La liturgie de la Semaine sainte porte tous les chrétiens vers Jérusalem en ces jours de la Passion de Jésus. Et tandis que les regards se tournaient vers elle, Jérusalem s’est tournée vers le monde pour le porter dans sa prière.
25 mars, fermeture de la basilique du Saint-Sépulcre
La basilique est fermée depuis le 25 mars 16 heures.
Les portes closes à la demande des autorités civiles le sont sur une vingtaine de moines.
Conscients d’être au cœur de la chrétienté – d’autant plus en période de carême – ils envoient des messages pour informer le monde qu’ils prient pour lui.
Chasse au virus
Jérusalem s’est vidée de ses pèlerins et touristes entre le 5 mars, date du strict couvre-feu de Bethléem, et le 15 mars.
Le 17, la Ville sainte et tout Israël se confinent.
Les sanctuaires sont lavés et relavés en vue de désinfection.
Même l’antique porte de la basilique est désinfectée.
Continuez à aimer
“Je souhaite dire à chacun et chacune d’entre vous que dans ce lieu, nous frères de la custodie de Terre Sainte, tout comme nos frères grecs et arméniens, prions pour vous chaque jour. Chers amis francophones, continuez à croire, continuez à espérer, continuez à aimer. Continuez à résister. Maintenons la distance physique, nécessaire pour éviter la diffusion du virus, mais restons unis et solidaires les uns avec les autres.”
Message du custode, Francesco Patton, prononcé devant le tombeau vide et diffusé le 1er avril.
Dimanche 5 avril, dimanche des Rameaux
Les mesures sanitaires n’ont cessé de se durcir depuis le début du confinement. Malgré tout, grâce au Statu quo, la prière se poursuit dans la basilique.
Sans le bruissement des palmes
Chaque année, la procession des rameaux autour du tombeau au son des Hosannah Filio David est un temps fort en émotions.
À intervalles réguliers, l’orgue et les chants se taisent pour laisser la place au bruissement des feuilles de palmes brandies par des centaines de prêtres et de pèlerins.
Cette année faute de foule, l’archevêque est seul à brandir une palme.
Suivre Jésus sur son chemin
“A son passage, les gens de la foule étendirent leur manteau aux pieds de Jésus et l’accueillirent avec des branches d’olivier et les palmes coupées çà et là. Alors, malgré notre difficulté à comprendre, déposons, nous aussi, devant notre Messie le peu que nous avons, nos prières, nos besoins, notre besoin d’aide, nos pleurs, notre soif de Lui et de Sa parole de consolation. Nous savons qu’il nous faut purifier nos intentions, demandons-Lui aussi cette grâce, de comprendre ce dont nous avons vraiment besoin.”
Extrait de l’homélie de Mgr Pizzaballa pour le jour des Rameaux, prononcée sur le mont des Oliviers.
Procession des rameaux annulée
La procession qui réunit chaque année des milliers de fidèles sur les pentes du mont des Oliviers est annulée. Mgr Pizzaballa imagine alors une célébration liturgique spéciale. Une prière en temps de pandémie sur Jérusalem,
la Terre Sainte et aux quatre coins de l’horizon.
Prière sur le monde
Un vent de sable couvre Jérusalem ajoutant une certaine gravité à la solennité de l’heure. Autour de l’évêque et à bonne distance sanitaire, quelques séminaristes
du patriarcat latin, quelques franciscains. La célébration, très priante, est retransmise en direct grâce au Christian Media Center.
Regarde avec compassion
“Seigneur Dieu, en tout danger tu es notre refuge et c’est vers toi que, dans la détresse, nous nous tournons ; nous te prions avec foi : regarde avec compassion ceux qui sont dans la peine, accorde à ceux qui sont morts le repos éternel, le réconfort à ceux qui sont en deuil, aux malades la guérison, la paix aux mourants, la force au personnel soignant, la sagesse à ceux qui nous gouvernent et, à tous, le courage de progresser dans l’amour ; ainsi, pourrons-nous ensemble rendre gloire à ton saint Nom.”
Texte de la prière prononcée dimanche 5 avril sur le mont des oliviers.
Jeudi saint, 9 avril
Dans ses Indications pastorales pour la célébration de la Semaine Sainte, l’archevêque avait prévenu : “Il m’a semblé qu’il n’était pas très logique de célébrer la messe chrismale sans la présence des prêtres du diocèse. C’est pourquoi elle sera célébrée à Jérusalem autour de la solennité de la Pentecôte.”
