Dans le cadre de sa thèse de baccalauréat en théologie sacrée, le frère Noor Tamas, jeune franciscain irakien de la Custodie de Terre Sainte, s'est plongé dans l’histoire de la paroisse latine de Jérusalem : fondation, premières conversions, élargissement... Il revient ici sur l’action pastorale des frères au cours des siècles.
Cet article a été publié sur le site du Terra Sancta Museum. Nous le reproduisons ici pour son intérêt, avec l’aimable autorisation de nos collègues du musée historique de la Custodie de Terre Sainte.
Frère Noor, comment et pourquoi avez-vous choisi de travailler sur cette histoire de la paroisse latine de Jérusalem ?
L’inspiration pour écrire cette thèse vient de mon expérience avec les personnes d’ici : en leur rendant visite lorsque je porte la communion aux malades. J’ai voulu découvrir ceux que j’avais en face de moi, leur histoire. J’ai voulu aussi comprendre ce que l’histoire de cette communauté de croyants pouvait nous enseigner. Il y a les pierres véritables des Lieux saints, mais aussi ces pierres vivantes de Terre Sainte.
Votre travail commence avec l’arrivée des frères au Cénacle en 1335, mais quand est née la paroisse de Jérusalem ?
J’ai essayé de donner quelques repères historiques du premier apostolat des frères. Au début, leur travail pastoral visait les marchands occidentaux, comme les Vénitiens qui ne disposaient pas d’un clergé stable et lié à cette terre. Le tournant, c’est vraiment la première conversion latine enregistrée en 1555 puis l’arrivée des frères au couvent Saint-Sauveur en 1558. À mes yeux, la communauté latine commence cependant bien avant qu’elle ne soit officiellement érigée.
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Précisément, la Congrégation pour la Propagation de la Foi fut créée par Grégoire XV en 1622 pour soutenir l’œuvre missionnaire de l’Église.
Oui, mais il s’était déjà écoulé plus de 70 ans. La Custodie avait déjà établi une structure paroissiale, certes embryonnaire, mais assez claire. La Propaganda Fide formalise un travail déjà commencé, c’est une reconnaissance officielle de la part du Saint-Siège en 1628. Les premiers baptêmes que j’ai trouvés datent de 1617. Il n’y a pas de registre plus ancien, mais il y avait sûrement déjà des conversions. Il faut aussi garder à l’esprit que les premiers registres étaient uniquement liés aux sacrements initiaux.
Qui sont les premiers chrétiens latins à Jérusalem et quelle est la clé de leur expansion ?
La plupart sont des convertis des autres Églises orientales ou, plus tard, même des Turcs et d’autres habitants de la région. Pour vous donner une idée, en 1664, les sources recensent 68 fidèles. Les extensions de l’église dessinent les étapes de la croissance de la communauté. Le XIXe siècle en est une : en 1885, la nouvelle église, avec des espaces bien plus grands, est inaugurée. Je tiens à rappeler que les fidèles ont construit cette paroisse de leurs propres mains. Et elle n’était pas seulement mise à disposition des latins mais de tous les chrétiens catholiques. Dans les sources, on trouve de nombreuses lettres qui témoignent de relations entre le curé latin – un franciscain – et les fidèles des Églises copte catholique, syriaque-catholique mais aussi arménienne-catholique. Quand leur prêtre était absent par exemple, le curé latin était responsable de ces communautés, des sacrements, de la délivrance des documents, etc.
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Cela vous touche ?
Oui, ces relations témoignent de l’ouverture des latins et des frères aux autres Églises. Je savais que les franciscains avaient aidé les maronites, mais je trouve intéressant de découvrir d’autres relations avec d’autres Églises catholiques orientales, fondées entre le XVIIe et le XIXe siècle (Églises copte catholique, syriaque-catholique, arménienne-catholique). Les franciscains sont restés ouverts à tous ceux qui étaient dans le besoin, même les musulmans.
On le voit encore aujourd’hui dans les œuvres franciscaines, comme les écoles par exemple, il n’y a jamais de distinction entre chrétiens et musulmans. Parfois, la majorité des étudiants et des enseignants sont musulmans, ou même juifs comme au Magnificat, le conservatoire de musique. Pour moi, c’est l’identité d’une véritable Église missionnaire qui embrasse tout le monde, qui accueille tout le monde, qui marche avec tout le monde pour annoncer l’Évangile, comme le dit Vatican II.
Vous êtes un jeune frère arabe, originaire d’Irak, ces découvertes nourrissent-elles votre vocation ?
Un point essentiel pour moi est l’influence des franciscains. Ils sont les pères du catholicisme latin au Moyen-Orient et nous savons qu’ils ont très tôt ouvert des écoles de haut niveau ainsi qu’une imprimerie franciscaine qui a imprimé les premiers livres en arabe (livres pour l’alphabétisation, le catéchisme, l’apprentissage des langues). Ces livres étaient diffusés au-delà de Jérusalem, dans toute la région. Avec ces manuels, les frères missionnaires apprenaient aussi l’arabe ou le turc pour partir en mission au Liban, en Syrie, en Arménie mineure, etc.
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Pour moi, les premières vocations arabes de la Custodie en 1850 sont le fruit de cette influence. Les frères ont apporté le meilleur de la culture occidentale pour donner encore plus de profondeur à la culture chrétienne orientale. Et il ne s’agit pas seulement de culture ou d’éducation. Les franciscains ont cherché à renforcer tous les aspects de la vie des chrétiens locaux, ce n’était pas de l’assistanat mais du développement de l’Homme dans son intégralité. C’est ainsi que le nombre de chrétiens a augmenté.
On souligne souvent que les franciscains sont les gardiens des Lieux saints.
À mes yeux, il est important de ne jamais dissocier la paroisse des franciscains ou l’histoire de la communauté locale des franciscains car ils ont toujours cheminé ensemble. Ils ne se sont jamais séparés même si au début, il pouvait sembler que les franciscains étaient venus uniquement pour les Lieux saints. Quand je vois un fidèle latin le dimanche à la messe, je vois aussi le fruit de ce que les frères ont semé il y a quatre siècles. Leur engagement dans les paroisses et l’éducation leur a ouvert de nouveaux horizons et a changé leur histoire. Sans contact avec les gens, nous servirions des pierres qui racontent l’Évangile, mais qui resteraient des pierres. Or, ce sont les âmes qui doivent être évangélisées.