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Nadine Bitar: « Aux États-Unis, j’étais comme un poisson hors de l’eau »

Hélène Morlet
30 juillet 2016
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Nadine a un tatouage au poignet. Il est écrit “Que ta volonté soit faite” mais dans la version de l'abandon de Jésus dans sa prière à Gethsémani ©Nizar Halloun/CTS

Quelques semaines après cette interview, Nadine perdait brutalement son papa. Sa foi en fut bousculée mais pas ébranlée, tout orientée déjà vers le mystère de la croix. À 26 ans, elle veut transmettre un message aux plus jeunes : ton bonheur est à trouver dans ta relation à Dieu.


« Vivre là où Jésus a vécu et porté sa croix n’est pas facile, car nous avons notre propre croix à porter.” Ces mots sont de Nadine Bitar, Palestinienne de 26 ans au carré plongeant agrémenté de quelques mèches violettes. La jeune femme dégage une énergie et une force apaisée. Comme si elle avait accepté les difficultés de la vie à Jérusalem, sachant qu’elle peut puiser en elle et en sa foi chrétienne la paix et l’énergie nécessaire pour agir.

“J’ai deux grands frères, dont l’un, marié, a deux filles. Nous vivons tous ensemble avec mes parents dans une maison du quartier chrétien de la vieille ville de Jérusalem, où vivait déjà mon arrière-grand-père.” Toute la famille est très engagée dans le mouvement scout. “Quand on fait sa promesse, on s’engage sur son honneur à faire de son mieux pour servir Dieu, son pays et son prochain. Il faut séparer la politique de la religion, mais ici, la terre sur laquelle nous vivons est très importante pour notre foi.”

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Lieu de naissance du christianisme et de ces chrétiens palestiniens, la Terre Sainte est partagée entre Israël et la Palestine : occupation, extrémismes religieux et violences font son quotidien. “Selon moi, la Croix que nous avons à porter est de vivre parmi une communauté d’êtres humains dont certains sont peu éduqués et pensent que la violence est la seule façon de résoudre les problèmes. Ce n’est pas très drôle et ce n’est pas très plaisant.”

Nous avons une responsabilité

Pour autant, l’attachement de Nadine à sa région est profond. Il lui donne la force de vivre ici. “Je peux sentir la sainteté de cette terre, elle a quelque chose de spécial. Durant mes quatre années d’étude aux États-Unis, j’étais comme un poisson hors de l’eau. Je rentrais à Jérusalem puiser tout l’oxygène dont j’avais besoin avant de repartir. C’est la ville de la paix qui n’a jamais connu la paix, la ville de l’amour, mais qu’on ne peut pas voir. Tout a commencé ici.”

Cette terre où la Bible devient vivante donne aux croyants les encouragements dont ils ont besoin. “Nous avons une responsabilité en tant que chrétiens vivant en Terre Sainte. Malheureusement le contexte dans lequel nous vivons en fait douter beaucoup sur leur foi, et ils sont nombreux à émigrer.”

C’est pour cette raison que la jeune femme a décidé d’agir. Elle est partie étudier la théologie et la pastorale des jeunes en milieu urbain dans une université américaine. Armée de ses connaissances, elle est rentrée à Jérusalem pour aider la communauté chrétienne.

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“J’interviens dans les classes des écoles franciscaines pour aider les élèves à se rapprocher de Dieu et à réaliser l’importance de leur présence ici. J’adapte les grands concepts à leur niveau, j’essaye de les faire réfléchir sur ce qu’est être chrétien. Souvent, les adolescents pensent que le bonheur vient de ce qu’ils mangent, boivent ou achètent. J’essaye de leur expliquer que le bonheur vient d’eux, quand ils acceptent la présence de Dieu et de son amour dans leur vie. Mais il faut lui accorder un peu de temps : ils pensent souvent aux moments sympa avec leurs amis, mais pas aux moments sympa que l’on peut passer en présence de Dieu. Il y en a pourtant : à chaque fois que nous sommes heureux.”

Là où est ta croix

Nadine met aussi ses compétences au service de ceux qui le lui demandent. Pour la journée de la femme, elle a fait une présentation à des Palestiniennes chrétiennes sur le rôle important des femmes dans la Bible, leur faisant réaliser toutes les responsabilités que Jésus leur a confiées, toutes les qualités qu’il a vues en elles. Et Nadine ne fait que commencer : “A la rentrée prochaine, je retourne à Chicago pour faire un master en ministère chrétien : cela me permettra d’aider non seulement les jeunes mais aussi leurs parents et la communauté de façon plus globale.”

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Le christianisme est souvent vécu comme identitaire ici : beaucoup sont pratiquants non croyants, participent aux fêtes religieuses par habitude communautaire sans vivre de l’Évangile. Nadine insiste : “Sois un chrétien par tes actes, ou bien ne te dis pas chrétien ! Je veux leur faire comprendre combien leur foi est importante pour leur vie. Ils me répondent : “Regarde la situation en Syrie et en Irak, où est Dieu ? Que fait-il pour les chrétiens de là-bas ?” Je leur dis alors : c’est leur croix. Dieu n’a pas choisi de leur faire ça, mais il les aide d’une façon ou d’une autre. Nous ne le voyons pas, mais eux le savent car certains restent vivre dans leur pays en guerre depuis cinq ans, refusant d’abandonner leur foi en Dieu.” Et alors vient la grande question, face à laquelle chacun peut se retrouver : “Et vous, vous connaissez votre croix, où est votre foi ?” 

Dernière mise à jour: 10/01/2024 20:28

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