Les débuts du nationalisme palestinien s’originent au cœur du nationalisme arabe du XIXe siècle alors que la région est dominée par l’Empire ottoman depuis 1516. À partir de 1800, le territoire palestinien allant de la Mer Méditerranée au Jourdain connaît un essor économique et social important, et son administration relève directement d’Istanbul.
Et pour cause, la Palestine est une région tampon face aux appétits égyptiens et il convient de garder un œil attentif sur ce territoire géostratégique. Les habitants de la Palestine commencent dès lors à nourrir le sentiment de former un peuple distinct du reste de la population de l’Empire ottoman.
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Les embryons d’une conscience de soi et d’une conscience de classes sont relevés par le Consul Britannique James Finn, installé en 1845 à Jérusalem et qui dans sa correspondance à Lord Clarendon, secrétaire d’État aux Affaires Étrangères britanniques note (en 1854) que l’idée d’indépendance est familière aux Arabes de Palestine.
Le moteur de l’antisionisme
L’affaiblissement progressif du pouvoir du sultan ottoman favorise la pénétration économique et culturelle de l’Europe en Palestine. Cette nouvelle influence ne dérange pas la population dont les élites traditionnelles se maintiennent à la tête de l’administration. C’est le cas des grandes familles palestiniennes comme les Husseini, les Abyad ou encore les Al-Alamî dont un des membres (Fadî) fut maire de Jérusalem en 1906 et député au parlement ottoman en 1914. La société se vit comme pluraliste et chacun y trouve sa place, toutes communautés et religions confondues.
Par contre, le projet sioniste énoncé par l’écrivain juif Théodore Herzl ne laisse pas les Palestiniens indifférents. Dans son livre Der Judenstaat (L’Etat des juifs) publié en 1895, l’écrivain appelle à la création d’un État pour les Juifs en Palestine. Dès lors, la résistance et les associations patriotiques palestiniennes s’organisent et impulsent des mouvements d’actions violentes contre des colonies juives. La presse sert également à informer la foule des périls, et le journal antisioniste Filastîn créé en 1911 par les frères chrétiens orthodoxes Isâ al-Isâ, se répand en Palestine. Par ailleurs, un Comité exécutif arabe est créé et supervise le mouvement national palestinien qui promeut l’indépendance.
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Pendant la première Guerre Mondiale, les autorités britanniques s’engagent à mettre en œuvre l’indépendance des peuples arabes vis-à-vis du pouvoir ottoman rallié à l’Allemagne et à l’Autriche Hongrie, s’ils se rangent aux côtés des Alliés. C’est un des moteurs de la Grande révolte arabe de 1916-1918. Mais en mai 1916, dans le secret des accords Sykes-Picot, France et Grande Bretagne se partagent le Proche-Orient, prévoyant qu’une partie de la Palestine échoie aux Anglais et une autre jouisse d’un statut d’internationalité. Pour les Britanniques cet accord est transitoire, ils en espèrent la révision pour s’assurer un contrôle exclusif sur toute la Palestine.
Le jeu britannique
Quand en novembre 1917, le Ministère des Affaires Étrangères britannique Lord Arthur Balfour déclare que « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif », les Palestiniens deviennent tout à fait sceptiques quant à la promesse d’indépendance. Cette défiance augmente et culmine en 1920 lorsque la Palestine devient un protectorat anglais. Une double résistance, caractérisée par l’organisation de congrès et de manifestations, est alors menée par les Palestiniens, qui se heurtent aux Britanniques et au mouvement sioniste.
La Palestine sous mandat britannique connaît ainsi une suite perpétuelle d’affrontements. En 1935, le chef rebelle Izz al-Dîn al-Qassam déclenche une lutte armée. Abattu quelques semaines plus tard, il jouira d’une aura considérable parmi les maquisards issus de son organisation. Le moment phare de la période de résistance se situe entre 1936 et 1939, période durant laquelle les soulèvements prennent une dimension nationale. Commençant par un appel national à la grève à Jaffa en avril 1936, le mouvement est suivi par la quasi totalité des villages palestiniens qui constituent des comités de grève.
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La Commission supérieure arabe est créée, présidée par le mufti de Jérusalem (interprète officiel de la loi musulmane) Amîn al-Husseinî. Il organise alors un congrès d’où il ressort trois revendications principales : l’arrêt de l’immigration juive, l’octroi de l’indépendance et la prohibition de la vente des terres. L’Agence Juive, une organisation sioniste fondée en 1929, exige en effet que les terres achetées aux Palestiniens ne soient exploitées et revendues qu’aux Juifs.
