La Knesset a fait savoir le 28 mai 2018 sur son site officiel qu’un projet de loi avait été adopté pour saluer les contributions de la minorité druze en Israël en instituant une journée en son hommage, chaque 1er mars.
C’est au nom d’un « pacte de sang » entre Israël et les membres de la communauté druze, qu’une nouvelle journée nationale leur sera désormais consacrée. De fait, dès 1948, les Druzes, bien qu’arabophones, se sont placés du côté des juifs, et ont demandé à servir l’armée israélienne. Dès lors, en échange du sang versé au combat (et ils sont nombreux à avoir donné leur vie pour Israël au fil des ans), les Druzes comptent sur la protection de l’Etat hébreu pour leur communauté et leurs droits. Récemment, en avril, le Premier ministre israélien, avait envoyé un message de bénédiction à la minorité druze qui avait commencé un pèlerinage en l’honneur du beau-père de Moïse, Jethro, qui en arabe s’appelle Shu’ayb. Il est vénéré par les Druzes comme un grand prophète et croient qu’il est enterré dans un sanctuaire qui se trouve dans le village arabe détruit de Hittin dans le nord d’Israël. Chaque année, les Druzes se rendent sur sa tombe du 25 au 28 avril. « Le peuple juif et les Druzes sont ensemble depuis Jethro. C’est une longue période – et nous serons ensemble pour toujours, à jamais », a déclaré Benjamin Netanyahu, en ne manquant pas de féliciter les Druzes pour leur contribution au pays et leur alliance avec Israël.
Les Druzes, dont la religion est un dérivé de l’ismaélisme professe un islam hétérodoxe qui rend compliquées leurs relations avec les sunnites et chiites qui les considèrent comme hérétiques. La méfiance longtemps cultivée à l’égard du monde musulman qui les a persécutés, les a poussés à construire une relation privilégiée avec l’Etat hébreu. De fait, ils ne se sentent pas liés au récit national palestinien.
« Ce pacte a résisté à de nombreux tests et est resté fort », indique le texte du projet de loi qui est passé, lundi 28 mai 2018 en plénière à la Knesset (le parlement israélien) pour inscrire dans le calendrier national, une journée en l’honneur de cette minorité qui a lié son sort à l’Etat hébreu et ce, avant même la guerre d’indépendance.
Les Druzes sont aujourd’hui 137 000 en Israël. Alors qu’ils représentent moins de 2 % de la population israélienne, ils ne comptent pas moins de quatre représentants au Parlement israélien sur 120 sièges. Ils ont donc un taux de représentation de 3,3%.
« Le but de cette loi est de saluer les contributions de la communauté druze pour la construction de la terre, le renforcement de sa sécurité et pour façonner la société israélienne en tant que culture diversifiée. », a déclaré le député druze, Hamad Amar, auteur du projet de loi. Ses propos étaient rapportés par la chaîne de télévision israélienne, i24News.
Selon le communiqué de la Knesset, l’élu du parti Israel Beitenu dont le positionnement se situe à droite, avait en amont déclaré qu’une journée nationale reconnaissant l’implication de la communauté druze « contribuerait grandement au renforcement du statut des membres de la communauté au sein de la société israélienne, qui sera en mesure de reconnaître, honorer et respecter les réalisations de la communauté druze et sa contribution à l’Etat d’Israël. » Une initiative qui participe aussi à gommer certaines discriminations. Notamment quand les Druzes cherchent à obtenir des permis de construire.
C’est le 1er mars de chaque année qui a été choisi pour marquer annuellement ce jour de commémoration. Cette date fait référence au 1er mars 1956 lorsque l’enrôlement des Druzes dans l’armée israélienne a été rendu obligatoire. Contrairement à celui des autres Israéliens chrétiens et musulmans. En contrepartie, les Druzes avaient obtenu en 1963 une autonomie communautaire ratifiée par la Knesset.
Désormais, comme le stipule le communiqué de la Knesset, la fête nationale dédiée aux Druzes sera effective « sur les bases militaires de Tsahal, à la Knesset, à la résidence présidentielle et lors d’une cérémonie spéciale organisée par le ministère de la Défense. »
Une communauté spécifique
Fidèles à leur culture tout en entretenant une fierté nationale israélienne, les Druzes de l’Etat hébreu – principalement installés dans les hauteurs de la Galilée – sont considérés comme une communauté spécifique. Certains d’entre eux refusent d’être identifiés à des Arabes, revendiquant qu’ils ne partagent avec eux que la langue arabe. Le gouvernement israélien a même officiellement retiré les druzes de la liste des « minorités arabes » en leur créant une catégorie « nationale religieuse » distincte. Quant à leurs 20 000 cousins du Golan (territoire annexé par Israël en 1981 et revendiqué par la Syrie), ils gardent une nationalité indéterminée (s’ils ne choisissent pas de prendre un passeport israélien) et possèdent le statut de résidents permanents en Israël. Ces derniers sont historiquement et familialement liés aux Druzes de Syrie.
En tout, les Druzes seraient environ 1 million établis outre la Galilée et le Golan, dans le sud du Liban et dans la partie centrale du Mont-Liban, dans le sud de la Syrie (où ils occupent notamment la zone montagneuse du Hawran, connue sous le nom de djebel Druze). A noter qu’au Liban et en Syrie, les Druzes ont soutenu le mouvement palestinien.
Les Druzes, qui n’ont aucune revendication territoriale se caractérisent à la fois par une forte identité communautaire, une volonté d’autonomie et une allégeance traditionnelle à l’Etat dans lequel ils vivent. D’où une grande représentativité de ses membres dans l’armée et un fort esprit de service dans ce corps. En particulier en Israël. D’ailleurs, le communiqué du parlement israélien souligne que le taux d’enrôlement parmi la communauté druze en Israël s’élève à 86%. Plus élevé que le taux d’enrôlement parmi les jeunes Juifs. La plupart des soldats druzes servent dans des unités de combat. Des emplois leur sont également réservés dans la police et dans l’administration pénitentiaire.
La communauté druze en Israël reste une communauté avec de fortes racines rurales et se montre confidentielle. Elle est largement endogame et ne fait aucun prosélytisme. Seulement 1 % des Druzes disent avoir un conjoint de religion différente (Pew research Center, 21 mars 2016).
Les Druzes doivent leur nom à Mohammed Ibn-Ismâ’il Al-Darâzi qui prétendait être l’incarnation de Dieu dans le sixième calife fatimide d’Egypte, Al-Hâkim bi Amr-Allah (996-1021). La doctrine religieuse druze est un schisme de l’islam chiite ismaélien qui s’appuie sur la croyance en la réincarnation. Son interprétation est secrète et n’est révélée aux fidèles qu’après divers degrés d’initiation philosophique. Elle unit en synthèse les trois monothéismes avec des idées issus du manichéisme, de l’Egypte antique, de l’Inde et du monde grec. Les Druzes considèrent qu’ils ne sont pas contraints par certaines prescriptions de la charia. La religion ne comporte ni liturgie et ni lieux de culte et il n’existe aucune hiérarchie religieuse parmi les imams.