Le pèlerin qui vient à Bethléem ne se pose pas la question du pourquoi de son déplacement, il vient naturellement voir le lieu de la naissance de Jésus, où selon les Évangiles… Au fil de notre visite dans la basilique, qui est la plus ancienne de Terre Sainte, reprenons cependant ces récits pour en comprendre toute la portée.
Consacrée le 31 mai 339, la basilique est à peu près orientée, mais surtout son chœur repose au-dessus de la grotte de la Nativité ; un petit réseau, maintenant souterrain, de plusieurs cavités représente une partie du village, depuis David sans doute, jusqu’au début de notre ère. Comme on le voit à Nazareth et en bien d’autres lieux les cavités naturelles servaient de logement, souvent précédées de constructions qui augmentaient la surface habitable. Selon la tradition c’est dans une de ces grottes qu’est né Jésus. “Elle le coucha dans une crèche car il n’y avait pas assez de place dans la pièce” Lc 2, 7. Il s’agit pour la crèche de la rawieh, pièce basse et souvent réchauffée par la chèvre ou le mouton que possèdent les habitants. On n’imagine pas en effet d’accoucher dans la pièce principale, mais plutôt dans le retrait d’une arrière-salle. De grotte il n’est donc pas vraiment question dans l’Évangile, mais selon saint Justin au IIe siècle, un autochtone puisque natif de Naplouse, c’est une forme d’habitat tellement répandue dans ces régions de roches calcaires qu’elle est la plus plausible. Les icônes de la Nativité ont su travailler l’image de la cavité pour révéler le mystère du Christ.
Le bâtiment est massif et lorsqu’on arrive sur la place de la Crèche on voit surtout un bloc de pierres qui n’autorise en sa façade qu’une toute petite entrée. L’Histoire nous apprend pourquoi elle est si modeste – il fallait contraindre les cavaliers à descendre de leur monture pour se rendre dans la basilique ! Cette porte nous invitera à relire Mt 18, 3 “Si vous ne retournez à l’état des enfants vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux.” Il faut donc s’abaisser pour pénétrer en ce lieu où notre Dieu s’est fait petit enfant.
Un fait rare : la basilique est le seul bâtiment du pays que les Perses n’ont pas détruit en 614 car une mosaïque constantinienne au-dessus de la porte représentait les mages en vêtements de chez eux ; ils ont respecté l’édifice, mais la mosaïque a pour nous hélas disparu.
Lire aussi >> L’ichtys de la basilique de Bethléem
Quatre rangées de 10 colonnes structurent la vaste nef en une allée centrale et 2 travées de chaque côté qui se dirigent vers une estrade, située précisément au-dessus du lieu saint, qui est aujourd’hui le chœur des grecs. Dans la première construction byzantine il était de forme octogonale comme celui de la basilique de la Résurrection. Les remaniements de Justinien dès le début du VIe siècle agrandirent le chœur qui perdit sa forme à 8 pans au profit d’une triple abside tréflée. On emprunte un escalier de 15 marches pour descendre vénérer le lieu de la Nativité, mais il faut prendre un autre escalier depuis un bas-côté de l’église latine Sainte-Catherine pour gagner l’enfilade des grottes, puisque des portes et rideaux en obstruent la circulation normale. Transformées en petites chapelles, où il est possible de réserver une célébration, ces pièces taillées dans le roc sont consacrées aux saints Innocents, à saint Jérôme et Eusèbe – c’est l’occasion d’évoquer les débuts du christianisme en cette terre où tout s’est écrit.
Une charpente en bois de cèdre récemment restaurée, assure la couverture dès le haut des murs, eux-mêmes percés de grandes fenêtres ; autrefois entièrement mosaïqués, certains espaces de murs sont maintenant nus. A mesure que l’Église se débarrasse des échafaudages qui la masquaient ces dernières années, on apprend à redécouvrir le lieu avec ses mosaïques murales représentant des scènes de la vie du Christ et des conciles, les bustes des ancêtres du Christ d’après Mt 1, 1-17, les saints d’Orient et d’Occident peints sur les colonnes (voir pages suivantes).
