Un morceau de parchemin issu d’un rouleau de Torah samaritaine, datant de 1362, volé en 1995 dans une synagogue samaritaine à Naplouse (Cisjordanie), a refait surface et a pu être montré à ses propriétaires d’origine.
Il y a 23 ans, deux anciens rouleaux de Torah, vieux de 700 et 500 ans, ont été dérobés dans une synagogue samaritaine au cœur de la casbah de la ville palestinienne de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. Mais selon un article du site d’information en hébreu Kipa, publié mercredi 26 septembre 2018, et relayé dans la presse israélienne (JTA et Times of israel), c’est à la faveur d’une fouille de routine au point de frontière d’Allenby d’un voyageur quittant Israël pour la Jordanie – un peu plus tôt dans l’année – que les autorités douanières israéliennes ont saisi une page d’un des deux fameux rouleaux volés.
L’un était un parchemin en peau de mouton datant a priori de 1362 et qui était jusqu’à ce qu’il soit volé, conservé dans un boîtier en cuivre mince. Il aurait été probablement écrit par le savant Avishua ben Pinchas. Tandis que le deuxième manuscrit sacré était un codex – épais – remontant au 15ème siècle et relié dans une couverture en cuir marron. Les deux manuscrits de textes sacrés ont tous deux été écrits dans l’ancien script samaritain. La liturgie samaritaine, étroitement liée au judaïsme, emploie une forme d’hébreu ancien que même les Juifs ne connaissent plus. Les Samaritains sont aujourd’hui moins d’un millier de fidèles. La plupart d’entre eux vivent en haut du mont Garizim, dominant la ville palestinienne de Naplouse et les autres habitent dans la petite ville israélienne de Holon, près de Tel-Aviv. Les Samaritains font remonter leur origine aux tribus bibliques de Manassé et Ephraïm, les fils de Joseph. Quand les Juifs exilés sont revenus à Jérusalem depuis Babylone au 6ème siècle avant J.-C. et ont construit le deuxième Temple à Jérusalem, ils ont refusé de reconnaître les Samaritains comme leurs coreligionnaires car ces derniers refusent la centralité religieuse de la ville sainte.
L’Autorité des antiquités israéliennes qui a récupéré ce parchemin, pièce rare s’il en est, a invité les chefs de la communauté samaritaine à le consulter. C’est ce à quoi s’est employé la semaine dernière, le colonel Uri Mendes, numéro deux de la Cogat, administration israélienne chargée des territoires palestiniens occupés. Pour rappel, les Israéliens désignent la Cisjordanie sous le nom de Judée et Samarie.
« Ce [fut] un jour qui combin[ait] joie et tristesse », a déclaré Yefet Cohen, un chef de la communauté, samaritaine au site d’information Kipa. Comprendre : « la tristesse de ce qui est arrivé au reste du rouleau, dont des parties sont maintenant éparpillées dans le monde, et la joie d’avoir pu au moins en voir une partie. » D’après les chefs samaritains, la page retrouvée de la Torah rapporterait les pratiques des anciens israélites avant l’exil de Babylone.
Yossi Dagan, le chef israélien du Conseil régional de Samarie, a appelé à rendre la relique parcheminée à la communauté samaritaine. Mais en règle générale, Israël n’a pas l’habitude de rendre les antiquités dans les zones de Cisjordanie sous contrôle palestinien.
Saga à rebondissements
Les espoirs sont aujourd’hui minces de récupérer entièrement les deux rouleaux sacrés volés, le 21 mars 1995. A l’époque, les Samaritains avaient sollicité l’aide d’Interpol, de l’armée israélienne, mais aussi de la toute nouvelle Autorité palestinienne. Quatre mois après le cambriolage, les voleurs avaient contacté la communauté samaritaine et menacé d’éliminer les manuscrits sacrés s’ils ne recevaient pas rapidement la somme de sept millions de dollars. Le paiement avait finalement été négocié à deux millions mais les Samaritains n’étaient pas en possibilité de lever des fonds et les textes sacrés avaient de nouveau disparu de la circulation.
En 2011, les vénérables rouleaux ont été retrouvés. Ils apparaissaient dans deux vidéos muettes montrant une main anonyme tourner les pages. Les vidéos ont été transmises à un marchand d’antiquités israélien qui les a montrées à Benyamin Tsedaka, l’un des principaux leaders de la communauté samaritaine, rédacteur en chef du journal AB-The Samaritan News, et surtout expert en manuscrits samaritains. Très vite, il reconnut la Torah volée. Et la saga a continué.
Le marchand d’antiquités a pu rencontrer à Amman un Palestinien qui lui a montré une des deux Torahs. Au cours de la négociation, un représentant israélien de la famille Green – chrétienne évangélique qui possède l’une des collections d’antiquités les plus importantes au monde – a proposé d’acheter le manuscrit pour la communauté samaritaine en échange du droit de l’exposer au musée biblique familial de Washington. Mais les dirigeants de la communauté des Samaritains ont cependant refusé.
L’autre rouleau s’est apparemment retrouvé à Londres. Selon Haaretz, une rumeur dit qu’elle a été achetée par un membre de la famille royale qatari.