Les Ordinaires catholiques de Terre Sainte (AOCTS) ont demandé le 31 octobre aux autorités israéliennes d’abroger la loi sur l’Etat-Nation juif adoptée en juillet et la reconnaissance de l'égalité de tous les citoyens.
« La loi ignore totalement le fait qu’il existe un autre peuple, les Arabes palestiniens (ndlr : les descendants des Palestiniens restés sur leurs terres à la création d’Israël en 1948) et d’autres grandes communautés religieuses, chrétiens et musulmans, ainsi que les druzes et les baha’is, profondément enracinés dans ce pays. » Autrement dit Israël. C’est en ces termes que l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte (AOCTS) a vivement critiqué à son tour par le biais d’un communiqué publié ce jour – après notamment le Patriarcat latin le 30 juillet dernier – la loi controversée définissant Israël comme l’Etat-nation du seul peuple juif, adoptée à la Knesset (le parlement israélien) le 19 juillet dernier. La loi est ainsi accusée de marginaliser les non-juifs bien que 1,8 des 9 millions d’habitants en Israël, soit 20%, sont des Arabes.
Le texte entrant dans la catégorie des lois fondamentales du pays a une valeur constitutionnelle dans l’Etat hébreu qui n’a jamais eu de Constitution rédigée ou approuvée depuis sa création. Si le texte ne change pas beaucoup de choses en pratique, s’accordent à dire les membres de l’AOCTS, il fournit en tant que loi fondamentale « une base constitutionnelle et légale à la discrimination entre citoyens israéliens », alertent les chefs des Eglises catholiques.
Ces derniers reprochent concrètement au texte de loi de poser des privilèges pour les citoyens juifs et d’encourager ainsi « une vision discriminatoire » dans la société israélienne. La loi ne reconnaissant le droit à l’autodétermination (ou droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) qu’aux juifs. Et promulguant « le développement de la colonisation juive en tant que valeur nationale », pointent-ils du doigt. A noter que le texte stipule aussi que l’hébreu est érigé en seule langue officielle (reléguant l’arabe à un statut spécial). De même Jérusalem est définie exclusivement comme la capitale d’Israël « capitale complète et unie », incluant la partie orientale de la ville sainte annexée.
« Nos fidèles, les chrétiens, nos concitoyens musulmans, druzes et baha’is, nous tous qui sommes arabes, ne sommes pas moins citoyens de ce pays que nos frères et sœurs juifs », s’émeuvent dans leur communiqué pas moins de 25 évêques et vicaires épiscopaux catholiques de rites latin et orientaux en Terre Sainte, parmi lesquels l’archevêque melkite de Saint-Jean-d’Acre, Mgr Georges Bacouni, l’archevêque Maronite de Haïfa, Mgr Moussa al-Hage, l’administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa, le Custode de Terre Sainte, le père Francesco Patton, les deux patriarches latins émérites, Mgr Michel Sabbah et Mgr Fouad Twal. Tous les signataires appellent les autorités israéliennes « à abroger » la loi.
Il convient de rappeler que la demande des Eglises catholiques si elle était entendue nécessiterait un processus très complexe car la nouvelle loi, qui officie – on l’a vu – comme loi fondamentale est un type de loi plus difficile à modifier ou à abroger à la Knesset qu’une loi classique.
Egalité
En tout état de cause, les membres de l’AOCTS rappellent vivement dans leur communiqué que « les chrétiens, les musulmans, les druzes, les baha’is et les juifs exigent d’être traités comme des citoyens égaux » en Israël. Réclamant une égalité qui doit « inclure la reconnaissance respectueuse de nos identités civique (israélienne), ethnique (arabe palestinienne) et religieuse (chrétienne), en tant qu’individus et en tant que communautés », explicitent fermement les représentants des Eglises catholiques en Terre Sainte.
Pour les membres de l’AOCTS, la loi sur l’Etat-nation juif porte au contraire clairement atteinte aux valeurs d’égalité, de justice et de démocratie contenues dans la « Loi fondamentale » de 1992 sur « la dignité humaine et la liberté » qui a été selon eux, « une étape importante dans la lutte pour la protection et la promotion de ces valeurs. » Dans leur communiqué les chefs des Eglises catholiques en Terre Sainte affirment que le texte contrevient également aux conventions internationales, dont Israël est signataire, concernant les droits de l’homme, le respect de la diversité et le renforcement de la justice, de l’égalité et de la paix. On peut citer la Résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies garantissant la création d’un Etat juif tout en assurant le plein droit civil aux Arabes.
Cherchant à maintenir « un esprit de dialogue », les évêques et vicaires épiscopaux catholiques de rites latin et orientaux en Terre Sainte légitiment leurs demandes à deux titres. « En tant qu’Israéliens et en tant qu’arabes palestiniens, nous cherchons, disent-ils, à faire partie d’un Etat qui promeut la justice et la paix, la sécurité et la prospérité pour tous ses citoyens. » Et « en tant que chrétiens, nous sommes fiers que l’Eglise universelle ait été fondée à Jérusalem et que ses premiers fidèles aient été des enfants de ce pays et de son peuple ».
Terre Sainte magazine a publié un décryptage complet pour comprendre les tenants et aboutissants de la loi dans son numéro de septembre-octobre 2018 : « Le vote d’une loi interroge sur le devenir démocratique de l’Etat juif ».
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