Les Israéliens élisent ce jour leurs nouveaux maires. Listes branchées à Tel Aviv, nationalistes-religieux contre laïcs à Jérusalem. Zoom sur les attentes ou non des chrétiens dans les deux plus grandes villes du pays.
« Arrêtez de râler, votez et influencez », a titré le quotidien Israël Hayom (Israël aujourd’hui). Pour les élections municipales de 2018, le 30 octobre – date du 1er tour – est pour la première fois férié en Israël. Histoire de motiver les quelque 6,6 millions de citoyens et résidents israéliens de plus de 17 ans à glisser leur bulletin dans les urnes. Les taux de participation étant traditionnellement bas pour ces élections à enjeu local plus que national.
L’Eglise catholique en Terre Sainte tout comme généralement les autres Eglises chrétiennes, n’encourage ni ne décourage les chrétiens à voter. Et ne donnent pas de consigne de vote. C’est ce que confirme Wadie Abunassar, porte-parole de l’Assemblée des Ordinaires catholiques de Terre Sainte, cité le 24 octobre, dans le National Catholic Register : « en principe, en tant qu’Eglise, nous ne disons pas pour qui voter ni pour quoi voter. Nous faisons confiance aux fidèles pour faire tout ce qui leur semblera approprié. »
Le nombre de chrétiens en Israël dont les trois quarts sont des arabes chrétiens, représente 2% de la population et ne permet pas aux chrétiens de faire la différence lors des élections. Les villes où se concentre le plus grand nombre de chrétiens en Israël sont Nazareth (quelque 22 000 chrétiens sur une population totale d’environ 75 000 habitants), Haïfa (environ 15 000 sur près de 280 000 habitants), devant Jérusalem (12 600 sur 892 000).
A Jérusalem les chrétiens, qui représentent 1,4% de la population de la ville, se trouvent majoritairement dans la partie orientale de la ville, à majorité arabe. Certains ont la citoyenneté israélienne, d’autres non, mais le statut de résident permanent leur permet à tous de voter aux élections locales sans pouvoir devenir maire pour autant. Depuis 1967, date de l’annexion de Jérusalem-Est par Israël, des responsables palestiniens ont exhorté les chrétiens et les musulmans vivant à Jérusalem à boycotter les élections israéliennes, en particulier à Jérusalem, dont les Palestiniens revendiquent la moitié orientale comme capitale de leur futur Etat. Selon les leaders palestiniens, voter aux élections israéliennes revient à légitimer la souveraineté d’Israël sur Jérusalem-Est.
Cette année encore, le mufti de Jérusalem, Mohammed Ahmed Hussein, a émis une fatwa, un avis religieux, interdisant aux musulmans de participer aux élections. Lors des dernières municipales en 2013, moins de 1 % des Palestiniens se sont rendus aux urnes. Potentiellement, les Palestiniens représentent un bon tiers des électeurs de Jérusalem.
Tension fiscale
Outre la pénurie de permis de construire de nouveaux logements qui concerne l’ensemble des musulmans et chrétiens des quartiers Est de la ville sainte, l’une des principales préoccupations des chrétiens à Jérusalem concerne la politique fiscale de la municipalité à l’égard des Eglises.
Pour mémoire, le maire sortant, Nir Barkat a provoqué la stupeur en janvier dernier chez les 13 Eglises officielles de Jérusalem en voulant appliquer la taxe municipale d’habitation sur les biens commerciaux des Eglises liés aux activités de pèlerinages, d’hôtellerie-restauration, vente de souvenirs, etc. Les Eglises bénéficiant d’une exemption fiscale, instaurée depuis l’époque ottomane. La mairie entendait la réserver aux seuls lieux de culte, pour pouvoir récupérer auprès des Eglises 152 millions d’euros en arriérés d’impôt pour faire fonctionner la ville, assurer ses services publics, et rémunérer ses agents. La raison est simple : Jérusalem est une ville dont l’assiette fiscale est très faible car les deux tiers de la population ne sont pas imposables. 30 % sont des juifs religieux ultra-orthodoxes qui vivent des aides sociales du gouvernement, 30 % sont des Palestiniens qui ne sont pas imposables au vu de leurs ressources. Cette nouvelle politique municipale a été perçue par les chefs des Eglises comme une tentative d’« affaiblir la présence chrétienne à Jérusalem ». Cela – notamment – avait débouché sur la fermeture du Saint-Sépulcre trois jours durant fin février, décidée par les Eglises gardiennes de la basilique de la résurrection, avant que la mesure municipale ne soit écartée, ainsi qu’un projet de loi qui nationaliserait les biens immobiliers que l’Eglise vendrait. Mais cette dernière question ne se traitera pas à l’échelon municipal mais au niveau parlementaire et gouvernemental où les principales décisions sont prises. Comme il en est généralement des problématiques liées au mont du Temple ou au mur Occidental par exemple.
Si le candidat (nationaliste) Zeev Elkin, l’actuel ministre des Affaires de la ville de Jérusalem supporté par Benjamin Netanyahu ne gagne pas, ce sera sans nul doute un coup dur pour le Premier ministre mais peut être un soulagement pour les chrétiens s’il comptait poursuivre la menace fiscale brandie par le maire sortant Nir Barkat qui est aussi l’un de ses soutiens.
Parmi les cinq autres candidats en lice, deux s’imposent comme les principaux challengers du candidat Zeev Elkin. Moshe Lion et Ofer Berkovitch sont tous les deux membres du conseil municipal de Jérusalem et incarnent à tous les deux l’opposition des laïcs et des religieux dans la ville sainte. Le premier a en effet reçu le soutien d’une grande partie de la communauté ultra-orthodoxe.
Le second challenger est un laïc de 35 ans. Ofer Berkovitcha mené campagne défendant le pluralisme et s’est engagé à ne pas se laisser paralyser par les pressions politiques des ultra-orthodoxes.
Pas vraiment d’enjeu pour les chrétiens à Tel Aviv
A Tel Aviv, la capitale, l’enjeu pour les chrétiens est largement plus faible. Ils ne sont que 2000 sur une population de 443 000 habitants. Dans la ville laïque qui ne dort jamais, c’est le travailliste Ron Huldai (74 ans) qui est en tête des sondages. Il entend bien briguer un cinquième mandat après 20 ans aux rênes de la ville blanche. Bien que son poulain resté dans l’ombre pendant dix ans, Asaf Zamir, 38 ans, veut sortir du box après avoir notamment appelé à une augmentation du budget importante pour améliorer la qualité de la vie dans le Sud de Tel Aviv, où vivent des milliers de demandeurs d’asile du Soudan et d’Erythrée. La « bulle » israélienne a vu surgir 20 listes de partis illustrantses tendances progressistes : il y a par exemple une liste « Vegan », une liste écologiste, et une liste anti-raciste, une liste entièrement féminine. Ce qui est à souligner quand on sait que dans le pays 665 hommes se disputent le poste de maire, contre 58 femmes.
Si aucun candidat n’obtient plus de 40 % des voix dès le premier tour, un second tour aura lieu le 13 novembre 2018. Ce quiest très probable pour Tel Aviv et Jérusalem.