Au sol des trappes de bois permettent de voir les restes du pavement constantinien en bon état 80 cm plus bas. Une équipe italienne travaille à son dégagement complet, ce qui laisse augurer de nouvelles merveilles à admirer.
C’est donc l’Église entière qui est ici présente. Nous sommes invités à relire le choix que fait Dieu de David, précédé de son aïeule étrangère, Ruth la Moabite ; et puis toute une lignée jusqu’à l’enfant dans sa mangeoire vénéré par de lointains païens. Après eux des moines, des rois, des empereurs, des saintes femmes, des soldats et des théologiens qui “ont vu son étoile et sont venus lui rendre hommage”.♦
Les grandes dates de la ville
XIVe siècle av. J.-C. 1re mention dans un courrier du roi de Jérusalem au monarque égyptien au sujet de Bit ilu Lahama = maison du dieu/déesse Lahama, protestant qu’on lui ait ravi cette bourgade [Lettres d’El Amarna]. Ce nom serait la première étymologie, relue ensuite en beit lehem = maison du pain. Mais l’hébreu lhm dit avant tout “combattre” ; aussi bien le pain ne s’obtient pas sans peine, comme nous le rappelle la liturgie sur “le pain fruit de la terre et du travail des hommes”.
– citation dans les annales égyptiennes autour du XIe siècle, époque de David (roi 1.000-970)
– 135 Hadrien transforme la grotte déjà vénérée en lieu de culte à Tammuz-Adonis et reboise le terrain
– 348 installation de saint Jérôme qui doit, à la demande du pape Damase, traduire la Bible en une seule version pour toute la chrétienté ; ce sera la Vulgate. Il y fut enterré en 420
– 529 mise à sac par les Samaritains en révolte contre Byzance
– 531 l’empereur Justinien 527-565 reconstruit et agrandit la basilique ajoutant une travée et un narthex
– jour de Noël 1100 le roi Baudoin, successeur de Godefroy de Bouillon, y est sacré roi
– 1110 la ville érigée en siège épiscopal quelques années après la naissance de la paroisse latine. Les communautés locales grec-orthodoxes et arméniennes avaient alors le droit d’officier ensemble avec les latins, et de 1165 à 1169 Francs et Byzantins entreprirent en commun des travaux de décoration intérieure et toiture
– 1187 victoire de Saladin ; Bethléem rendue aux chrétiens entre 1229 et 1244 – traité entre le sultan al-Malik al-Kamil et l’empereur Frédéric II
– XIVe siècle installation des franciscains
– très dégradée, ayant survécu à plusieurs séismes et pillages, elle fut restaurée ces 10 dernières années : nettoyage des mosaïques latérales, réfection de la charpente ; après de longues années de négociations, les 3 communautés latine, grecque et arménienne, ont en effet trouvé un accord pour procéder à sa restauration
– 2012 classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Bethléem Bible en main
Jg 12, 8-10, 19, 1, 2, 18 Bethléem de Juda
Rt déroule l’histoire de Ruth l’étrangère de Moab qui épouse Booz le Bethléemite – comme le rappelle Mt 1, 5-6 “Booz, de son union avec Ruth, engendra Jobed, Jobed engendra Jessé, Jessé engendra le roi David”
1S 16, 1-13 Samuel oint David dans la maison de son père Jessé et en présence de ses frères à Bethléem – 17, 15 “David allait et venait du service de Saül au soin du troupeau de son père à Bethléem”
2S 23, 13-17 David, nostalgique de son village, veut boire de l’eau de Bethléem
Mi 5, 1 “Et toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, aux jours d’autrefois”, repris par Mt 2, 6
Lc 2, 4-7 récit de la Nativité où il est bien précisé “en Judée à la ville de David qui s’appelle Bethléem”
Jn 7, 42 “L’Écriture n’a-t-elle pas dit que c’est de la descendance de David et de Bethléem, le village où était David, que doit venir le Christ ?”
Dernière mise à jour: 28/02/2024 14:09