Comme en de nombreux sites de pèlerinage du pays, la basilique actuelle de Gethsémani commémore un événement lié à la personne du Christ ; elle est, avec l’Anastasis et la Nativité, le troisième édifice qui situe de façon authentique une page d’évangile.
C’est là qu’il fut arrêté par une troupe armée conduite par le douzième apôtre, puis emmené sur la hauteur de la ville dans la propriété du grand-prêtre.
Elle fut bâtie en 1924 sur les ruines d’une église croisée, elle-même remplaçant une basilique byzantine de la fin du IVe siècle. Quelques modifications de plans apparaissent parfois au fil de ces reconstructions, comme ici où la deuxième élévation avait son chœur tourné un peu plus au sud alors que la troisième recouvre exactement la première. Des plaques de verre, aujourd’hui posées au-dessus d’anciennes mosaïques primitives, donnent à voir ces vestiges. Un panneau exposé à gauche du portail d’entrée de l’édifice fournit des plans très clairs. Il a toujours paru de la première importance aux différentes époques chrétiennes de marquer dans l’architecture les lieux où Jésus est né, a enseigné, guéri, souffert sa Passion, est mort et a été enseveli. Les pèlerins de tous les temps ont voulu se recueillir et méditer les Évangiles non seulement sur la terre de son élection, mais sur les lieux mêmes, si possible, où les faits marquants de sa vie se sont déroulés. Pour la plupart ces villes, collines ou puits ont une ancienneté plus grande et confortent le choix que fait Dieu de cette terre de toute éternité. Le Père préparait le terrain !
Tout est agencé pour rappeler la prière du Christ en son agonie, c’est-à-dire l’heure du combat spirituel, solitaire, la plus intense prière à son Père et son accueil de sa volonté pour le Salut du monde. Clair-obscur aussi pour favoriser la méditation, le recueillement, la prière personnelle des pèlerins.
Nous entrons dans un jardin à peu près carré planté d’oliviers vénérables ; les vieux troncs encore très prolifiques sont entourés de multiples rejets ; des grappes de jasmin embaument toute la coursive. Il n’est pas possible d’y venir de nuit pour prier à la fin du jour comme le Christ après la Cène, mais une petite grotte en contrebas du domaine, à côté du Tombeau de la Vierge tenu par l’Église orthodoxe, peut être réservée pour les groupes qui souhaitent vivre “l’Heure sainte”.
À Bible ouverte
Entrons Bible en mains pour pénétrer tout le mystère de la basilique de l’Agonie à Gethsémani. Le rocher qui affleure, lieu de la vénération, a été entouré en 1936 d’une barrière de bronze en forme de couronne d’épines aux pointes hérissées. L’autel, orienté à l’est, et vrai centre des célébrations, est juste au-delà du rocher nu. Lequel affleurement n’est pas le seul témoin de la solidité du site, tout le mur Est est adossé au flanc rocailleux de la montagne. L’édifice entier est volontairement plongé dans la pénombre ; les fenêtres en minces feuilles d’albâtre ne laissent filtrer qu’une faible lumière. Tout est agencé pour rappeler la prière du Christ en son agonie, c’est-à-dire l’heure du combat spirituel, solitaire, la plus intense prière à son Père et son accueil de sa volonté pour le Salut du monde. Clair-obscur aussi pour favoriser la méditation, le recueillement, la prière personnelle des pèlerins.
Les guides ne prendront la parole qu’à l’extérieur. Que vont-ils expliquer ? C’est là, dans ce jardin, dont le nom signifie “pressoir à huile” au pied des oliveraies du mont, que Jésus avait l’habitude de se reposer, maintenant une certaine distance avec la fervente et bouillonnante Jérusalem ; Lc 22, 39 : Jésus sortit et se rendit comme de coutume au mont des Oliviers. Jn 18, 2 : Judas qui le livrait connaissait aussi ce lieu, parce que bien des fois Jésus et ses disciples s’y étaient réunis. C’est là qu’il fut arrêté par une troupe armée conduite par le douzième apôtre, puis emmené sur la hauteur de la ville dans la propriété du grand-prêtre.
Pressoir, agonie, jugement
Le nom de tout le domaine demeure Gethsémani qui maintient la tradition attachée aux textes de l’Agonie, mais le surnom de la basilique qui domine la vallée se rapporte aux Nations. Il y a un rapport avec le profond ravin qui sépare Jérusalem du mont des Oliviers et dans lequel s’infiltre le Cédron, qui est dit encore “Vallée de Josaphat”. On comprendra que ce n’est pas un nom de personne quand on saura que le terme vient du verbe hébreu saphat “juger” ; on a voulu voir ici le lieu du jugement qu’ont évoqué maints prophètes. So 2, 3 : Cherchez le Seigneur, vous tous les humbles de la terre… cherchez la justice, cherchez l’humilité, peut-être serez-vous à l’abri au jour de la colère du Seigneur ; Jl 4, 2 : Je rassemblerai toutes les nations, je les ferai descendre à la vallée de Josaphat et là j’entrerai en jugement avec elles au sujet d’Israël mon peuple… 9 : Publiez ceci parmi les nations… 12-13 : Que les nations s’ébranlent et montent à la vallée de Josaphat. C’est là que je siégerai pour juger toutes les nations à la ronde… Venez, foulez, le pressoir est comble, les cuves débordent tant leur méchanceté est grande !