Les gestes de Jésus au cœur de la célébration
Pas de bénédictions des saintes huiles, pas non plus de lavement des pieds durant cette célébration du Jeudi saint. La procession du Saint-Sacrement autour du Tombeau est maintenue. Dix prêtres précèdent l’archevêque au lieu des près de 200 chaque année.
L’Eucharistie est la relation qui se fait sacrement
“En ces temps, nous sommes frappés et blessés par ce qui nous est le plus cher : nos relations humaines. Il semblerait que le Seigneur nous les ait enlevées, pour ensuite nous les restituer purifiées. […] L’Eucharistie est la relation qui se fait sacrement, le Christ se livre et, après avoir vaincu la mort, donne une vie nouvelle.[…] En ce moment, nous ne pouvons pas (communier) ensemble physiquement en tant que communauté. Faisons-le en tant qu’Église domestique, en tant que famille, puis recommençons avec passion et détermination notre voyage ecclésial avec un esprit renouvelé.”
Extrait de l’homélie de Mgr Pizzaballa pour le Jeudi saint, prononcée au Saint-Sépulcre.
La nuit de Gethsémani
Se déplaçant en petit nombre, quelques franciscains sont autorisés à rejoindre la fraternité de Gethsémani pour l’Heure sainte. Aucune assistance n’est autorisée à participer.
Les soignants et les victimes du Covid-19 présents à Gethsémani
L’Heure sainte, si ce n’est l’absence des centaines des pèlerins, revêt la même forme qu’habituellement à ceci près que les personnels soignants, comme les victimes du monde entier font l’objet d’une prière spéciale.
Continuer à faire confiance
“Nous savons qu’en ce moment particulièrement difficile pour l’humanité tout entière, beaucoup de nos frères et sœurs, comme Jésus dans la nuit du premier Jeudi saint, ressentent l’angoisse, transpirent du sang et vivent l’heure de leur agonie, de leur lutte pour continuer à faire confiance au Père et à s’abandonner totalement entre les mains du Père, comme Jésus et avec Jésus. Nous aussi, avec Jésus, nous prions : ’Abba ! Père, tout est possible pour toi. éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que moi, je veux, mais ce que toi, tu veux’ (Mc 14, 36).”
Introduction à l’Heure sainte par le custode, Francesco Patton, prononcé dans la basilique de l’Agonie à Gethsémani.
Vendredi saint, 10 avril
Trois célébrations ponctuent la prière du Vendredi saint.
L’office de la Passion au Calvaire, suivi de la vénération de la Sainte Croix, le chemin de Croix dans la Via Dolorosa, la procession des funérailles du Christ, le soir au Saint-Sépulcre.
Office de la Passion
Au Calvaire, il y a moins de monde que le jour où Jésus fut crucifié, mais dans les cœurs il y a l’humanité entière qui souffre et en particulier et une nouvelle fois les victimes de la pandémie, leurs proches et le personnel soignant.
Les journalistes au rendez-vous du chemin de Croix
Cette année, il y a plus de journalistes que de fidèles pour vivre le chemin de Croix dans la Via Dolorosa.
Seuls quatre franciscains, avec à leur tête le custode de Terre Sainte, peuvent marquer les stations.
Devenir des Simon de Cyrène
Jésus a souffert le premier sur le chemin qui le conduisait à son supplice.
Le visage des franciscains est grave.
Les frères de la custodie appartiennent à plus de 42 pays différents.
Les Italiens et les Espagnols constituent le plus gros contingent.
Autant dire que ces pays sont particulièrement portés dans leur prière quand il s’agit de suivre le Christ sur son chemin de souffrance.
L’annonce d’un renouveau
Toujours pas de fidèles, mais une retransmission en direct sur Facebook, avec de pauvres moyens. Un smartphone capture la célébration depuis la galerie supérieure en vue plongeante sur le Tombeau. On entend peu, on ne voit pas tout mais les connexions se multiplient du monde entier.
Sur la page Facebook de la custodie, un message tombe toutes les 2 à 3 minutes, au final et durant toute la Semaine sainte, ce sont des milliers de demande de prières qui sont arrivés à Jérusalem.
Les impressions de l’évêque
“Sans communauté il n’y a pas de fête. Je ne crois pas dans une eucharistie virtuelle. C’est parfois nécessaire mais l’eucharistie est un rassemblement communautaire physique.
Pour en revenir à ces liturgies, elles étaient beaucoup plus fluides parce que nous disposions d’espace et à la fois, il n’y avait pas l’esprit de la liturgie. Nous avons mis plus d’attention dans les gestes, nous avons certainement eu moins de distractions, il n’y avait pas tous ces gens qui se pressent pour toucher, pour demander une bénédiction, toutes ces démonstrations de foi populaire typiques au Proche-Orient.