Face aux révoltes, la répression par les autorités britanniques est musclée, mais renforce encore davantage le sentiment des hommes palestiniens (et des femmes, très impliquées dans le mouvement) qui boycottent l’État par une grève des impôts et des transports en commun, de l’enseignement, des médecins et des tribunaux. Le boycott dure six mois, pendant lesquels les Palestiniens vivent sous l’autorité de leurs propres dirigeants et nourrissent un très fort sentiment national.
La catastrophe
En 1937, la commission anglaise Peel préconise le partage de la Palestine avec un État juif sur 33 % du territoire et un État arabe rattaché à la Transjordanie (l’actuelle Jordanie). Une véritable guerre oppose alors les Palestiniens dirigés par le Haut Comité arabe (qui a remplacé la Commission supérieure) aux troupes coloniales. Un an après, de nombreux villages et villes de Palestine sont sous le contrôle de groupes de résistants armés dirigés par des notables, des militaires (comme le libanais Fawzî al-Qawuqji, à la tête des volontaires arabes infiltrés venus se battre en Palestine), ou de simples paysans. Après une grande répression, l’autorité britannique est rétablie en 1939. Le camp palestinien a subi un grave revers, mais le peuple gardera toujours en mémoire cette période colorée de nationalisme.
La déclaration d’Indépendance d’Israël le 14 mai 1948 entraîne la première confrontation armée entre Israéliens et Palestiniens suite au refus de ces derniers de reconnaître l’État hébreu. Cette guerre se solde par une défaite palestinienne et une dispersion massive de la population en Palestine et dans les pays frontaliers (Liban, Syrie, Jordanie, Égypte). C’est ce que les Palestiniens appellent la Nakba, la Catastrophe. Les revendications nationalistes sont alors diffusées par les élites palestiniennes à l’étranger grâce au soutien de dirigeants arabes, comme l’égyptien Nasser par exemple.
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C’est ainsi que naît en 1964 une organisation politique et paramilitaire qui revendique l’indépendance du territoire, l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP). Elle rédige une Charte nationale palestinienne, stipulant entre autres que « La Palestine, dans les frontières du mandat britannique, constitue une unité territoriale indivisible ». Les années 1970 sont marquées par une radicalisation de l’OLP dirigée par Yasser Arafat et les organisations palestiniennes recourent au terrorisme pour faire entendre leurs revendications.
Le temps de la diplomatie
La vie au sein des camps palestiniens et la colère contre la présence israélienne dans les territoires occupés ont joué un rôle dans le déclenchement de la première Intifada en 1987. Cette guerre des pierres unit toutes les couches sociales et consolide l’entité nationale palestinienne. Peu après, le 15 novembre 1988, la direction de l’OLP publie la Déclaration d’indépendance d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale. L’hymne national Biladi, Biladi (Ma patrie, ma patrie) est adopté.
Peu à peu, la violence cède à la diplomatie : les accords de paix d’Olso signés entre Yasser Arafat et Itzhak Rabin entérinent la reconnaissance mutuelle entre Israël et l’OLP en septembre 1993. Il s’ensuit la création de l’Autorité Palestinienne, chargée de gérer les affaires civiles des populations de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
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L’arrivée au pouvoir du Hamas (Mouvement de résistance islamique) dans la bande de Gaza en 2006 témoigne d’une société palestinienne divisée, avec d’un côté les partisans du Hamas qui ne reconnaît pas Israël (appelé par eux «entité sioniste») et de l’autre les partisans du Fatah prêts à négocier avec Israël. L’unité nationale est alors mise à l’épreuve. En décembre 2008, la guerre de Gaza et la médiatisation des actions israéliennes ressoudent la population autour d’une cause commune, l’indépendance de la Palestine. Un (fragile) accord de réconciliation entre Fatah et Hammas est signé en mai 2011.
Le nationalisme palestinien n’a jusqu’à présent pas réussi à entraîner la création d’un Etat palestinien. Le 23 septembre 2011, le discours de Mahmoud Abbas devant l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’adhésion de la Palestine comme État membre à part entière à l’ONU a redonné de la vigueur aux idées nationalistes. Ces dernières trouveront-elles un écho concret ? La suite dans l’actualité à venir.
Dernière mise à jour: 31/12/2023 19:01