Quand mon ami Gabriel m’a demandé de le guider dans le quartier chrétien, je lui ai demandé s’il fallait que j’inscrive à notre parcours la possibilité d’entrer dans une église.
Gabriel est religieux, moderne-orthodoxe. Âgé d’une trentaine d’années, il n’avait pas encore franchi ce type de seuil. Je ne voulais surtout pas lui mettre de pression.
Pour un chrétien, entrer dans une synagogue ou une mosquée ne pose pas de problème. Je n’ai jamais rencontré de chrétien qui ait même songé que cela puisse en poser un.
Pour m’amuser j’ai interrogé l’intelligence artificielle (IA) sous cette forme : “En tant que juif, suis-je autorisé à entrer dans une église ?” Après quelques circonvolutions lui permettant de réfléchir, l’IA m’a prudemment conseillé d’interroger mon rabbin.
À Jérusalem, le samedi, le Saint-Sépulcre parle hébreu. De nombreux groupes d’Israéliens visitent la basilique, mais vous ne verrez pas de kippa le samedi et rarement les autres jours. Ces juifs israéliens visitent l’endroit “comme nous visitons les châteaux de la Loire” dirait frère Olivier d’Abu Gosh et, le plus souvent, ils sont extrêmement attentifs à ce que leur guide explique. Le visage de certains laisse deviner le goût de la transgression d’un tabou. Car c’en est un pour la plupart des juifs.
Un micro-trottoir réalisé récemment en Israël posait cette question : vous permettez-vous d’entrer dans une mosquée ou une église ? La majorité des juifs interrogés, quoi qu’il en soit de leur degré de religiosité, ont répondu oui pour la mosquée au motif, d’après eux, que “les musulmans, comme nous, adorent un seul Dieu”, mais non pour l’église : “Ce sont des idolâtres, la loi nous l’interdit”.
Tuvia (c’est un prénom) de Modiin Ilit, une colonie à majorité juive orthodoxe, portant kippa noire et chemise blanche, a répondu que pour sa part, il était déjà entré “dans l’église du tombeau” (knissa haKever). Mais ses sentiments étaient partagés car, ajoute-t-il, “quand même, on a été massacré depuis des milliers d’années par les chrétiens”.
Idolâtres et meurtriers. Le postulat de départ de juifs israéliens sur les chrétiens explique la difficulté à entrer en dialogue. Ajouter à cela le soupçon de prosélytisme dans la relation, ça devient très compliqué.
Pour ceux, chrétiens et juifs, qui en Israël œuvrent pour la rencontre et le dialogue, il faut prendre en compte ces paramètres et y intégrer les notions de lenteur et d’échec.
Bref, un couple juif dans la basilique de Gethsémani, comme sur la photo de première page, ce n’est peut-être pas la couverture du siècle, ni la plus explicite (il faut bien connaître l’église de l’Agonie pour la reconnaître), mais elle n’est pas si fréquente. Cela dit, Hana Bendcowsky (interviewée page 32) nous souffle à l’oreille qu’ils sont probablement chrétiens… Comme quoi… il est plus facile à une kippa d’entrer dans une église qu’à un juif !♦
Dernière mise à jour: 24/04/2024 15:35