Yousef Zreiqat, expert du tourisme, a déclaré au Jordan Times que la grande majorité des touristes se rendaient en Jordanie pour Petra et non pas à des fins religieuses. Poussant le royaume à se retrousser les manches.
Un constat. En 2017, 3,7 millions de touristes ont visité Israël dont 56 % étaient chrétiens. La même année, la Jordanie a accueilli plus de quatre millions de visiteurs. Mais faute de statistiques par type de tourisme (aventure, nature, santé, archéologie et culture, pèlerinage, et même cinématographique), le royaume ne sait pas combien de pèlerins foulent son sol. Il semblerait toutefois que la destination soit plus choisie pour son patrimoine culturel que religieux. A titre d’exemple – d’après le Jordan Times du 1er juillet 2018, des experts affirment que le site du baptême côté jordanien (sur la rive orientale du Jourdain) reçoit « beaucoup moins » de touristes que le site du baptême côté palestinien (sur la rive occidentale du fleuve). Pourtant, le site du baptême de Jésus, à Béthanie, sur la rive jordanienne du Jourdain, connu sous le nom d’al-Maghtas (qui veut dire « immersion » en arabe) aussi nommé Wadi al Kharrar (« la vallée mélodieuse ») est inscrit au patrimoine de l’humanité de l’Unesco depuis 2015. Lui donnant ainsi une reconnaissance internationale. L’Eglise, elle, ne fait pas de différence. Le site jordanien de Wadi Kharrar, où les papes Jean-Paul II, Benoît XVI, et François se sont rendus, ainsi que celui de Qasr el-Yahud, en Cisjordanie occupée, et géré par la Direction de la Nature et des Parcs d’Israël, ont été désignés par le Vatican comme lieux les plus probables du baptême de Jésus.
Il n’empêche que cela ne suffit pas à attirer les pèlerins chrétiens en Jordanie. Cela peut s’expliquer par le fait que le site du baptême du côté israélo-palestinien propose un accès gratuit. Ce qui n’est pas le cas, côté jordanien. Mais cette raison ne suffit pas. C’est aussi une question de sous au niveau national. De fait, le budget de l’Office du tourisme jordanien (10 millions de dollars) est de 90% inférieur à celui d’Israël (100 000 millions de dollars).
A ces considérations se rajoutent deux paramètres plus généraux. D’abord, comme le rappelle Fadi Haddad, un guide touristique jordanien et auteur d’un livre intitulé « Le pèlerinage chrétien en Jordanie », les principaux lieux saints chrétiens se trouvent au-delà de la rive occidentale du Jourdain : Jérusalem, Bethléem, Nazareth, Jéricho et autres. Et pour certains chrétiens qui pèlerinent en Israël-Palestine, renouveler les promesses du baptême est une étape essentielle, mais pour eux, qu’importe de quel côté du Jourdain elle peut se vivre. Par facilité de visa et de transport, les cars déversent les pèlerins à Qasr el-Yahoud. Au détriment du site jordanien.
Là où le bât blesse également, c’est que la grande majorité des touristes se rend en Jordanie pour Petra, la sublime cité nabatéenne située au sud du royaume hachémite. Un argument qu’avance Yousef Zreiqat, un expert du tourisme religieux en Jordanie. Cela signifie, confie-t-il dans les pages du Jordan Times, que la plupart de ceux qui visitent la Jordanie ne s’y rendent pas à des fins religieuses. Etablissant de fait, Israël-Palestine comme la principale destination biblique pour les touristes. Alors que, fait-il remarquer, la Jordanie abrite « des sites religieux très importants et authentiques tels que les villes de la Décapole mentionnées dans la Bible, la route des rois, et des sites de pèlerinage chrétiens mondialement reconnus. » On songe notamment au Mont Nébo où Moïse mourut, à Machéronte où Saint Jean-Baptiste fut emprisonné et tué, à la ville de Madaba célèbre pour sa mosaïque byzantine du VIe siècle représentant la Terre Sainte. A Anjara, au nord de la Jordanie où se trouve l’église Notre Dame de la Montagne – une grotte réaménagée et vénérée comme lieu où auraient séjourné Jésus et sa mère Marie, ou encore à la ville d’Ajlun où se trouve le tombeau de Saint- Georges.
Nouvelle stratégie marketing pour le tourisme chrétien
Yousef Zreiqat, revenant sur la question du lieu saint du baptême, estime que le site qui « a été visité par trois papes, de nombreux chefs d’Etat et de hauts fonctionnaires, authentiquement prouvé, jouissant d’une grande visibilité dans le monde, est bien organisé et dispose d’une administration compétente. » Alors que faire ? Pour l’expert, « rien de plus » si ce n’est « dire au monde » ce qu’il en est. Pour lui, c’est à partir de là que la promotion des sites chrétiens doit entrer en jeu. Dans cette perspective, l’Office du tourisme jordanien (Jordan Tourism Board), en coopération avec l’Unsaid (l’agence des Etats-Unis pour le développement international) a annoncé sur sa page Facebook le 28 juin dernier, avoir lancé une nouvelle stratégie marketing pour le tourisme religieux chrétien en présence de la ministre du Tourisme et des Antiquités, Lina Annab, du jordanien Taleb Rifai, ex-secrétaire de l’OMT (organisation mondiale du tourisme), des représentants des Eglises chrétiennes et du secteur touristique en Jordanie. Un plan triennal devrait être présenté officiellement dans un mois après discussion entre les différents protagonistes liés à la question.
En matière de marketing, l’Office du tourisme jordanien, fondé en 1998, sait y faire. Partenaire indépendant des secteurs public/privé, il a pour objectif de « recourir à des stratégies marketing afin d’établir une image de marque, de positionner et de promouvoir le tourisme en Jordanie en tant que destination de choix sur la scène internationale. » En plus des visites de sites, il propose des séminaires, foires expositions, rencontres, conférences, et autres manifestations. Par exemple, pour décembre dernier, les visiteurs de Madaba et de Fuheis ont pu profiter des activités de Noël – telles que la parade de Noël – organisées dans ces villes-là.
Pour mémoire, le 5 juin 2018, le Patriarche Kirill de Moscou en recevant l’ambassadeur de Jordanie en Russie, avait déclaré que « La Jordanie devrait être incluse dans les routes de pèlerinage pour ceux qui visitent la Terre Sainte. » Reste à espérer un effet boule de neige ?