Des archéologues ont découvert au nord d’Israël, probablement, la plus vieille brasserie du monde. Il y a 13 000 ans en effet, une boisson proche de la bière aurait sans doute été servie lors de cérémonies natoufiennes.
Des résidus découverts dans une caverne préhistorique située au sud d’Haïfa, à Raqefet, au nord d’Israël, ont permis de dater ce qui serait la plus ancienne brasserie du monde. Jusqu’alors, les historiens pensaient que l’humanité avait commencer à boire de la bière environ 6 000 ans avant J.-C., mais selon une récente étude, il y a 13 000 ans, à l’époque natoufienne la Terre Sainte en brassait déjà. Il s’agissait d’un breuvage assez différent de la bière actuelle ressemblant plus à un mélange de plusieurs ingrédients formant un genre de porridge. Une boisson bien moins forte en alcool mais fermentée.
« Si nous ne nous trompons pas, nous avons affaire au plus ancien témoignage de production d’alcool de quelque type que ce soit au monde », a déclaré à l’AFP Dani Nadel, professeur d’archéologie qui exerce à l’Institut d’archéologie Zinman de l’université de Haïfa.
Les analyses chimiques des particules microscopiques de plantes appelées phytolithes caractéristiques de la transformation du blé et de l’orge en alcool concluent que la bière de l’époque était constituée d’au-moins sept taxons de plantes, comme le blé, l’orge, l’avoine, des légumineuses (lentille, haricot, fève, pois) et de fibres végétales comme le lin. C’est ce qu’indique un communiqué de l’éditeur scientifique, Elsevier qui publie les résultats des dites analyses dans le numéro d’octobre 2018 du Journal of Archaeological Science : Reports. Les recherches ont été menées dans le cadre d’un projet de collaboration archéologique entre l’Université de Stanford aux États-Unis et l’Université de Haïfa, en Israël.
Le site archéologique de Raqefet est connu pour avoir servi comme lieu de sépulture pour les hommes et les femmes natoufiens. Cette époque fait la bascule entre paléolithique et néolithique, entre chasseurs-cueilleurs et agriculteurs et se définit par le début de la sédentarisation progressive des premiers. Dans la grotte de Raqefet, cinq saisons de fouilles ont été réalisées mettant au jour plusieurs mortiers. Trois d’entre eux ont été examinés. Ces trous à même la roche, profonds de 40 à 60 centimètres permettait de garder la fraîcheur. Deux d’entre eux servaient à stocker le grain et à le faire germer pour produire du malt de céréales. Pour être ensuite cuit. Les creusets étaient certainement recouverts de dalles de pierre qui servaient de couvercle. Les aliments, eux, ont probablement été placés dans des paniers en fibres libériennes pour faciliter leur manipulation. Le troisième mortier analysé, avait quant à lui, vocation à faire fermenter les malts avec de la levure sauvage.
« Nous savons ce que les Natoufiens faisaient dans cette grotte. Ils y enterraient certains de leurs morts sur une plate-forme recouverte de fleurs et de plantes, et fabriquaient apparemment un liquide ressemblant à de la soupe, en fait une boisson alcoolisée », a indiqué à l’AFP, le professeur d’archéologie Dani Nadel.
Etant donné que cette brasserie préhistorique se trouvait sur un site religieux pour les Natoufiens, les archéologues suggèrent que la production de bière et sa consommation étaient intimement liées à des cérémonies rituelles. Notamment pour marquer les hommages aux défunts.
Bière et pain, moteurs de la domestication des céréales ?
Quoi qu’il en soit, les efforts déployés par ces tout premiers maîtres brasseurs pour produire de d’alcool sont indicatifs de l’importance que revêtait cette boisson dans leur culture, explique Dani Nadel.
Selon Li Liu, de l’université Standford, co-auteur de l’étude publiée dans le Journal of Archaeological Science : Reports, ces innovations brassicoles étaient « antérieures de plusieurs millénaires au début de la culture domestique de céréales au Proche-Orient » que les historiens fixe vers le VIIIe millénaire avant J.-C. « Cette découverte, abonde-t-elle, indique que la production d’alcool n’était pas nécessairement le résultat de la production de surplus agricoles, mais a été développée à des fins rituelles et à des besoins spirituels, du moins dans une certaine mesure, avant l’agriculture. » Ce qui signifierait que la bière soit plus ancienne que l’agriculture céréalière (et ipso facto de l’établissement de villages sédentaires) dans la région du croissant fertile (Mésopotamie, Anatolie, Levant). Ce qui renvoie à une hypothèse proposée par les archéologues il y a plus de 60 ans, à savoir que la soif de la bière dans cette partie de la méditerranée a pu être un déclencheur de la domestication des céréales. Comme le pain d’ailleurs. En juillet dernier, sur le site de Shubayqa 1, dans le nord-est de la Jordanie, une équipe anglo-danoise a démontré, à partir de restes de nourriture calcinés, qu’il y a 13 000 à 14 000 ans, les Natoufiens faisaient cuire du pain avant même de savoir cultiver le blé.