Il y a six jours, les Chemins de Saint-Jacques (itinéraire Culturel du Conseil de l'Europe) ont annoncé avoir signé avec l’association palestinienne Le Sentier d'Abraham un accord de coopération, courant mars, à Bethléem.
C’est une publicité significative pour le tourisme palestinien. A l’issue d’un séjour de cinq jours (du 9 au 14 mars 2018) en Terre Sainte, un accord de coopération entre la Fédération Européenne des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle et l’association Le Sentier d’Abraham (en arabe Masar Ibrahim Al Khalil) a été signé sous l’égide d’Ali Abu Srour, Secrétaire d’Etat au tourisme pour l’Autorité Palestinienne et du maire de Bethléem. La Fédération européenne des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle indique sur son site officiel qu’il y avait vingt-trois personnes de huit pays européens, membres de son Conseil d’Administration et de son Comité Technique.
La délégation des Chemins de Saint-Jacques et Le Sentier d’Abraham ont pu lors de rencontres, visites et réunions de travail, partager les expériences, échanger les bonnes pratiques en matière de mise en valeur de leurs itinéraires et confronter les problématiques patrimoniales et culturelles (au-delà de l’aspect stricto sensu religieux) auxquelles ces itinéraires peuvent être confrontés. Car, plus que de simples sentiers de randonnée ou de légitimes voies de pèlerinage, ils ont une vocation qui mènent au plus profond de la mémoire et du patrimoine de l’humanité. De fait, l’itinéraire qui suit les pas d’Abraham touche les religions juive, chrétienne et musulmane, réunissant quasiment tous les peuples du Proche-Orient et, plus largement, quelque 3,5 milliards d’êtres humains dans le monde. Quant aux Chemins de Compostelle, ils traversent plusieurs pays européens et ont été déclarés en 1987 « Premier itinéraire culturel » par le Conseil de l’Europe. Ce dernier développe déjà des coopérations avec des pays hors de l’Union Européenne, tels la Tunisie (projet du Sentier de Saint Augustin), le Liban (Sentier des Cèdres et des Phéniciens), le Maroc, la Turquie. A noter que l’Autorité palestinienne est reconnue comme membre « observateur » à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
C’est pourquoi l’objectif du protocole signé entre les représentants de ces deux itinéraires universels vise à élargir la coopération entre les deux itinéraires et à renforcer l’engagement interculturel de l’esprit de ses chemins autour du thème de la rencontre de l’autre, de ses traditions et de ses habitudes. Le but est aussi de permettre au Sentier d’Abraham de s’appuyer sur l’expérience européenne des Chemins de Saint-Jacques qui attirent plus de 200 000 pèlerins et randonneurs du monde entier. Que ce soit en matière de balisage, d’équipements, d’hébergements, d’activités culturelles et éducatives, etc.
Prolonger les Chemins de Saint-Jacques jusqu’en Terre Sainte
Lors du séjour d’études et de recherches qui s’est déroulé le mois dernier, il a par ailleurs été question d’un projet ambitionnant de prolonger le chemin de Saint-Jacques depuis l’Europe jusqu’en Terre Sainte « afin de constituer un chemin d’itinérance intercontinental Europe-Proche-Orient », annonce dans son communiqué la Fédération européenne des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. De fait, le premier itinéraire culturel européen se voit comme « une tête de pont entre l’Europe et le Moyen-Orient. » Pour mémoire, Saint Jacques le Majeur (fils de Zébédée et frère de l’apôtre Jean) est un Juif de Galilée. Selon la tradition, après l’épisode de la Pentecôte, l’Espagne lui aurait été dévolue pour qu’il l’évangélisât. Il fut décapité vers 41-44 à Jérusalem et suivant la tradition son corps serait parti du port de Jaffa pour rejoindre la Galice en Espagne. A Jérusalem, la cathédrale arménienne Saint-Jacques est dédiée à Jacques le Juste, « frère » de Jésus et premier évêque de Jérusalem, mais aussi à Saint Jacques le Majeur, l’apôtre donc, de la péninsule ibérique. Dans la cathédrale, un petit renfoncement richement ornementé abriterait, selon la tradition arménienne, sa tête. L’autre saint Jacques serait, quant à lui, enterré sous l’autel principal de l’église.
La délégation européenne a profité de son séjour à Jérusalem pour se rendre sur le lieu. Outre cette visite, le programme comprenait aussi les lieux saints de la vieille ville. Les participants ont aussi assisté à des conférences : l’une à l’Ecole biblique et archéologique française et l’autre à l’Institut biblique et archéologique espagnol, la « Casa Santiago » (qui signifie « maison Saint Jacques » en espagnol et galicien).
Des réunions de travail ont aussi eu lieu avec le directeur du centre de réhabilitation du cœur historique d’Hébron, avec le maire de Jéricho ou encore le maire de Bethléem. Lors d’une rencontre avec Nabil Mufdi directeur de l’Université de Bethléem, des perspectives de coopération et d’échanges d’étudiants ont été abordées via le programme européen Erasmus (EuRopean Action Scheme for the Mobility of University Students).
Un chemin d’espoir
Le Sentier d’Abraham est un projet de coopération franco-palestinienne soutenu par l’Agence française de développement dans la mesure où il s’inscrit dans une démarche de développement économique local de territoires ruraux. Actuellement, pour faire court, le tourisme dans les Territoires palestiniens se limite à une ou deux nuitées à Bethléem.
Depuis 2006, Le Sentier d’Abraham est confié à l’association Masar Ibrahim al-Khalil. Ouvert en 2013, il est également surnommé « sentier de l’espoir » car il a été imaginé (en 2004) par l’Université d’Harvard dans le cadre d’une recherche sur les modules de paix et de réconciliation. De fait, il a été initialement pensé comme un moyen de réunifier les peuples au Moyen-Orient à travers la figure d’Abraham, symbole d’hospitalité, d’ouverture à l’étranger et de tolérance.
A long terme, le tracé devrait tirer son long sur 400 kilomètres et traverser quatre pays. Originaire d’Irak, le patriarche biblique a en effet gagné la Turquie puis a rejoint la Palestine, continué sa pérégrination vers l’Egypte avant de retourner à Hébron où il s’est éteint à l’âge de 177 ans. L’itinéraire du Sentier d’Abraham a été imaginé sur ce périple, passant par la Jordanie, la Palestine, la Turquie et Israël. Mais la situation actuelle en Irak et en Syrie ne permettent pas d’inclure tous les territoires dans ce projet pour le moment. Sans compter les obstacles liés au conflit israélo-palestinien.
Pour l’heure, le tronçon qui traverse les Territoires palestiniens est long de 125 km. Il est morcelé en neuf étapes de distances variables (8,5 à 25 km). Il démarre depuis la localité d’Auja, jusqu’à la cité d’Hébron en passant notamment par Jéricho et Bethléem, ou encore Nebi Musa. Le chemin alterne entre champs d’oliviers, déserts, wadis et montagnes, villages bédouins et monastères. En 2014, le magazine américain National Geographic Traveller l’a classé dans le top 10 des « best new walking trails ». Durant ces cinq dernières années, près de 12 000 personnes auraient déjà emprunté le sentier.