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Le même prophète l’appelle aussi “vallée de la Décision” : Foules sur foules dans la vallée de la Décision ; il est proche le Jour du Seigneur dans la vallée de la Décision -Jl 4, 14. Zacharie, lui, retient plutôt la notion de combat comme pour un jugement ultime sur Jérusalem, le peuple d’Israël ainsi que les nations : J’assemblerai toutes les nations vers Jérusalem pour le combat, alors le Seigneur sortira pour combattre les nations… -Za 14, 2-3 ; Le Seigneur sera roi sur toute la terre, le Seigneur sera unique et son nom sera unique -14, 9. Au verset 10 il mentionne les pressoirs du roi.
Ce qu’ont annoncé les prophètes évoque une lutte, et c’est celle que mène Jésus dans son instante prière à Dieu son Père. Le mot “agonie” signifie en effet en grec combat. Jésus va donner sa vie pour sauver la multitude, c’est-à-dire toutes les nations, les fils d’Israël comme les païens. Quand la milice le ramènera sur les hauteurs de Sion, on le fera comparaître devant les instances juives, le sanhédrin, puis devant Pilate, l’autorité romaine d’occupation ; tous ont part à ce jugement et à la condamnation, les autorités juives dans leur refus et leur colère, le pouvoir romain dans sa lâcheté. Les oracles parlent aussi de pressoirs et de jus qui s’écoule comme la vie pressée du Christ dont le sang est répandu pour la réconciliation et l’alliance : C’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples -les juifs et les nations- n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine -Ep 2, 14.
Qu’aujourd’hui notre prière à Gethsémani se tourne vers une demande de justice, non pour que nous soyons exemptés de jugement, mais pour que nous recherchions la justice, nous engagions à être justes.
Alors peut-être serons-nous à l’abri…
CITATIONS
Sur les traces d’autres pèlerins
Nous nous inscrivons dans une belle lignée de pèlerins et de priants devenus témoins, au fil des siècles, de la présence du Christ sur la terre d’Israël.
Eusèbe de Césarée avant 320 dans son ouvrage de géographie de la Terre Sainte L’onomasticon : “Gethsémani, lieu où le Christ pria avant sa Passion, se trouve près de la montagne des Oliviers, sur laquelle aujourd’hui encore les fidèles ont à cœur de faire leurs prières.”
Le pèlerin de Bordeaux en 333 : “Par la porte qui regarde l’Orient on peut faire l’ascension du mont des Oliviers… sur la gauche de la vallée là où il y a des vignes, on voit le rocher où Judas Iscariote livra le Christ et sur la droite le palmier dont les enfants prirent des rameaux à la venue du Christ pour les étendre sous ses pas.”
Égérie vers 384-387 fait revivre pour nous la liturgie des derniers jours du carême : “Ainsi donc, quand commence le chant des coqs, on descend de l’Imbomon (c’est l’église de l’Ascension) jusqu’à l’endroit où le Seigneur pria comme il est écrit -Lc 22, 41. À cet endroit il y a une élégante église (construite par l’empereur Théodose 379-395). L’évêque y entre et tout le peuple. On lit Veillez pour ne pas entrer en tentation -Mc 14, 38- et tout le passage entier, et on fait de nouveau une prière. Il y a là une foule considérable, des gens fatigués par les vigiles, épuisés par les jeûnes quotidiens. On vient tout doucement à Gethsémani. On lit le passage de l’Évangile où est arrêté le Seigneur et ce sont de tels cris et gémissements de tout le peuple en larmes que, presque jusqu’à la ville, les lamentations de tout le peuple se font entendre. On regagne la ville à pied au chant des hymnes. On parvient à la porte à l’heure où l’on commence à se distinguer l’un de l’autre. Personne ne se retire des vigiles jusqu’au matin. On escorte donc l’évêque depuis Gethsémani jusqu’à la porte et ensuite à travers toute la ville jusqu’à la Croix. On lit le passage où Jésus est amené devant Pilate…”
Théodosius après 518 : “Là est la vallée de Josaphat ; Judas y livra le Seigneur.”
Le pèlerin de Piacenza (Plaisance en Italie) 560-570 : “En descendant du mont des Oliviers dans la vallée de Gethsémani, à l’endroit où le Seigneur fut livré, il y a trois lits où celui-ci s’est couché… dans cette vallée se trouve aussi la basilique de sainte Marie dont on dit qu’elle fut sa maison… (tradition de la dernière demeure de Marie et du lieu de son tombeau). De Gethsémani nous sommes montés à la porte de Jérusalem par de nombreuses marches…”
L’église fut vue encore par le pèlerin Willibald en 725 ; elle n’a donc pas été détruite par les Perses en 614, peut-être seulement saccagée et c’est un tremblement de terre qui l’aurait abattue à la fin du VIIe siècle ; cinq siècles plus tard les Croisés n’ont trouvé là que des ruines sur lesquelles ils ont bâti en 1160 l’église “du Sauveur”.
Et c’est en 1666 que le terrain devient la propriété des franciscains. L’église médiévale ayant été détruite par les musulmans, ce n’est qu’en 1924 que la Custodie, soutenue par les chrétiens du monde entier, put refaire un nouvel édifice dédicacé “église des Nations” en mémoire des prophéties de Joël et pour honorer les donateurs de tout le monde chrétien.
Dernière mise à jour: 22/04/2024 09:26