Vous n’avez pas compris le titre ? C’est normal. L’auteure de ce néologisme est palestinienne. Elle s’appelle Farah et réside en Cisjordanie. Comme une trentaine d’autres jeunes Palestiniens, âgés de 18 à 25 ans, elle a participé à un concours organisé par le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de Jérusalem. À vrai dire Farah n’a pas créé un mot, lequel dans son texte est orthographié “douanent”. Sous sa plume “douanent” est utilisé pour doucement. Le texte de Farah, malgré ses erreurs de vocabulaire et de syntaxe, fait partie des quatre textes que le jury a sélectionnés. Les deux finalistes partiront deux semaines en France pour un stage de langue. Un jury auquel j’ai eu la chance de participer. Je me suis battue pour défendre ce “Je marchais douanant”. Les participants devaient s’inspirer d’une des 14 photos qui leur avait été proposées pour écrire un texte d’une à deux pages. Et dans le texte de Farah intitulé Le chaos de la mémoire, il y a des phrases et une intention qui méritaient d’être défendues.
Quelle expérience de lire les textes de ces jeunes Palestinien(ne)s ! Quelle épreuve aussi ! Comment de si jeunes gens peuvent-ils déjà exprimer tant de douleurs ? Comment un texte peut-il commencer par : “C’est la guerre. Vous connaissez n’est-ce pas ?” comme une évidence. Comment en s’inspirant de photos de femmes asiatiques, africaines, européennes, tous ces textes nous ramènent-ils aux conditions de vie dans les camps de réfugiés, à la condition de la femme réduite en esclavage, à la guerre, encore et toujours ? À croire ces textes, toutes les femmes palestiniennes sont veuves, elles ont toutes perdu un enfant, elles ont toutes un fils en prison, elles ont toutes été mariées trop tôt, sans désir et sans amour. Il a fallu au jury dépasser la désespérance.
Et puis, il y a eu la rencontre avec des écritures. Pas seulement l’admiration que de jeunes Palestiniens soient capables d’écrire en langue française, non mais qu’ils aient en français un style. Comme Amir. Dans les prochains mois vous entendrez parler d’Amir dans Terre Sainte Magazine. Il a 22 ans, il vit à Gaza et écrit de façon saisissante notre langue. En un paragraphe, il vous prend, vous emporte, vous fait tournoyer et soudain vous lâche rompus et joyeux. J’ai pleuré en lisant Amir. Pleuré de joie, pleuré aussi parce que ce jeune homme écrit comme je ne saurai jamais le faire. De Gaza que peut-il sortir de bon ? Il s’appelle Amir, il a 22 ans et c’est un poète qui écrit en prose.
Dernière mise à jour: 30/12/2023 22:47