Certes nous avons pu entrer plus profondément dans l’épaisseur des mystères que nous célébrions mais en même temps, il y avait une forme d’incomplétude. Nous avons célébré les rites liturgiques mais pas la communauté.
Femme, pourquoi pleures-tu ?
“Éduqués par le Vendredi et le Samedi saint, nous, les chrétiens, devrions être capables d’affronter la mort, de faire face à la tombe, au silence de Dieu et des hommes. La joie de Pâques, en effet, n’est pas un banal happy end de l’histoire de Jésus, ce n’est pas la fin heureuse de l’Évangile grâce à laquelle ils vécurent tous heureux pour toujours, ni l’effacement de la douleur du monde ou la simple suppression des nombreuses blessures sanglantes de l’histoire.
La joie de Pâques, la vraie joie, naît et consiste précisément en une nouvelle capacité à regarder le vide, à dialoguer avec la douleur (“Femme, pourquoi pleures-tu ?” Jn, 20,15), à voir les signes de la mort et à croire.
Ici, juste ici d’ailleurs, le disciple que Jésus aimait “vit et crut”, lui qui avait déjà vu le côté transpercé et avait posé son regard vers Celui dont le corps avait été lacéré.
Alors ici, aujourd’hui, pour moi, pour vous, pour notre diocèse, pour l’Église, pour le monde, je voudrais demander au Seigneur un regard pascal, une nouvelle vision pour mieux répondre à Celui qui ne cesse de nous répéter : “Venez et voyez”.”
Extrait de l’homélie de Mgr Pizzaballa pour la Vigile de Pâques, prononcée dans la basilique de la Résurrection.
Le croyons-nous ? Sommes-nous convaincus que le Christ ressuscité vit en nous et dans notre communauté ? Croyons-nous que même dans les plis les plus profonds de notre péché s’immisce la force de son pardon ? Croyons-nous que les infidélités et les trahisons personnelles et communautaires ont été surmontées par un amour qui n’a pas de frontières ? En avons-nous vraiment fait l’expérience ?
La foi n’efface pas le caractère dramatique de l’existence, mais elle ouvre nos yeux et notre cœur à une perspective de salut, de vie éternelle, de joie.
C’est ce que nous célébrons le jour de Pâques et c’est ce que nous voulons célébrer avec la vie.
Que le tombeau grand ouvert du Christ, par conséquent, ouvre aussi nos sépulcres !
C’est ce que nous demandons pour l’Église et pour chaque homme.
Extrait de l’homélie de Mgr Pizzaballa pour le jour de Pâques, prononcée dans la basilique de la Résurrection.
Avec nos frères orthodoxes
Les orthodoxes, qui ont commencé leur Semaine sainte cette année 2020 avec une semaine de décalage par rapport aux catholiques et protestants, sont soumis aux mêmes restrictions pour raisons sanitaires. Leurs offices se passent également sans la présence de fidèles.
Eux aussi célèbrent l’intégralité des liturgies de cette Grande semaine comme ils l’appellent.
Célébration de l’Epitaphios
C’est l’épitaphe du Christ, l’équivalent byzantin de la procession des Funérailles chez les catholiques latins d’Orient.
Le Saint feu
Selon la tradition orthodoxe, le Samedi saint, le Seigneur fait jaillir la lumière sous forme de feu, annonciatrice de sa Résurrection.
“L’Église prêche le Christ incarné, crucifié et ressuscité, et baptise en son nom ceux qui croient en lui, les sanctifie avec ses sacrements et prie pour la réconciliation de l’humanité et du monde entier.
Elle soutient l’homme souffrant de toutes ses forces, prie notre Seigneur Jésus-Christ, le guérisseur des âmes et des corps, pour la cessation de la pandémie en cours du virus actuel, pour la guérison de ceux qui en sont affectés et pour sa miséricorde pour ceux qui sont morts du fait du virus sans pitié, dans la certitude que “bien qu’il ait été crucifié par faiblesse, il vit pourtant par la puissance de Dieu.
Car nous aussi, nous sommes faibles en lui, mais nous vivrons avec lui par la puissance de Dieu envers vous” (2Co 13, 4).
Au beau jour de la Résurrection, notre Église de Jérusalem, la Mère des Églises, prie également depuis la tombe vivifiante où le Christ a été enterré et est ressuscité, pour l’unité de l’Église et pour la paix au Moyen-Orient, et souhaite à son troupeau en Terre Sainte et au monde entier, la puissance et la bénédiction de Jésus-Christ ressuscité.”
Homélie de Sa Béatitude Théophilos III pour le jour de Pâques.
Dernière mise à jour: 06/03/2024 12:33