Chanteuse engagée, Rim Banna surnommée « la voix de la Palestine » s’est éteinte le 24 mars 2018 à 51 ans. Elle a consacré l’essentiel de sa vie artistique à la musique traditionnelle et à la poésie palestinienne.
Toute en elle aura été résistance. Contre la maladie comme pour la cause palestinienne. Née le 8 décembre 1966 à Nazareth, Rim Banna, arabe de nationalité israélienne – dans la complexité de son identité – était une icône de la cause palestinienne depuis 30 ans. Elle noua avec la célébrité grâce à des textes politiquement engagés, composés sur des mélodies palestiniennes traditionnelles. Sa voix était son arme, comme elle disait, pour défendre les libertés individuelles et pour dénoncer la colonisation israélienne et les injustices dans le monde et particulièrement dans le monde arabe. Comme les destructions des villages palestiniens, la situation à Gaza, la mort d’enfants innocents tués sous les bombardements.
La « gazelle blanche » comme l’appelait sa mère la poète, Zuhaira Sabbagh s’était vue diagnostiquée un cancer du sein, il y a neuf ans. En 2016, souffrant d’une paralysie des cordes vocales qui lui fit perdre sa voix, elle fut obligée de s’éloigner de la scène artistique. Elle n’a cependant jamais cessé de composer.
Elle puisait son inspiration de l’histoire, de la culture, du folklore et du vécu du peuple palestinien. Mais avait-elle confié de son vivant, elle voulait « créer quelque chose de nouveau, qui aide à faire comprendre la musique et l’âme des Palestiniens. »
Rim Banna s’est révélée grâce à son verbe puissant et un timbre de voix rare et chaud. Elle ne se limitait pas à imiter la technique du chant arabe. « J’essaie d’écrire des chansons qui correspondent à ma voix », affirmait-elle.
Le président de la Liste arabe unie de la Knesset, Ayman Odeh, a déclaré sur Twitter que Rim Banna était « l’un des piliers de la poésie palestinienne progressiste » et a déclaré que, comme beaucoup d’autres, il était nourri par sa musique.
L’artiste et militante, auteur-compositrice expliquait ainsi son travail et son style musical : « Une partie de notre travail consiste à rassembler des textes palestiniens traditionnels sans mélodies. Pour que les textes ne se perdent pas, nous essayons de composer pour eux des mélodies modernes, mais inspirées de la musique palestinienne traditionnelle », avait-elle déclaré sur le site web germano-arabe Qantara. Son univers musical n’avait qu’une ambition, avait-elle déclaré en 2011 dans un journal tunisien : « Conserver la mémoire et le patrimoine de mon peuple est l’une de mes préoccupations majeures. Je travaille beaucoup sur le patrimoine palestinien, j’essaie de le mettre en avant pour qu’il ne sombre pas dans l’oubli. »
Durant ses concerts, il lui arrivait de porter des robes brodées de manière traditionnelle et sur ses épaules un keffieh.
Reconnaissance internationale
La chanteuse-compositrice a étudié pendant six ans la musique et la chanson à l’Institut Supérieur de Musique « Gnesins » à Moscou. Elle y obtient son diplôme en 1991. C’est dans la capitale russe qu’elle rencontre son mari, le compositeur ukrainien Leonid Alexeienko.
Révélée pour la première fois dans les années 1990, Rim Banna avait sorti un album contemporain de comptines palestiniennes pour enfants qui avaient été en grande partie jetées aux oubliettes et qu’elle a réarrangées avec son mari.
Sa popularité a ensuite grandi dans le monde arabe mais aussi sur la scène culturelle internationale en sortant plus d’une douzaine d’albums, dont beaucoup chantent la liberté, la révolution, les prisonniers politiques, etc : « Al Quds Everlasting » (2002), The Dream (1993) « April Blossoms. Songs from Palestine Dedicated to All The Children » (2009).
Rim Banna s’est illustrée sur la scène occidentale en 2003 en collaborant avec la chanteuse norvégienne Kari Bremnes en envoyant à Georges W. Bush un « message musical contre la guerre » en Irak : « Lullabies from the Axis of Evil »
En 2005, l’artiste enregistre l’album « Mirrors of My Soul », en collaboration avec un quintette européen. Une fusion entre la tradition musicale arabe et le style pop occidentale. L’album évoque, la vie d’un peuple qui s’accroche à la vie. Entre espoir et désillusion.
Nommée ambassadrice pour la paix en Italie en 1984, Rim Banna obtient en 2000 le Prix de la Palestine pour le chant. En mars 2016, le ministère palestinien de la Culture avait choisi Banna en tant que « personnalité culturelle de 2016 » lors d’une cérémonie tenue à Ramallah à l’occasion de la Journée nationale de la culture palestinienne.