Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Mgr Shomali : “Des règles œcuméniques, pour assurer la bonne entente des chrétiens”

Par Cécile Lemoine
30 mai 2023
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
Lors de certains mariages, des prêtres d’autres confessions ou rites assistent parfois à la célébration. Il arrive aussi que les prêtres s’entendent pour une prière finale ensemble.

Face à la diversité de la communauté chrétienne de Terre Sainte, le Vicaire patriarcal pour Jérusalem et la Palestine, Mgr William Shomali revient sur les règles qui entourent l’union de couples baptisés dans des Églises différentes.


Comment définiriez-vous la place du mariage dans la société chrétienne de Terre Sainte ?

L’institution du mariage est forte en Terre Sainte. Il n’y a pas de mariage civil : on se marie forcément à l’Église. Le mariage, c’est l’union de deux familles. Les parents jouent un rôle prépondérant. Bien plus qu’en Europe, ils sont partis prenants du contrat de mariage, et garants de la continuité de l’union de leurs enfants. Des vrais liens d’amitié se forment entre les familles. De la rencontre à la demande en mariage en passant par les fiançailles, le mariage est une institution qui reste très ancrée dans les codes, les rites et les normes propres aux sociétés traditionnelles et patriarcales. C’est une affaire sociale. L’honneur des familles est en jeu. Les célébrations doivent être abondantes.

Avec 13 dénominations chrétiennes différentes en Terre Sainte, les mariages entre orthodoxes et catholiques sont fréquents. Quelles sont les règles qui les entourent ?

Selon les “Orientations pastorales œcuméniques” le mariage a toujours lieu dans l’Église et la paroisse du mari. C’est une société patriarcale, les hommes contrôlent la société. La femme prend donc la dénomination de son époux. C’est comme le Statu quo dans les Lieux saints : on n’a pas le choix. Quand une orthodoxe épouse un catholique, on lui fait réciter le Credo, et elle signe un papier. Pour qu’une catholique épouse un orthodoxe, elle doit obtenir l’accord de son évêque. Si une telle union est valide aux yeux de l’Église catholique, il faut tout de même l’accord de l’évêque pour la rendre licite. Les enfants seront normalement baptisés dans l’Église du père. Dans la pratique, c’est un peu plus souple. Certaines femmes continuent à fréquenter leur Église de baptême, et si elles sont fortes dans le couple, elles peuvent aussi y emmener leurs enfants. Ces arrangements œcuméniques permettent d’assurer de bonnes relations entre les chrétiens. Avant le Concile Vatican II, c’était terrible. Dans les années 1950, deux de
mes cousines se sont mariées dans l’Église orthodoxe. Elles ont été excommuniées. Mon père a refusé d’assister à leur mariage. Aujourd’hui on sourit de tout ça.

Quelles sont les autres évolutions que vous avez constatées en ce qui concerne le mariage ?

Avant on se mariait avec la cousine, paternelle ou maternelle, pour que l’héritage reste dans la famille. Aujourd’hui c’est beaucoup plus rare. Un mariage entre cousins germains nécessite un accord de l’évêque pour être considéré comme valide. L’âge du mariage a évolué aussi. Dans le passé, les filles se mariaient jeunes. Parfois avant 18 ans. De nos jours, elles vont à l’Université, et se marient plus tard, autour de 25 ans. Après 30 ans, cela devient délicat pour les femmes ici. Surtout si elles ont été fiancées une fois ou deux. On n’en veut plus. Les femmes sont les personnes vulnérables. Chez les hommes aussi le mariage est plus tardif. C’est lié aux coûts des festivités et du logement du futur couple, couverts en quasi-totalité par le marié et sa famille. Du temps de mes parents, il y avait un calcul qui nous fait beaucoup rire aujourd’hui : l’écart d’âge idéal entre un homme et une femme. Il était basé sur celui du mari, divisé par 2, plus 7. Si le mari avait 34 ans, la femme devait avoir 24 ans.

Comment l’Église accompagne-t-elle les jeunes chrétiens vers le mariage ?

Après les fiançailles, tous les couples doivent suivre une session de préparation au mariage. Elles sont organisées par les curés des grandes villes et l’idée, c’est d’inviter des spécialistes pour aborder différents sujets liés à la vie de couple : un médecin pour parler de l’aspect hygiénique, quelqu’un pour parler de la gestion de l’argent, un ancien couple, un prêtre pour apporter une dimension spirituelle et préparer à la liturgie… Mais de manière générale il y a peu d’enseignements pastoraux liés au mariage. Les prêtres en parlent peu dans leurs homélies. Le sujet est délicat. L’Église offre cependant un cadre de rencontre, un espace qui favorise la création de liens entre les jeunes chrétiens, grâce aux nombreuses activités qu’elles proposent. Il n’est pas rare de voir des scouts se marier entre eux, ou des membres de groupes comme les chorales, ou les jeunesses étudiantes (JEC), ceux qui vont aux JMJ ensemble…♦

Dernière mise à jour: 20/05/2024 10:23

Sur le même sujet