Les Etats-Unis ont annoncé le 24 août 2018 vouloir supprimer des fonds qu’ils allouent aux Territoires palestiniens. On parle d’une aide annulée de plus de 200 millions de dollars. Tollé du côté des Palestiniens.
Il l’avait dit. Il l’a fait. D’abord, Donald Trump a reconnu le 6 décembre 2017 unilatéralement au nom des Etats-Unis, Jérusalem comme capitale d’Israël. Un mois plus tard, le président américain a décidé de couper les vivres à l’Unrwa (l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient). Puis en mai dernier, l’ambassade américaine en Israël a été transférée de Tel Aviv à Jérusalem. Voilà maintenant qu’ « à la demande » du chef de l’Etat américain, les Palestiniens se voient privés d’une l’enveloppe de 200 millions de dollars (environ 172 millions d’euros) d’aide, destinés aux habitants de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. « Ces fonds iront désormais à des programmes hautement prioritaires ailleurs», a déclaré à la presse un haut responsable du département d’Etat qui a requis l’anonymat, sans donner plus de détails. Le département d’Etat devrait prochainement travailler avec le Congrès sur le sujet. Les coupes américaines interviennent alors que le budget de l’Autorité palestinienne est largement déficitaire et que les conditions de vie dans la bande de Gaza vont de mal en pis et à un rythme vertigineux.
Alors comment expliquer cette nouvelle décision américaine ? Première raison, l’administration américaine en veut aux Palestiniens de ne pas vouloir négocier avec Israël afin qu’ils acceptent une offre de paix – le fameux « deal du siècle » – de la part de Washington. Le projet, aux contours encore très flous, est régulièrement annoncé comme éminent. Cependant, les Palestiniens insistent sur le fait que le statut de Jérusalem devait être négocié dans le cadre d’un accord de paix, à l’instar de ce que recommande la communauté internationale. Ce qui n’a pas été respecté par l’administration américaine. Bilan, les relations diplomatiques entre les Américains et les Palestiniens sont littéralement bloquées. Ces derniers déniant à l’administration américaine tout rôle de médiateur dans le processus de paix avec Israël. Face à cette situation de blocage, Donald Trump met tout bonnement la pression. De fait, les coupes dans l’aide américaine vont affecter des programmes humanitaires ainsi que des projets d’infrastructures en Cisjordanie et à Gaza.
La deuxième raison qui justifie cette nouvelle décision américaine réside dans le fait que la bande de Gaza est contrôlée par les islamistes du Hamas. Or, l’organisation est reconnue comme terroriste par Washington.
Troisième raison, l’intérêt américain. Comme le rapporte l’AFP, cette décision intervient à la suite d’une « analyse de l’assistance américaine à l’Autorité palestinienne et en Cisjordanie et dans la bande de Gaza pour faire en sorte que les fonds soient dépensés conformément aux intérêts nationaux américains. »
« Quelque chose de très bien ? »
Pour leur part, les observateurs voient dans ce nouveau coup dur pour les Palestiniens l’aggravation de la crise diplomatique provoquée le 6 décembre 2017 par la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale d’Israël. Depuis, les choses ne se sont guère arrangées. Encore la semaine dernière, les responsables palestiniens ont rejeté une apparente ouverture de Donald Trump, qui a promis aux Palestiniens « quelque chose de très bien » en compensation de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël. Pour l’heure, l’échec est patent et les représentants politiques palestiniens crient au chantage. Saëb Erakat, le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a déclaré à l’AFP qu’en arrêtant leur aide aux Palestiniens, les Etats-Unis « réaffirment une nouvelle fois leur mépris pour leurs engagements internationaux. » Car selon lui, les aides américaines « ne sont pas un don mais un devoir de la communauté internationale », a-t-il poursuivi dans un communiqué.
L’envoyé de l’OLP à Washington, Hossam Zomlot, a réagi aussi dans un communiqué : « cette administration est en train de démanteler des décennies de vision et d’engagement américains en Palestine. »
Quant à Hanane Achraoui, membre du conseil exécutif de l’OLP, elle a fustigé dans un communiqué Washington qui « recourt à un chantage minable comme outil politique. Le peuple palestinien ne se laissera pas intimidé et ne cédera pas à la contrainte. Les droits du peuple palestinien ne sont pas à vendre. »
Ce n’est pas une première
A noter que la Maison Blanche n’a en revanche pas fait d’annonce concernant le versement des aides allouées aux forces de sécurité de l’Autorité palestinienne, qui s’élèvent à 61 millions de dollars cette année.
Pour autant, les Etats-Unis, principal bailleur de fonds de l’Unrwa qui assiste cinq millions de réfugiés palestiniens au Proche-Orient, n’ont alloué à l’Unrwa en 2018 que 60 millions de dollars, après avoir versé 360 millions en 2017, soit près de 30% de son financement total. Menaçant directement les programmes de santé et la viabilité des écoles de l’institution onusienne. L’organisation a d’ailleurs annoncé avoir été obligée de licencier plus de 250 employés (154 en Cisjordanie occupée et 113 dans la bande de Gaza). Face à cette sévère crise financière, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres avait laissé planer le doute sur la possibilité ou non d’assurer la rentrée scolaire pour les milliers d’élèves de l’Unrwa.
Finalement, les portes des 711 écoles de l’Unrwa rouvriront le 29 août prochain pour la rentrée des classes et accueilleront 526 000 filles et garçons palestiniens en Cisjordanie, à Gaza, en Jordanie, au Liban et en Syrie. Annonce fut faite mi-août à Amman. Depuis janvier 2018, l’Unrwa a mobilisé 238 millions de dollars de fonds supplémentaires mais l’agence ne dispose actuellement de fonds que pour fonctionner jusqu’à la fin du mois de septembre. « Nous avons besoin de 217 millions de dollars supplémentaires pour nous assurer que nos écoles non seulement ouvrent mais peuvent fonctionner jusqu’à la fin de l’année. Cela nécessite la poursuite résolue de la mobilisation collective menée depuis janvier », a déclaré Pierre Krähenbühl, le Commissaire général de l’Unrwa.