Le site chrétien de Brad, classé à l’Unesco, aurait été bombardé par les turcs le 21 mars. Le tombeau de Saint Maroun, aurait été détruit selon la Direction générale des antiquités en Syrie. Une information pas si sûre.
« Les avions turcs ont bombardé le site archéologique de Brad, situé à 15 Km au sud de la ville d’Afrin », dénonce une note émise le 22 mars par la Direction générale des antiquités et des musées en Syrie (DGAM). Une note dont s’est fait l’écho l’agence de presse Fides qui précise que de nombreux édifices archéologiques chrétiens ont été détruits la veille. « Même les Mongols ne l’ont pas fait », a déclaré – dépité – Maamoun AbdulKarim, l’ancien chef du patrimoine archéologique syrien en Syrie, à l’AFP. « Ce site est l’une des plus belles pages de l’histoire du christianisme. Il abrite trois églises, un monastère et une tour de cinq mètres », a-t-il ajouté.
Les troupes turques ont lancé une offensive dans la région d’Afrin (au nord-ouest d’Alep) pour chasser de sa frontière les milices kurdes des Unités de protection du peuple (YPG). Elles se sont emparées dimanche 18 mars de la ville d’Afrine, chassant les YPG de l’enclave. Environ 167 000 personnes ont été déplacées par l’avancée des forces turques contre les milices kurdes dans la région d’Afrin (nord-ouest de la Syrie), ont indiqué les Nations unies.
L’une des plus anciennes églises chrétiennes du monde
Brad est un site archéologique, inscrit au patrimoine mondial depuis 2011. Outre les restes de nombreuses églises, de monastères byzantins et de tombes remontant aux premiers siècles du Christianisme, il inclut des vestiges de l’époque romaine (II et IIIème siècles) : un temple, un grand bain public, des entrepôts, des maisons, un tétrapyle (porte monumentale).
Selon la note de Mahmoud Hamoud, le Directeur des Antiquités syriennes, rapporte Fides, les frappes auraient notamment touché la tombe de Saint Maroun. Moine anachorète de la fin du IVème et Vème siècle, il est le fondateur de l’Eglise Maronite. Selon la tradition, il aurait initialement été enterré à Brad avant que son corps ne soit transféré ailleurs. Le tombeau a été découvert par une équipe française seulement en 2002. Les restes de la Cathédrale Saint Julien, qui abrite le dit tombeau, auraient aussi été endommagés par les raids aériens turcs. Il s’agissait de l’une des plus anciennes églises chrétiennes du monde, construite à la fin du IVème siècle. Des inscriptions retrouvées placent sa construction entre 395 et 402.
Mahmoud Hamoud a appelé les organisations internationales qui ont inscrit le site sur leur liste du patrimoine à « condamner l’agression turque » et à l’exposer au monde, rapporte l’agence de presse syrienne Sana.
L’Unesco a déploré à plusieurs reprises « l’immensité des dégâts » causés aux trésors archéologiques et culturels en Syrie depuis le début de la guerre en 2011.
Le groupe jihadiste Etat islamique (EI) a notamment détruit les plus beaux temples de Palmyre lors de son occupation du site.
Une information sujette à caution
Mais, faute de preuve apportée par les autorités syriennes, que L’Orient-Le Jour a tenté de contacter sans succès, le quotidien libanais s’interroge : « le régime syrien se servirait-il du site chrétien de Brad, inscrit sur la liste du patrimoine mondial depuis 2011, pour se présenter comme l’ultime rempart face à l’islamisme et comme le défenseur des minorités chrétiennes ? » Pour sa part, dans un communiqué, l’archevêque maronite d’Alep, Joseph Tobji, a affirmé que « le tombeau de saint Maroun n’a pas été touché ». « Les déclarations étaient basées sur de fausses informations, mais nous avons été pleinement rassurés par l’armée syrienne, qui a envoyé une équipe enquêter et constater que seules quelques habitations ont été bombardées », précise-t-il.
L’armée syrienne libre accuse quant à elle le régime de tenir « des mensonges incessants ». Des photos du site historique prises dans l’après-midi du 23 mars par un des chefs de l’armée syrienne libre, à la demande de L’Orient-Le Jour, auraient permis d’apporter une preuve supplémentaire aux dires du camp rebelle.