Universitaires et archéologues israéliens ont mis la main le 29 juin 2018 sur des poteries de plus de 2 000 ans nichées dans une grotte à flanc de falaise près de la frontière du Liban. Retour sur un sauvetage singulier.
Mystère. Comment des amphores à vin, une marmite et des poteries datant de plus de 2 000 ans ont pu se retrouver dans une grotte perchée à 30 mètres du sol et qui plus est, creusée sur une falaise abrupte ? De fait, « la façon dont les récipients ont été transportés à la grotte est étonnante, puisqu’elle est extrêmement difficile d’accès. Peut-être qu’un moyen plus simple d’y accéder, qui existait autrefois, a disparu avec le temps », soumet comme idée, le Dr Danny Syon, archéologue en chef à l’Autorité des antiquités d’Israël (AAI). L’archéologue est cité dans un communiqué daté du 2 juillet 2018 émanant de l’institution dont il relève mais qui associe aussi le Centre universitaire de Safed, le Centre de recherche sur les grottes en Israël et le club des explorateurs de cavernes en Israël. Pour permettre les fouilles du week-end dernier, les quatre organismes ont d’ailleurs bénéficié de la coopération de l’armée israélienne en raison de la proximité du site avec la frontière libanaise, au nord de la Galilée. Car, officiellement, le Liban est toujours en état de guerre avec Israël, même si les combats ont cessé entre les deux pays. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le lieu exact de la découverte n’a pas été communiqué.
La genèse de l’aventure remonte en fait à l’an passé. C’est il y a un peu plus de six mois, précise le quotidien israélien Haaretz, que la grotte a été découverte dans une réserve naturelle par le Dr Yinon Shivtiel, spéléologue et maître de conférences spécialiste de la Terre d’Israël au centre universitaire de Safed (Haute Galilée). Le chercheur avec l’aide de l’Autorité israélienne de la Nature et des Parcs, menait à l’époque une enquête en Galilée occidentale pour localiser les grottes qui servaient d’abris et de cachettes. Notamment celles de l’époque où les rebelles juifs se sont cachés des soldats romains pendant la grande révolte juive (66-70 ap. J.-C.).
Cacher des vivres pour survivre ?
Mais ce n’est que ce week-end que les universitaires et les archéologues ont remis les pieds dans la grotte pour la fouiller. Là, sous un surplomb rocheux, dans un espace confiné de 1 mètre sur deux – d’après Haaretz – se trouvait une vraie caverne d’Ali Baba : deux grandes amphores à vin, rondes et parfaitement intactes, plusieurs bocaux de stockage, une marmite, un bol et des morceaux de plusieurs pots de cuisine, de toutes tailles et tous en terre cuite.
Un beau trésor retrouvé au prix d’une expédition des plus ardues mais réalisée aux dires de l’équipe dans un bel effort de coordination entre archéologues et spéléologues. Les chercheurs-grimpeurs, tous deux sexagénaires, ont d’abord dû se hisser sur une « corde à double » pour atteindre l’entrée de la grotte suspendue à 30 mètres du sol. De là, il a fallu soigneusement envelopper les objets fragiles dans du papier-bulle et les placer dans des sacs rembourrés qui ont été descendus l’un après l’autre en rappel le long de la falaise, commandées par les équipes restées au sol. Sans incident aucun. « J’ai croisé les doigts à chaque fois », a dit le Dr Danny Syon, archéologue en chef à l’IAA, au Times of Israel.
Tout ce qui se trouvait dans la grotte a pu être récupéré, a-t-il indiqué au journal en ligne israélien. « A première vue, les découvertes semblent remonter à la période hellénistique – entre le IIIème et le Ier siècle avant notre ère. (…) il semblerait que ceux qui les ont amenés prévoyaient de vivre dans les environs pendant un certain temps », a-t-il encore déclaré. Et l’archéologue de supposer que « celui qui s’est caché ici a échappé à un événement violent survenu dans la région. » L’exigüité des lieux confirmerait qu’il s’agissait bien d’une cachette à provisions prévues pour durer. Mais qu’il est fort probable qu’elle ne servait pas de lieu de refuge habitable. Reste à dater précisément les objets pour les corréler à un événement historique connu.
Il y aurait peut-être une piste. Danny Syon l’évoque dans les colonnes du Times of Israel : le fait que l’emplacement de la grotte soit relativement proche du rivage, peut indiquer une provenance phénicienne, mais l’archéologue n’a pas (encore ?) connaissance d’une colonie phénicienne près de la grotte en question. Une chose est sûre, rappelle de son côté dans le Haaretz, le spécialiste des grottes, Yinon Shivtiel, c’est qu’à cette époque la Galilée était peuplée de Phéniciens, et elle comptait aussi quelques Juifs.
Les objets ont tous été transportés au sein des locaux de l’Autorité des antiquités d’Israël à Saint-Jean d’Acre pour qu’un travail de restauration et d’analyses puisse y être accompli. Le Dr Danny Syon a déclaré au Times of Israel que l’équipe espère mener la datation au carbone 14. Certains des récipients ont aussi conservé des restes organiques et l’analyse de ces résidus permettra sans doute d’en savoir plus. Pour l’heure, il va falloir patienter.