Francesco Patton : L’identité ne doit pas être conçue comme une réalité qui ferme
Père custode, parmi les points qu’évoquait Benoît XVI il y a 10 ans, quel est celui qui vous semble parmi les plus actuels ?
Je crois que la question des migrations est particulièrement pertinente. Nous assistons aujourd’hui à un double phénomène : d’une part, l’exode vers l’étranger des fidèles appartenant aux Églises de tradition ancienne et, d’autre part, l’immigration massive dans tout le Moyen-Orient, de nombreux travailleurs chrétiens, en particulier en provenance d’Asie du Sud-Est. Cela pose un défi aux Églises orientales qui doivent trouver des moyens d’accompagner leurs fidèles dans la diaspora et veiller à ce qu’ils ne perdent pas leurs racines culturelles, spirituelles et ecclésiales. […] En même temps, nous devons être une Église qui accueille les migrants non pas comme des “étrangers”, mais comme des frères et des sœurs, et nous devons les impliquer pleinement dans les expériences de l’Église locale.
Parmi les défis actuels, lequel souligneriez-vous ?
La sécularisation et la déchristianisation. La réponse à ce phénomène ne saurait être une formule magique. À cet égard, la Custodie de Terre Sainte apporte une contribution substantielle appelée “garde des Lieux saints”. Si les chrétiens locaux, qui sont les “pierres vivantes” de cette terre, ne se réapproprient pas leur relation avec les Lieux saints, ils ne pourront avoir ni une identité chrétienne spécifique, ni un fort sentiment d’appartenance ecclésiale. C’est précisément parce qu’ils sont nés et ont grandi à proximité des lieux de l’Évangile, et que ce sont eux qui, au cours des siècles, ont gardé vivante la mémoire de ces lieux, qu’ils doivent récupérer et retisser leur relation avec eux. Nous devons nous engager à solliciter des programmes pastoraux, catéchétiques et de formation, qui incluent des visites aux Lieux saints, la lecture de l’Évangile dans les sanctuaires auxquels le texte fait référence, et la célébration de l’eucharistie dans ces mêmes lieux : ces parcours rendraient la catéchèse beaucoup moins ennuyeuse et pourraient contribuer à reconnecter nos fidèles avec les racines de leur foi.
Quelle est la place de la Custodie dans le panorama ecclésial ?
La Custodie de Terre Sainte marche toujours le long de deux voies : la voie locale, et la voie universelle. Elle est enracinée ici depuis huit siècles, et accueille en même temps des frères arabophones et des religieux de 60 nationalités différentes qui doivent aider les chrétiens locaux, non seulement à redécouvrir leurs racines, mais aussi à rester ouverts à l’Église universelle. En effet l’identité ne doit pas être conçue comme une réalité qui ferme, mais comme une réalité qui ouvre et construit des ponts.
L’importance des Lieux saints ne doit pas être oubliée, parce que chaque fois que nous oublions l’importance de la géographie du Salut, nous tendons à devenir des “intellectuels de la religion”, incapables d’agir au niveau concret et de transmettre le message de l’Évangile de manière pratique, factuelle, et non pas seulement de manière abstraite. ♦
Dernière mise à jour: 21/05/2024 12:02