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Le messianisme en dialogue avec l’Eglise catholique

Hélène Morlet
21 janvier 2016
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Chrétien évangélique lors de la parade annuelle organisée pour Soukkot ©Hadas Parush/Flash 90.

Quand il s’agit du Messie et de messianisme en Israël, les juifs qui croient en Jésus sont incontournables. Pourtant leurs paroles ont de quoi surprendre les catholiques issus de la gentilité. Spécialement quand une lecture littérale de la Bible mélange nationalisme et religion.


Les rencontres avec Jacques Elbaz et Gershon Nerel ne manquent pas de susciter des interrogations. Quelle est l’attitude de l’Église catholique vis-à-vis des juifs messianiques ? Pourquoi la même foi en Jésus-Christ chez les chrétiens palestiniens et les juifs messianiques israéliens ne permet-elle pas un rapprochement ? La terre d’Israël est-elle vraiment destinée au peuple juif ? Qu’en est-il du peuple palestinien ?

David Neuhaus est un de ces juifs qui a rencontré Jésus, au point de se faire baptiser dans l’Église catholique romaine et de devenir jésuite. Vicaire patriarcal pour les catholiques d’expression hébraïque, il est engagé dans les relations avec le judaïsme et les messianiques. “En l’an 2000, a débuté un dialogue entre catholiques et juifs messianiques. D’abord informel et confidentiel, il a été établi avec la bénédiction des papes successifs sous la tutelle du cardinal Georges Cottier, op, puis du cardinal Christoph Schönborn.” explique-t-il.

Le Groupe de dialogue catholique romain et juif messianique se réunit généralement sur quatre jours chaque année. Il rassemble des théologiens et experts en études bibliques et relations judéo-chrétiennes du côté catholique, souvent d’origine juive. Pour le mouvement messianique, ce sont des responsables de communautés, ouverts au dialogue et représentant un large éventail de différentes pensées et pratiques. Discussions théologiques et prières charismatiques sont au programme.

Le « peuple » et la « terre »

La conviction des deux parties que l’Église originelle réunit l’Ecclesia ex Judaeis et l’Ecclesia ex Gentibus a permis d’entrer dans un dialogue plus approfondi. “En dépit de différences de langage, les membres catholiques du groupe de dialogue ont découvert que les Messianiques approuvent les convictions chrétiennes les plus fondamentales sur la christologie, la Trinité et la sotériologie (théologie du salut). Ils montrent en même temps ce à quoi la foi en Christ peut ressembler au sein du peuple juif”, écrit père David dans un article publié à ce sujet (1).

Pour autant, des différences subsistent. L’importance de la question de “peuple” et de “terre” pour les juifs, messianiques ou non, en est une. Père David explique : “Dans le Nouveau Testament, il y a une expansion progressive du concept de la terre en même temps que les Évangiles se propagent sur le territoire. L’auteur de l’épître aux Ephésiens souligne bien le nouvel aspect de la mission du Christ qui consiste à abolir les frontières et à élargir la notion même du concept de terre (cf. Éph 2, 14-19). La “terre” de l’Église est la terre telle qu’elle est conquise par le message de l’Évangile apporté par les apôtres de Jérusalem jusqu’aux coins du monde plus reculés.” (2)

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A la différence de Gerson Nerel et Jacques Elbaz que nous avons interviewés, et avec eux la grande majorité des juifs messianiques, l’Église locale de Terre Sainte est historiquement et principalement palestinienne. De ce fait, elle a un discours sensiblement différent de celui des messianiques, dont l’identité juive et israélienne est très marquée. Il insiste sur les notions de justice et de paix dans un contexte de conflit israélo-palestinien mortifère. Les considérations apocalyptiques n’ont pas la même importance, l’essentiel étant “le vécu actuel de l’amour du Christ et de la justice”.

C’est notamment clairement affirmé dans la “Déclaration de Jérusalem sur le sionisme chrétien” (3). Publiée en 2006 par les évêques de plusieurs Églises de Terre Sainte, dont le patriarche émérite Mgr Michel Sabbah, elle invite : “Nous appelons toutes les personnes à rejeter les vues étroites du sionisme chrétien et d’autres idéologies qui privilégient un peuple aux dépens des autres. Nous nous engageons dans la résistance non-violente comme le moyen le plus efficace de mettre fin à l’occupation illégale pour obtenir une paix juste et durable.”

“Certains Européens sont fascinés par ces juifs qui croient en Jésus”, remarque le père David. Mais la fascination ne semble pas réciproque, loin s’en faut. Les procès sont nombreux que les juifs messianiques attentent aux “Églises Officielles” comme ils les appellent. Père David quant à lui a fait ses choix. Son arabe est aussi parfait que son hébreu et il se joue des frontières qui séparent plus que les pays, les hommes. “Eriger des frontières, n’est pas acceptable pour la foi chrétienne.” conclut-il.

1. Neuhaus David, sj. “Gli Ebrei che credono in Gesù. Il Dialogo tra Cattolici ed Ebrei Messianici” Civiltà cattolica, 2015 IV (3968, 24.10.2015), 145-156.

2. Neuhaus David, sj. “Le dialogue juifs – chrétiens et la question de la terre d’Israël” in Recherches de science religieuse, Tome 103/3 (Juillet-septembre 2015), p. 397-418

3. Mgr Riah Abu el-Assal, Mgr Swerios Malki Mourad,
Sa Béatitude Mgr Michel Sabbah, Sa grâce Mgr Munib Younan, “Déclaration de Jérusalem sur le sionisme chrétien”, 22 août 2006.

Dernière mise à jour: 29/12/2023 16:41

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