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Aéroport Ben Gurion: un espace de prière pour les non-juifs

Christophe Lafontaine
26 septembre 2018
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Les autorités de l’aéroport de Tel Aviv (Israël) ont décidé d'ouvrir deux lieux de prière séparés pour les voyageurs chrétiens et musulmans ; une synagogue existait déjà. Une initiative sans exclusive aux portes du ciel.


Si l’aéroport international de Tel Aviv-Ben Gurion abritait déjà une synagogue, il offre désormais aux passagers en transit non pas une pièce multiconfessionnelle mais deux nouvelles salles de prière sobres et épurées, voisines mais séparées.

La première pièce est réservée aux musulmans et la seconde attribuée aux chrétiens, aussi bien orthodoxes que catholiques et protestants.

Sur la terre sanctifiée par les trois grands monothéismes, la nouvelle aurait pu passer inaperçue si Yiska Harani, sollicitée pour ce projet d’aménagement, n’avait pas écrit ce mois-ci sur sa participation au projet. Son article en hébreu a été relayé courant septembre par le vicariat pour les catholiques hébréophones en Terre Sainte bien que ce dernier n’ait pas été contacté par les autorités israéliennes sur le sujet.

Yiska Harani est une juive israélienne chercheuse et consultante spécialisée en matière de christianisme. Elle a été co-lauréate du Prix de la Fondation Mont Sion en 2013 à Jérusalem. Récompense qui est décernée aux personnes ayant œuvré pour le dialogue interreligieux pour la paix et pour la rencontre des cultures.

Consultée pour encourager et conseiller sur la manière d’installer les deux salles de prière, elle explique que ce projet « fait partie du discours ‘inclusif ’ », c’est-à-dire prônant « le pluralisme et l’acceptation de la diversité. » Mais elle confie à Terrasanta.net ne pas savoir ce qu’en pensent les juifs. « Je ne sais pas. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de prise de conscience. Je n’ai rien entendu à ce sujet. » Elle raconte par ailleurs qu’elle a rencontré le responsable qui coordonne les pèlerinages de la communauté musulmane. Ce dernier lui a dit qu’il avait informé les agences de pèlerinage et lui a montré des photos illustrant que la salle de prière pour les musulmans était parfois pleine. Ce qui réjouit Yiska Harani qui n’hésite pas, par ailleurs, à mettre en avant le côté pratique de ces deux salles qui offrent à tous ceux qui transitent par l’aéroport Ben Gurion (plus de 20 millions de passagers en 2017) une alternative confortable, calme et respectueuse pour se recueillir « au lieu de prier au milieu de l’aéroport ou de chercher un coin isolé. »

Les deux salles du nouvel espace où musulmans et chrétiens peuvent chacun de leur côté faire leurs prières se trouvent au terminal 3 (l’aérogare principale de l’aéroport) dans la nouvelle « aile E » inaugurée en février 2018 permettant aux voyageurs d’accéder à huit sorties d’avion ainsi qu’à quatre autres pour les autobus. La synagogue, elle, n’est pas dans le même secteur. Elle se trouve à peu près à l’entrée du hall central d’où partent les ailes.

C’est grâce à l’insistance d’Offet Lepler, le manager du terminal 3, et de Naomi Kleiman, le manager de la section E du terminal, que ce nouvel espace de prière a pu être ouvert il y a deux mois après presque deux années de planification et de mise en œuvre (à cause du retard pris pour les travaux de l’aile E). « Les salles de prière souffraient d’une échéance moins pressante », explique pour terrasanta.net, Yiska Harani.

Les travaux ont été supportés financièrement par les Autorités des aéroports d’Israël (IAA – Israel Airports Authorities), indique en outre Yiska Harani. Et c’est le personnel du terminal 3, ajoute-t-elle, qui est responsable de l’entretien (nettoyage, maintenance, réparations, etc.) mais qui est aussi en charge de la sécurité des personnes et de la protection des lieux contre le vandalisme. Une éventualité qui a été au cœur des discussions en amont du projet et à laquelle il a fallu réfléchir au regard de tous les scénarios possibles pour anticiper la manière d’y répondre de manière appropriée, efficace et rapide. Les caméras de surveillance ne suffisant pas.

Meubles, symboles et signalétique

Dans son article publié sur le site du vicariat pour les catholiques d’expression hébraïque, Yiska Harani écrit avec humilité que les recommandations en matière d’ameublement, de décoration, ou de signalétique, qu’elle a pu donner n’ont pas été forcément toutes suivies mais elle estime que c’est là le rôle d’un consultant : « conseiller ne signifie pas dicter », écrit-elle.  Ainsi, interrogée par les autorités de l’aéroport sur l’achat ou non de tapis de prière pour les musulmans, Yiska Harani avait pointé le risque de vol. Les managers du Terminal 3 et de l’aile E ont finalement misé sur la confiance et permis l’achat de tapis.

Autre exemple. Par prudence et non par désir de neutralité, en matière de signalétique elle avait invité les responsables de l’aéroport à ne pas employer la croix comme symbole chrétien par crainte de provoquer des actes de vandalisme. Dans le même sens, elle avait également conseillé de ne pas utiliser les pictogrammes d’une mosquée ou d’une église. Alors s’est naturellement posée la question de savoir comment indiquer dans l’aéroport – sans les confondre – la salle de prière musulmane sans minaret ou croissant et la salle de prière chrétienne sans croix ni clocher. C’était sans compter les idées qu’Yiska Harani avait dans sa poche. Elle suggérait notamment d’indiquer le lieu de prière musulman avec un pictogramme représentant un homme en prière à genoux, un koufi sur la tête, les mains légèrement tournées vers le ciel. Pour la salle de prière réservée aux chrétiens, elle a proposé d’utiliser le symbole du poisson (signe de reconnaissance des premiers chrétiens), celui d’une ancre (qui symbolise l’espérance chrétienne) ou encore le dessin stylisé de deux mains jointes en prière serrant un chapelet. Mais cette dernière idée n’était pas forcément pertinente pour les protestants…

Quelle ne fut pas la surprise de la consultante quand elle s’est rendue récemment à l’invitation des autorités de l’aéroport Ben Gurion en découvrant deux pictogrammes – on ne peut plus clairs dans leur indication – qui représentent pour la salle de gauche un clocher avec une croix à son sommet, et pour la salle de droite un dôme couronné d’un croissant de lune.

Si les symboles retenus sur les portes sont éloquents, familiers et sans doute les plus compréhensibles, le panneau installé dans le hall annonce en hébreu, arabe et anglais, l’entrée de l’espace de prière, sans user des mots « église », « chapelle », « temple », ou « mosquée ». Seule la formule « salles de prière » est retenue dans les trois langues sous le symbole de deux mains ouvertes vers le ciel.

Est-ce que ce genre d’initiatives pourrait faire florès ailleurs ? « En général, nos trains circulent sur de courtes distances – la plus longue va de Beer Sheva à Naharia (ndlr : soit un peu plus de 3 heures) – et il n’y a plus de temps d’attente. Je ne m’attends donc pas à ce que cela se développe dans les gares », répond Yiska Harani. A l’inverse, dit-elle, « ce serait intéressant pour les universités ! ». A bon entendeur, salut !

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