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Jumna : « Mettre à jour le logiciel de l’Église »

Cécile Lemoine
15 septembre 2022
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© Cécile Lemoine/TSM

Membre du mouvement œcuménique des Focolari, Jumna a 53 ans et vit à Fuheis, près d’Amman. Très investie auprès des jeunes de la paroisse catholique, elle pense que l’Église est déconnectée de la vie des gens, notamment des jeunes.


Comment décririez-vous votre relation à l’Église ?

Je vis l’Évangile au quotidien, notamment depuis que je suis membre du mouvement des Focolari. C’est comme une grande famille, née dans l’Église catholique, mais ouverte à toutes les religions au nom de l’unité, de la fraternité et de la paix. Grâce à ce mouvement il ne s’agit plus seulement de lire les textes, mais d’en pratiquer concrètement les enseignements. J’y ai trouvé une grande joie personnelle.

Quels sont, pour vous, les problèmes majeurs auxquels doit faire face l’Église aujourd’hui ?

Il y en a beaucoup, et c’est normal, toutes les familles en ont. Mais ces problèmes, je les considère plutôt comme des défis, qui nous stimulent et nous poussent à nous remettre en question. Le pape le dit lui-même : “Toute crise représente une chance de grandir”.

Par exemple, il nous faut mieux comprendre les jeunes et les besoins des familles. En Jordanie, je pense que nous devrions mettre à jour “le logiciel” de l’Église. Parfois l’Église est trop déconnectée de la vie des gens. Je vois beaucoup de prêtres essayer d’être proches des gens. Mais les intérêts de beaucoup d’autres sont ailleurs.

L’Église de Jordanie est en pleine transformation : elle passe de la tradition à la modernité.

Il faudrait aussi que l’Église se focalise sur les nouvelles familles. Je vois beaucoup de jeunes couples se séparer après quelques années. Ils devraient être mieux préparés et formés. D’autres s’éloignent de l’Église, parce qu’ils n’y trouvent pas ce qu’ils veulent. Le discours, les mots de l’Église devraient être repensés, en fonction de ce dont les jeunes ont besoin et ont envie. L’Église de Jordanie est en pleine transformation : elle passe de la tradition à la modernité. Ce mouvement prend du temps, génère des frustrations entre ceux qui trouvent que ça va trop vite et ceux qui pensent que ça va trop lentement. On est sur le chemin. Le temps de l’Église est différent.

En tant que Jordanienne, vous sentez-vous représentée par le patriarche latin, qui vit à Jérusalem ?

Non. Je dis ça en pensant à l’Église catholique de Rome, mais l’Église de Jérusalem aussi est loin de nos problématiques. Je ne sens pas de relations. C’est dur pour les Jordaniens d’obtenir des visas pour voyager en Israël/Palestine et de visiter les Lieux saints. Ma sœur a fait deux demandes, et à chaque fois elles ont été refusées. On sent qu’on appartient à la Terre Sainte. Si la situation politique le permettait, tous les chrétiens jordaniens iraient en pèlerinage de l’autre côté du Jourdain. Je suis 100 % jordanienne, je n’ai pas d’ancêtres palestiniens, comme la plupart des gens ici. Mon approche est différente. Les gens de famille palestinienne sont plus connectés émotionnellement. Leur histoire est là-bas.

Concernant le patriarche, on apprécie qu’il vienne ici. Mais que fait-il vraiment pour nous ? Pourquoi ne reste-t-il pas parler avec les prêtres, avec les gens d’ici ? On n’a pas la sensation d’une grande proximité. La Jordanie est pourtant un pays à part entière et les chrétiens doivent faire face à un gouvernement. Les gens d’ici se retrouvaient dans la personne de Mgr Fouad Twal, le précédent patriarche latin de Jérusalem, parce qu’il était jordanien. Peut-être que c’est aussi à nous d’accepter Mgr Pierbattista Pizzaballa, même s’il est italien.

Comment c’est d’être chrétien en Jordanie ?

Nous avons beaucoup de liberté pour vivre notre christianisme. Par exemple, nous avons pu organiser un chemin de croix dans le quartier autour de l’église latine au moment de Pâques, sans que cela pose de problèmes. Il y a une vraie tolérance, et elle est encouragée par le gouvernement ainsi que par la famille royale.

De quoi rêvez-vous pour l’Église ?

Je rêve que nous parvenions à atteindre et impliquer tous les jeunes. Ils sont à la fois le présent, l’avenir, et à la source de beaucoup de richesses pour notre Église.

DÉFINITION

Focolari, késako ?

Le Mouvement des Focolari a la physionomie d’une famille grande et diversifiée, d’un “nouveau peuple né de l’Évangile”, comme l’a défini Chiara Lubich, fondatrice de ce courant de renouveau spirituel et social en 1943, à Trente en Italie. Son appellation officielle est Œuvre de Marie. Approuvé en 1962, il est présent dans plus de 180 pays et compte plus de 2 millions d’adhérents. Son objectif ? L’unité, dans le respect et la valorisation des diversités.

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