Un an après la série d’acte anti-chrétiens qui avait ému la communauté, le Rossing Center for Education and Dialogue a présenté un rapport sur l’état de sécurité des chrétiens en Israël et à Jérusalem-Est. Il a pour ambition de répondre à la question suivante : « Y’a-t-il une montée des tensions contre les chrétiens ? »
Janvier-Février 2023, les actes anti-chrétiens se succèdent comme jamais à Jérusalem et en Israël contraignant les Eglises à réagir tandis que Yisca Harani, experte du christianisme et activiste du dialogue interreligieux, lance le Centre de données sur la liberté religieuse, une plateforme multilingue visant à cataloguer toutes les occasions de harcèlement.
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Un an après, Hana Bendcowvsky, directrice du programme « Jerusalem Center for Jewish-Christian relations » (Centre de Jérusalem pour les relations judéo-chrétiennes ou JCJC) présentait, lors d’une conférence de presse, les résultats de 18 mois de recherche, dans le cadre de l’initiative Advocacy and Education (Défense et éducation), sur les conditions de sécurité des chrétiens en Israël et à Jérusalem-Est. Le rapport (publié en ligne) compile les données publiées par le Centre de données sur la liberté religieuse, celles de la Police et d’autres organisations, juives et chrétiennes, qui suivent ce dossier sensible.
« Nous croyons que la compréhension mutuelle, la justice et l’égalité permettront aux Israéliens et Palestiniens de vivre en paix. Nous voyons la diversité religieuse, ethnique et nationale comme un atout plutôt que comme un danger », peut-on lire sur les premières pages du rapport. En guise d’introduction, Hana Bendcowvsky, ajoute que ce sujet est de la plus haute importance puisque « du fait de sa diversité religieuse, Jérusalem et le traitement qui y est fait des minorités religieuses, constitue un exemple pour toute situation de coexistence religieuse complexe dans le monde ».
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D’après le rapport, le nombre d’actes hostiles envers les chrétiens relevés durant l’année 2023 s’élève à 90. Ces agressions, en hausse, ont toutes été commises par des juifs religieux. Ce chiffre renvoie aussi bien à des agressions mineures comme des graffitis anti-chrétiens ou des crachats, qu’à des actes plus graves comme du vandalisme dans les églises ou une profanation de cimetière.
« La face émergée de l’iceberg »
Il faut néanmoins s’armer de précaution, car selon la directrice du JCJC ce chiffre « n’est que la face émergée de l’iceberg ». En effet, la recherche se fonde sur les témoignages individuels, le retour des communautés religieuses locales, le traitement médiatique de ces évènements et les informations communiquées par la police israélienne. Or, une grande partie des victimes ne porte pas plainte ce qui fausse le constat et conduit à une sous-estimation.
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Par ailleurs les chercheurs ne possèdent pas de données suffisantes relatives aux années précédentes pour effectuer une comparaison chiffrée précise. Cependant le témoignage des communautés locales souligne bien une aggravation de la situation. Une chose est sure, la formation durant l’hiver 2022 d’un gouvernement comprenant des ministres d’extrême-droite a coïncidé, au début de l’année 2023 avec une forte hausse du nombre d’actes graves hostiles envers les chrétiens. A titre d’exemple, un cimetière luthérien du mont Sion a été profané le 1er janvier 2023 tandis que le 2 février un juif américain brisait une statue de Jésus dans l’église de la Flagellation sur la Via Dolorosa. « Ce phénomène est dû au sentiment d’impunité des extrémistes engendrés par la formation d’un gouvernement marquée à droite et à l’extrême-droite», suppose la directrice du JCJC.
« Encourager les chrétiens
L’éventail de solutions proposées par le rapport est large. Selon John Munayer, directeur du département d’engagement international, « il faut d’abord encourager les chrétiens à porter plainte ». « Soit les chrétiens agressés sont en pèlerinage auquel cas, ils ne voient pas l’intérêt de porter plainte puisqu’ils sont là pour une courte période. Soit les chrétiens agressés sont Palestiniens auquel cas, ils sont habitués à la discrimination et ne portent pas plainte », expose le théologien palestinien. En outre, le rapport recommande de sensibiliser tous les juifs israéliens à la foi chrétienne. En effet, pour la plupart d’entre eux, ils n’en ont jamais entendu parler étant en majorité démographique en Israël. Hana Bendcowvsky relate en souriant l’anecdote suivante : « Lorsque je demande à mes étudiants ce qu’ils savent du christianisme, ils ne savent que me parler du sapin de Noël ! ».
« Offrir une formation concernant le christianisme aux membres de la police, de la municipalité et aux autres autorités en charge afin de développer leur compréhension et d’améliorer la communication avec les membres des communautés chrétiennes et leurs leaders », indique le rapport dans le volet « Recommandations ». Dans un État où la liberté religieuse est censée être garantie, les autorités doivent être en mesure de comprendre les problématiques propres à chaque communauté.