Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

A Alep, le cheikh qui aime les chrétiens

Fulvio Scaglione
6 juillet 2018
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Sur l'islam, le cheikh Mahmud Akkam, le mufti d'Alep, a une pensée originale et courageuse. Et pour ses compatriotes chrétiens, des mots d'estime. Selon lui, une fois partis les ennemis extérieurs de la Syrie, le pays  se rétablira.


J’avais beaucoup entendu parler du cheikh Mahmud Akkam, le mufti d’Alep. De son diplôme en sciences islamiques à la Sorbonne à Paris, par exemple. De sa sympathie pour les théories soufies. De ses prises de position contre le radicalisme islamique, exprimées notamment dans une série de lettres aux djihadistes publiées sur Internet pour réfuter les arguments d’Al Baghdadi (chef de l’autoproclamé Etat Islamique) et compagnie. Et du fait qu’il est un peu mal à l’aise, coincé sur le chemin d’autres ouvertures, d’une part à cause de la pression des milieux musulmans les plus rigides et conservateurs, et d’autre part à cause de la surveillance du gouvernement qui a trouvé à Alep en 2011 les chefs religieux les plus prompts à attaquer Bachar al-Assad.

Ainsi, lors de mon récent voyage en Syrie, j’ai travaillé dur pour le rencontrer. Je l’ai vu pour la première fois dans ce qui reste du « tribunal islamique », un bâtiment qu’on devine splendide mais qui est maintenant presque entièrement en ruines, car il est situé au pied de la Citadelle, à Alep Est qui était occupée pendant presque quatre ans par les djihadistes, puis est devenu l’épicentre des combats. C’était le jour où les représentants des Eglises chrétiennes le visitaient pour le saluer et le féliciter à la fin du Ramadan, et il avait déjà pu surprendre à cette occasion en disant: « Là où vous êtes, vous les chrétiens, les relations entre les uns et les autres sont plus calmes et délicates, plus humaines ».

Le lendemain de la réunion, j’ai entendu d’autres choses surprenantes. « L’islam, même en Syrie, souffre de l’excès du poids accordé à la loi, à cause de la peur obsessionnelle de ne pas respecter la loi qui en demande beaucoup », m’a dit le Mufti Akkam, sous l’œil attentif de quelques notables de son tribunal, « alors que nous devrions accorder beaucoup plus d’attention à l’éthique, aux valeurs dont notre foi abonde. L’éthique vient avant la loi, elle est plus sublime que la loi. Et c’est, entre autres, une grande erreur pour les musulmans de se présenter comme les gardiens de la loi. Cela transmet une fausse image de ce que nous sommes réellement et rend tous les contacts plus difficiles ».

C’est une nouvelle perspective par rapport au débat apparemment immobile sur l’islam (y a-t-il un islam modéré ? l’islam et les droits de l’homme peuvent-ils cohabiter ?) auxquels nous sommes habitués. En fait, l’action du Mufti Akkam est suivie avec un intérêt particulier par les Églises chrétiennes qui, dans ses ouvertures, trouvent un lieu de dialogue. Et à propos de dialogue, je lui demande ce qu’il pense des relations entre musulmans et chrétiens après ces années de guerre et de massacres. Seront-ils meilleurs, car les chrétiens et les musulmans ensemble ont souffert des attaques terroristes, ou seront-ils pires ?

« En Syrie il n’y avait pas, il n’y a pas et il n’y aura pas de problème entre chrétiens et musulmans », répond-il, « nous avons toujours su vivre ensemble. Ce qui est vraiment important, c’est que tous ceux, en premier lieu les puissances occidentales, qui ont voulu s’ingérer dans la vie de notre pays, quittent le pays. Ici chez nous, la cohabitation et la tolérance n’ont jamais été que des mots ».

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