit avoir ce “diplôme d’enseignement” pour faire le caté. Mais il n’y a nulle part en Israël de lieux où les catéchètes puissent se former au niveau où l’enseignement israélien l’exige. C’est un problème. Par ailleurs, il ne suffit pas de trouver des gens disposés à enseigner le caté, il faut qu’ils aient une relation personnelle au Christ. Comment être témoin, défendre des valeurs, connaître les enseignements de l’Église ? Ce ne sont pas des connaissances à répéter mais une expérience personnelle du Christ à partager. Car il faut avant tout parler de quelqu’un que l’on connaît, pas de quelqu’un dont on a appris l’histoire.
Vous avez parlé de défis financiers ?
Notre diocèse a accumulé un grand déficit. Et ce n’est pas facile d’avoir recours à nos fidèles car parfois ils n’ont pas ou plus confiance en nous. Ils peuvent avoir confiance en un projet particulier : église, salle paroissiale. Là ils financent. Mais demander une contribution pour combler un déficit… c ‘est difficile. Nos fidèles ont le droit de savoir où est passé l’argent dans le passé. Avec un comité de laïcs, nous cherchons comment sortir petit à petit de ce problème financier.
Comment en êtes-vous arrivé là ?
Il y a eu dans le passé des soucis de gestion de l’argent de notre Église. Nous ne voulons pas juger mais résoudre le problème auquel nous sommes confrontés. Il faut évaluer la nature du souci : y a-t-il eu de mauvaises décisions ou quelqu’un aurait volé quelque chose ? Les évêques ne sont pas des administrateurs ou des gestionnaires. Ils peuvent se tromper dans leurs choix, surtout si, en plus, ils ne respectent pas les consignes données par Rome quant à la gestion des biens.
Ces questions financières reviennent souvent quand on parle de votre diocèse…
« Ces “gardiens” craignent qu’on oublie les traditions mais ne craignent pas que l’on oublie Jésus Christ »
Il faut comprendre ce qui s’est passé. Il est arrivé que des procédures données par Rome n’aient pas été respectées. C’est un premier souci car cela a entraîné un déficit. Puis, il y a eu aussi des décisions qui respectaient les procédures mais ont eu des conséquences négatives sur le budget du diocèse. L’évêque était dans son plein droit pour prendre pareilles décisions. Il a exercé sa responsabilité. Il reste qu’elles se sont révélées avoir un mauvais impact financier. On a écrit et dit beaucoup de choses sur ces décisions et les personnes qui les ont prises Et le résultat en plus du déficit, c’est que nous avons perdu la confiance de nos fidèles. Dans ce contexte, je fais mon travail. Peut-être certains n’apprécieront pas mes décisions, mais du moment que je respecte le droit canon et les consignes romaines, au moins je suis dans la transparence ? Quant à mes choix, je les assumerai. Mais je constate que les fidèles sont de plus en plus durs et défiants. Ce n’est facile pour personne dans ces conditions. Je ne défends personne, mais je ne critique personne non plus. En conscience et devant le Seigneur, j’essaie de faire de mon mieux.
Vos fidèles expriment-ils ouvertement cette défiance ?
Oui. Lors d’une visite pastorale, j’étais dans une famille de six frères, bien éduqués mais aucun ne va plus à l’église.
Ils m’ont dit être scandalisés par le comportement d’une partie du clergé et de certains évêques dans leur rapport à l’argent. D’autant plus que l’image qu’ils ont des évêques, c’est celle de quelqu’un qui “vient d’en haut” une fois par an, qu’on ne voit que de loin et qui vient donner des instructions. Les gens ont quitté l’Église mais peut-être pas le Christ, je ne sais pas. Beaucoup ont un problème avec l’Église mais pas nécessairement avec le Christ. Par ailleurs, les fidèles pointent du doigt les contre-témoignages de membres du clergé, accusés de ne pas montrer d’amour, ni pour les fidèles ni entre eux. Et malgré tout cela, certains fidèles continuent de pratiquer. Ils sont restés fidèles au Christ et éduquent leurs enfants dans la foi chrétienne. Ils ne se sont pas arrêtés à ces scandales et ont continué à travailler, à s’impliquer, à former leurs enfants, à les préparer à rencontrer le Christ.
Que faire pour renouer la confiance ?
Au niveau de l’Église, comme au niveau de la paroisse, notre critère d’évaluation c’est l’Évangile. Il convient de se demander ce que nous en avons fait dans nos vies et nos institutions. Quand parfois je pense à notre style de vie, je suis étonné. Jésus était-il comme ça ? Je suis allé à Rome pour le synode, j’ai logé à Sainte-Marthe. J’ai vu vivre le pape, j’ai mangé dans la même salle que lui. Je l’observais porter son cartable. Je l’ai vu arriver dans une petite voiture sur la place Saint-Pierre où des milliers de personnes l’attendaient. Il vient avec toute cette humilité, et pourtant c’est le pape. Le Christ était simple, sans être dans la misère. Il menait une vie simple, proche de tout le monde. Il n’a pas fréquenté qu’une catégorie de gens. Nous, évêques, nous devons nous interroger sur ce que nous avons fait de l’Évangile. Si il y a une bonne chose que j’ai faite depuis mon arrivée, c’est la visite des maisons. Les gens sont contents de me voir même les gens qui ne viennent jamais à l’église. Tout le monde respecte cette démarche : les non-pratiquants, les athées ou les communistes. Tout le monde a ouvert sa maison, avec beaucoup de respect et nous avons parlé, on me disait : “Pour la première fois, un évêque entre dans ma maison”.
