La presse jordanienne s’est récemment fait l’écho des avancées du projet de musée archéologique régional de Madaba (MRAMP). Fruit d’un partenariat international mettant l'accent sur l'engagement de la communauté locale.
Initié en 2016, lancé en mai 2017, le projet de la construction d’un nouveau musée archéologique à la pointe de la technologie dans la ville de Madaba a dernièrement fait l’objet d’un point d’étape officiel au Talal Abu-Ghazaleh Knowledge Forum. L’événement, relayé ces derniers jours par la presse jordanienne, s’est déroulé sous les auspices de Talal Abu Ghazaleh en personne, le président- fondateur de l’organisation jordanienne internationale éponyme, qui promeut l’importance de la propriété intellectuelle dans la région arabe. « La campagne médiatique active est nécessaire pour promouvoir la conscience sociale et faire connaître le patrimoine culturel », a-t-il déclaré, cité dans le Jordan Times, en faisant référence au MRAMP (projet de musée archéologique régional de Madaba).
De fait, le musée en devenir remplit trois objectifs principaux, indique le MRAMP sur son site officiel : sensibiliser les communautés locales de Madaba aux atouts culturels et archéologiques qui les entourent, valoriser le patrimoine culturel, et former des spécialistes locaux. On l’a compris, il s’agit de faire de ce nouveau musée un point central pour le partage des connaissances, pour la formation et la recherche, et enfin pour le tourisme. A seulement 30 km au sud-ouest d’Amman, le musée rassemblera l’ensemble des pièces, artefacts et vestiges de l’âge de fer à la période ottomane en passant par la période romaine, provenant « des nombreuses fouilles effectuées dans la région de Madaba », indique le MRAMP.
Talal Abu Ghazaleh a aussi exprimé sa gratitude aux acteurs internationaux impliqués dans le projet muséal. Et si l’événement a rassemblé des représentants de l’ambassade d’Italie à Amman, du Centre américain de recherches orientales (Acor) et du Département des antiquités (DoA) de Jordanie, c’est bien parce que c’est une équipe multinationale d’archéologues américains et italiens et de responsables des antiquités de Jordanie qui est à la tête de cette aventure muséale.
Un emplacement stratégique
Jusqu’à présent la ville Madaba comptait un petit musée certes riche mais vieillissant et en déclin. Le nouveau musée archéologique régional se veut plus visible, plus attractif et plus accessible. Il s’élèvera sur les restes d’habitations de l’époque ottomane à partir des plans des architectes du Studio Strati de Rome (Italie). Andrea Polcaro, de Université de Pérouse (Italie), un des codirecteurs du projet avait expliqué en 2017 au Jordan Times qu’une première salle serait « destinée à servir de point d’interaction pour les enfants et les écoles. » Avec des approches pédagogiques traditionnelles, modernes et novatrices. Elle serait située dans le bâtiment principal, encore préservé, de l’époque ottomane. Dans le même bâtiment, ajoute-t-il, une salle sera consacrée à l’importance de l’histoire multiculturelle de Madaba. Et une troisième salle, située au dernier étage du nouveau un bâtiment sera aménagée afin d’organiser des conférences et des congrès pour le Département des antiquités [DoA], le ministère du Tourisme, des universitaires, des universités et d’autres institutions jordaniennes. Derrière le musée, se tiendront une boutique de souvenirs, une cafétéria et un jardin d’agrément.
Le nouveau musée prendra place au milieu de l’actuel « parc archéologique de Madaba ouest » qui se trouve près de l’église Saint-Georges, haut lieu touristique et donc stratégique pour l’optimisation des flux touristiques, réputé pour abriter l’une des plus vieilles représentations cartographiques (VIe siècle) de la Terre Sainte. Des fouilles ont eu lieu sur cette zone durant plusieurs décennies mettant à jour de nombreux vestiges romains, byzantins, omeyyades, abbassides, mameloukes et datant de l’époque ottomane tardive. Parmi les plus emblématiques : le cardo, des rues pavées, des mosaïques, l’église des martyrs (VIe siècle), le palais brûlé (VIIe siècle), des murs d’enceinte, des réservoirs d’eau… Par le passé, le frère franciscain Michele Piccirillo a fouillé intensivement cette zone pour le compte du Studium Biblicum Franciscanum (1985-1994).
Une approche communautaire et collaborative
Une subvention de 117 232 dollars a été accordée par le Projet d’Héritage Culturel Durable à travers l’Engagement de Communautés Locales (SCHEP), un programme de l’Agence Américaine pour le Développement International (USAID) pour la première phase qui consistait à rénover l’existant, c’est-à-dire le parc archéologique, à abattre certains arbres et déblayer le terrain. Cela a permis la création de sept emplois à temps plein. En parallèle, un autre élément clé du projet : l’inventaire et l’archivage numérique des pièces archéologiques. Jusqu’à présent, le MRAMP a engagé deux femmes de Madaba pour commencer ce processus et elles ont déjà travaillé sur quelque 14 000 objets. La subvention devait aussi financer la conception d’un site web et d’un logo, ainsi que l’embauche et la formation du personnel, et la finalisation des plans architecturaux.
L’engagement de la communauté locale, partant du principe que l’archéologie est un bien public commun, est l’une des composantes clés de tous les sites SCHEP de l’USAID. Cette implication doit créer du lien entre le nouveau site et les écoles, les universités, les entreprises locales, les municipalités de la région, des familles aussi. Le projet inclura donc les communautés éducatives de la région de Madaba et de l’AUM (American University of Madaba) en particulier, indique le site de l’université en question qui se réjouit « des opportunités de collaboration pour les professeurs et les étudiants de l’AUM » avec les universités co-directrices du projet (Université adventiste américaine de la Sierra, l’Université américaine catholique de Gannon et l’universite de Pérouse en Italie. Plusieurs départements de l’AUM sont concernés : l’ingénierie, l’architecture, le design, les arts, l’informatique et les langues.
A noter que la formation de spécialistes locaux qui a déjà commencé se poursuivra tout au long de la vie du musée, a indiqué au Jordan Times un des codirecteurs du projet. Cette collaboration communautaire vise à renforcer l’identité culturelle et patrimoniale de la région de Madaba en faisant en sorte que les acteurs locaux se l’approprient pour mieux la valoriser. Le tout en stimulant l’économie locale notamment en matière de création d’emplois dans le secteur des agences de voyage, de l’hôtellerie-restauration et des boutiques dérivés.
Au cours des siècles, Madaba a été un symbole d’interaction culturelle et de coexistence pacifique entre différentes religions. Sa longue histoire témoigne du rôle important de la région, a déclaré au Jordan Times Andrea Polcaro, codirecteur du musée archéologique régional de Madaba ajoutant que « nous pensons que c’est l’une des principales valeurs à mettre en avant dans le nouveau musée de Madaba ». Pour l’heure, les codirecteurs sont en quête de fonds supplémentaires en provenance des Etats-Unis et de l’Italie.