Firaz Kazaz, vous êtes muezzin à la mosquée d’El Aqsa. Est-ce votre métier ?
Certains muezzins ont un métier en plus d’être muezzin. Personnellement, comme les autres muezzins d’El Aqsa, je ne travaille pas ailleurs. Nous sommes trois : mon père et moi assurons chacun deux appels à la prière, un autre muezzin s’occupe de celui de l’aurore. Non seulement, je ne travaille pas en dehors d’El Aqsa, mais je ne chante pas ailleurs non plus. Je ne le souhaite pas, je suis comme consacré à cette mosquée.
En quoi consiste la fonction de muezzin ?
Le muezzin est chargé de lancer l’appel à la prière, appelé Adhan, cinq fois par jour. L’horaire de l’Adhan change tous les jours en fonction du soleil. En ce moment, les appels se font vers 4 h pour la prière de l’aube, vers 12 h 30 quand le soleil commence à quitter le zénith, vers 16 h 15 en fin d’après-midi, vers 19 h 30 au coucher du soleil et vers 21 h, pour la prière du soir. Je lis aussi le Coran, mais ce n’est pas obligatoire.
Le muezzin peut être aussi imam mais ce sont deux choses vraiment différentes. Le muezzin doit savoir chanter, l’imam doit pouvoir prêcher et conseiller les fidèles. Par exemple, il étudie le fiqh qui est la jurisprudence islamique, les hadiths qui sont les propos tenus par Mahomet ainsi que les paroles et les situations qui se sont déroulées devant lui et qu’il a tacitement approuvées, des commentaires du Coran… Il est diplômé, contrairement au muezzin qui peut n’avoir pas étudié.
Depuis quand y-a-t-il des muezzins ?
C’est Mahomet lui-même qui a institué cette charge, en demandant à son ami Bilal, esclave affranchi, d’appeler les fidèles à la prière. Depuis cette époque, les paroles de l’Adhan n’ont pas changé. Ce sont des extraits du Coran qui invitent les fidèles à la prière et proclament la foi de l’islam.
À l’époque du Prophète, l’appel ne se faisait pas en chantant. Ce n’est que plus tard que les mélodies sont apparues. Elles ont été créées en Arabie et au Maghreb : elles ne reprennent pas des airs profanes, elles sont vraiment spécifiques à l’islam. Il faut être prudent à ce sujet, ce sont deux registres bien différents. De plus, tous les muezzins ne chantent pas de la même manière car l’écriture n’est pas codifiée. Certains sont plus expérimentés que d’autres : par exemple mon père, Naji Kazaz, chante depuis 35 ans : il connaît bien son métier !
Y a t-il des mélodies spéciales pour les fêtes ?
Les Adhan ne changent pas, mais pour les jours de grandes fêtes, nous les chantons avec un soin tout spécial. Mais nous avons des chants pour des occasions, nous lisons le Coran, nous le méditons particulièrement ces jours-là : pour l’Aïd el-Fitr qui marque la fin du Ramadan, l’Aïd al-Kabir qui marque la fin du Hajj, le grand pèlerinage à La Mecque… L’Isra-wal-Miraj une fête particulièrement attendue à Jérusalem parce qu’elle commémore le voyage nocturne que Mahomet a fait de La Mecque à Jérusalem.
Les Adhan sont-ils enregistrés à Jérusalem ?
Dans certaines mosquées de Jérusalem, oui. Mais l’appel à la prière de la mosquée d’El Aqsa ne l’est jamais. À Ramallah par exemple ou à Naplouse, toutes les mosquées ont un muezzin, comme 90 % des mosquées de Palestine.
À Jérusalem, qui comporte beaucoup de mosquées, les muezzins se mettent à chanter après le muezzin d’El-Aqsa, que ce soit des enregistrements ou non. Ils chantent tous en décalage de quelques secondes, ce qui crée une sorte de brouhaha. Ce n’est pas gênant, du moment qu’ils commencent après El Aqsa.
Que doit faire un musulman qui entend l’Adhan ?
Il doit prier, comme le demande le Coran. S’il peut arrêter de travailler, c’est mieux : la prière ne dure que cinq bonnes minutes.
Un musulman pieux s’attache à cette prière, même la nuit. Le vendredi, le musulman doit participer à la prière communautaire. Les femmes qui le peuvent doivent elles aussi se rendre à la mosquée, sinon elles restent chez elles.
Comment le premier muezzin fut désigné
“Ibn ‘Umar – qu’Allah soit satisfait de lui – (un compagnon du Prophète) disait : À leur arrivée à Médine, les musulmans se regroupaient et attendaient l’heure de la prière sans qu’on eut fait l’appel à venir la faire. Un jour, ils s’entretinrent sur le sujet. Quelques-uns d’entre eux dirent : “Adoptons une cloche pareille aux cloches des chrétiens.
– Non, opposèrent d’autres, utilisons plutôt un cor pareil à la corne dont les juifs font usage.
– Pourquoi ne pas désigner un homme pour appeler à la prière ? intervint ‘Umar.” Sur ce, le Messager d’Allah appela Bilal – qu’Allah soit satisfait de lui -. “
Ô Bilal ! Lève-toi et appelle à la prière !”
Sahih Al Boukhari (recueil de hadiths) n°604 / Tome 1
Lire le Coran ou le chanter ?
Quand Firaz nous explique qu’il prend des cours pour lire le Coran… c’est qu’il apprend à le chanter. À le psalmodier plutôt. C’est ce qu’on appelle le tajwîd (embellissement, en arabe), une lecture qui a ses propres règles. Il faut connaître les dix types de lectures coraniques, aux règles phonétiques différentes. Il y a aussi plusieurs modes de récitation : tahqîq, récitation lente pour inciter à la réflexion ; hadr, récitation au rythme de la parole normale ; tadwouir, récitation à mi-chemin entre hadr et tahqîq.
Dernière mise à jour: 31/12/2023 00:08