Je ne sais ce qu’il en sera d’eux plus tard. Mais pour ma conscience, lorsque je rencontrerai le Christ, il ne va pas me demander combien de bâtiments j’ai construit mais “Qu’est-ce que tu as fait avec mon troupeau ? Qu’as-tu fait des brebis que je t’ai confiées ?” Je le répète, je ne suis pas un gestionnaire mais un pauvre pasteur venu aider son peuple qui m’aide lui aussi par la prière et avec son appui pour cheminer dans notre vie à la hauteur du Christ et renouveler notre relation avec Lui.
Il plane une menace sur le christianisme local : c’est de ne pas approfondir sa spiritualité, c’est de se cantonner dans le superficiel. Quelle est la nouveauté du Christ ? Peu de gens ont lu l’Évangile en entier. Il y a un grand chantier spirituel à travailler dans ce diocèse. C’est la raison pour laquelle le plus grand défi c’est la redécouverte de Jésus Christ dans notre vie. La menace du chrétien n’est pas seulement extérieure comme en Syrie mais la menace vient de l’intérieur. La menace c’est tout ce qui nous tue spirituellement, c’est le péché. Et c’est la menace à laquelle on prête le moins d’attention.
Un évêque qui appelle des hommes mariés au sacerdoce
Interrogeant Mgr Bacouni sur le nombre de prêtres dans son diocèse, il répondait “33” et d’ajouter : “Les deux tiers environs sont mariés” Bien des catholiques occidentaux, de rite romain, ignorent que l’Église catholique, celle de Rome, permet aux Églises orientales catholiques l’ordination sacerdotale d’hommes mariés, mais ils ne peuvent pas être ordonnés évêques. Le choix du célibat dans le sacerdoce est également possible, en revanche il est interdit aux prêtres de se marier après leur ordination.
C’est fort de ces informations, qu’il faut lire la partie qui suit de l’entretien avec Mgr Bacouni.
“Nous avons dix séminaristes, dont cinq sont au grand séminaire au Liban et un au séminaire patriarcal latin de Beit Jala. Les autres ont terminé leurs études. Ils se sont mariés et se préparent au sacerdoce. Nous avons aussi un homme marié qui a été appelé au sacerdoce et a accepté, mais nous cherchons comment lui offrir une formation théologique à défaut d’avoir un séminaire en Terre Sainte. Quand nous le pouvons, nous envoyons nos séminaristes au grand séminaire de théologie au Liban. Ils font donc leurs études, théologique et philosophique, au séminaire patriarcal latin de Beit Jala puis partent un an au Liban.
Vous appelez des hommes mariés au sacerdoce ?
Nous savons que les séminaristes sont souvent encore jeunes pour décider s’ils vont se marier ou non. S’ils décident de se marier, nous leur expliquons que nous ne sommes plus engagés à les ordonner prêtre. L’Église doit attendre que la personne trouve un travail, fonde une famille et ait une vie stable avant de pouvoir l’ordonner. Dans le passé, l’évêque allait dans les villages et là où il y avait besoin d’un prêtre, il choisissait un homme qui était bien établi et avait un travail. Cette personne recevait la formation nécessaire, était ordonné prêtre, et était là pour servir dans son village et pour administrer les sacrements. Des moines venaient pour les retraites spirituelles. Les choses ont changé, mais moi je préfère l’ancienne approche, car un homme mûr, qui a une vraie stabilité familiale et financière, ça aide beaucoup.
Une fois ordonnés, qu’en est-il de leur vie professionnelle ?
Nos prêtres mariés ont un travail. Ils sont enseignants, ou travaillent dans les tribunaux ecclésiastiques. Leur travail peut être aussi bien au sein de l’Église qu’à l’extérieur. Nous avons par exemple un professeur au Technion (Institut israélien de technologie dont le niveau s’apparente à Polytechnique en France), qui dessert son Église en fin de semaine ou durant la semaine lorsque son emploi du temps le lui permet. Il est préférable d’avoir à disposition un marié que de n’avoir personne. Nous avons toujours proposé cela aux grandes Églises occidentales…
Nous n’y sommes pas ?
Lorsqu’on permet le diaconat permanent des hommes mariés, nous y sommes presque. Le diaconat est un sacrement, ce n’est pas un rang administratif. Le sacrement du sacerdoce a trois niveaux : le diaconat, le sacerdoce, l’épiscopat. Ce sont des ordinations sacramentelles, toutes les autres, cardinal, patriarche, archevêque, ce sont des titres pour servir l’Église. Ces distinctions n’ont qu’un caractère administratif.
Vous-même, vous êtes religieux ?
Non. Je suis prêtre diocésain. Je suis une “vocation tardive”, j’avais 28 ans quand j’ai commencé à étudier la philosophie et la théologie.
Dernière mise à jour: 29/12/2023 16:41