Dans une interview publiée le 2 avril 2018 par la revue américaine The Atlantic, le prince héritier d’Arabie Saoudite dit n’avoir aucune objection quant à l’existence de l’Etat d’Israël. Ambivalences d’un réchauffement.
« Notre pays n’a pas de problèmes avec les Juifs », a déclaré l’héritier de la dynastie saoudienne. En visite aux Etats-Unis depuis le 19 mars, « MBS » alias le prince Mohammed ben Salmane a accordé – avant les tensions à Gaza – une interview au magazine américain The Atlantic dans laquelle il estime que les Israéliens ont le « droit » – comme les Palestiniens – d’avoir leur propre Etat-nation, au moins en partie sur les terres dont ils revendiquent une présence historique.
L’héritier de la pétromonarchie saoudienne explique que les seules « inquiétudes religieuses » des Saoudiens touchent aux « droits des Palestiniens » et au sort du troisième lieu saint de l’islam, à savoir l’Esplanade des mosquées à Jérusalem-Est (annexée par Israël depuis 1967).
Cette déclaration peu habituelle de la part d’un dirigeant d’un Etat du golfe persique est cependant complétée d’une précision qui a toute son importance : « nous devons, explique le jeune prince de 32 ans, avoir un accord de paix pour assurer la stabilité de chacun et avoir des relations normales. » Comprendre qu’il ne pourra y avoir de relations diplomatiques entre l’Arabie et Israël, tant que le conflit israélo-palestinien ne sera pas résolu, et que les Palestiniens ne disposeront pas d’un Etat…
De fait, le royaume saoudien ne reconnaît pas l’existence de l’Etat hébreu. Les deux pays n’entretiennent d’ailleurs pas de relations officielles. La ligne diplomatique saoudienne, depuis de nombreuses années, demande le retrait de l’Etat hébreu des territoires occupés depuis la Guerre des six-jours en 1967, que les Palestiniens revendiquent pour leur Etat.
La déclaration du prince saoudien intervient alors que la Maison Blanche est censée présenter son plan – toujours dans les tiroirs – pour une solution politique au conflit israélo-palestinien. Et d’après Reuters, l’Arabie Saoudite en serait partie prenante.
Le roi saoudien réaffirme son soutien aux Palestiniens
La déclaration du prince « MBS » a créé du remous dans l’opinion arabe. Des médias hostiles au royaume saoudien tels qu’Al-Jazeera au Qatar critiquent ce rapprochement qu’ils jugent contre-nature.
Après la publication de l’interview, le roi Salmane d’Arabie saoudite a tenu – sans faire allusion directement aux propos de son fils héritier – à réaffirmer son soutien aux Palestiniens. Le vieux monarque (82 ans) a redit la « position inébranlable du royaume sur la question palestinienne et les droits légitimes du peuple palestinien à un état indépendant avec Jérusalem comme capitale », a relayé l’agence d’information d’Etat SPA, selon Reuters.
« A côté du guide suprême iranien, Hitler semble gentil. »
Une chose est sûre, le prince héritier d’Arabie saoudite veut faire bouger les lignes de la diplomatie régionale. La Maison Blanche compte d’ailleurs sur un rapprochement entre Israéliens et Saoudiens, au moment où les dirigeants palestiniens ne veulent plus des Américains comme médiateurs de paix après la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël.
D’autre part, la pétromonarchie sunnite voit aussi en Israël un partenaire pour faire front uni contre la menace de l’Iran chiite. D’ailleurs, récemment, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a désigné Israël comme étant « l’indispensable allié » des pays arabes contre Téhéran.
Le prince héritier n’a pas lésiné sur ses attaques contre le numéro un iranien, le guide suprême Ali Khamenei, dont il compare les ambitions territoriales à celles d’Adolf Hitler au temps du nazisme. « A côté du guide suprême iranien, Hitler semble gentil », lance-t-il. « Hitler a tenté de conquérir l’Europe », « le guide suprême tente de conquérir le monde », accuse-t-il. « Dans les années 1920 et 1930, personne ne pensait qu’Hitler était un danger. Seulement quelques-uns le voyaient. Jusqu’à ce que ce soit arrivé. Nous ne voulons pas voir ce qu’il s’est passé en Europe survenir au Moyen-Orient. Nous voulons mettre un terme à cela via des initiatives politiques, des initiatives économiques, des initiatives de renseignement. Nous voulons éviter la guerre. »
Mais le rapprochement reste flottant. Outre les déclarations en faveur d’Israël, s’il y a bien eu récemment des partages d’informations sécuritaires entre l’Etat hébreu et l’Arabie saoudite, ou même l’ouverture de l’espace aérien pour la première fois à un vol commercial vers Israël, Riyad a par ailleurs condamné la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël…
Dans ces positions qui peuvent apparaître contradictoires, l’héritier saoudien estime pour l’heure aussi qu’ « Israël est une grande économie » en « pleine croissance ». Et d’insister : « bien sûr il y a beaucoup d’intérêts que nous partageons avec Israël ». Avant de conclure que « s’il y a la paix, alors il y aurait un grand nombre d’intérêts à traiter entre Israël et les pays du conseil de coopération du Golfe, et d’autres pays comme l’Egypte et la Jordanie ».