La canonisation des martyrs de Damas est un événement pour la Custodie mais aussi pour tous les chrétiens du Proche-Orient aujourd’hui. L’Eglise nous les donne en exemple, mais de quelle manière ? Lors de la messe d’action de grâce, célébrée le 21 octobre le cardinal Pizzaballa a tracé une feuille de route. Extraits de son homélie(1).
Tout d’abord, nous devons reconnaître qu’honorer les martyrs et rendre grâce pour leur témoignage ne signifie pas célébrer leur mort ou le mal qui leur a été fait. La foi chrétienne célèbre la vie et non la mort. Le sens chrétien du sacrifice ne concerne pas la mort, mais la vie. […]
Le martyre n’est donc pas l’expression d’un désir de mort, mais un choix qui exprime un amour profond et une fidélité suprême à ce qui nous est le plus cher. C’est pourquoi le martyre est le plus grand témoignage de foi. Les martyrs nous montrent, par leur vie, la force de la fidélité à Dieu, qui reste inébranlable même face à la mort.
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[…] Nos frères, les frères mineurs, et les frères Massabki, ont donné leur sang pour Jésus, non par héroïsme, mais par amour. Leur amitié avec la personne de Jésus les a conduits à s’identifier également à ses intentions, à ses sentiments, à tout miser sur lui. Et finalement à donner leur vie par amour pour lui. Ils n’avaient pas « peur de ceux qui tuent le corps et qui, après cela, ne peuvent plus rien faire » (Lc 12,4).
La foi, en somme, n’était pas un habit qu’ils portaient dans les grandes occasions, mais ce qui soutenait leur vie même. Ils seraient morts s’ils avaient renoncé à la foi, et non l’inverse. Paradoxalement, en demeurant avec le Christ même face au danger de mort, ils ont dit oui à la vie, la vie que personne ne peut nous enlever.
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Le martyre est aussi une prophétie, car il indique une manière nouvelle et différente d’être au milieu de la violence et du mal, qui sont et seront toujours avec nous. En effet, le désir de bien qui existe en tout homme et en toute société doit inexorablement s’accommoder de la présence du mal en nous et à l’extérieur de nous, et de ses conséquences sur les personnes et sur le monde. […]
Les martyrs de tous les temps nous enseignent donc que la manière chrétienne d’affronter la puissance du mal dans le monde est la croix. Être avec le Christ sur la croix signifie ne pas craindre la mort, mais garder vivant le désir du don de soi, de l’amour gratuit, du pardon. Le martyre, avant d’être un acte héroïque, est donc la réponse chrétienne à la violence et au mal. Il rejette toute forme de violence, tout désir de vengeance, mais se tient sur la croix avec le Christ, aimant et pardonnant. […]
En ce moment, je pense à notre Moyen-Orient, envahi par la haine, le fanatisme religieux, le désir de vengeance et de représailles, qui sont la cause d’une violence brutale – non seulement physique, mais sous bien d’autres formes. Un contexte dans lequel tant de chrétiens se voient refuser des opportunités, des droits, sont maltraités ou simplement oubliés, simplement parce qu’ils continuent à suivre le Christ. D’une certaine manière, il s’agit là aussi d’une forme de martyre.
Nous sommes témoins de l’illusion de croire que les perspectives de paix peuvent être construites par l’utilisation des armes. La méfiance, le désespoir, l’indifférence à l’égard de la mort et de la douleur d’autrui sont monnaie courante. Nous avons vu ce que cela a donné : des décombres partout. La destruction, avant d’être matérielle, est morale, humaine. L’ingérence extérieure, politique ou autre, a certainement joué un rôle dans cette dérive, comme à l’époque de nos martyrs, mais elle ne peut justifier tout ce qui s’est passé. Nous devrions vraiment faire pénitence et demander pardon à Dieu pour tout cela. Et reconnaître que même les religions, dans leurs formes institutionnelles, n’ont pas fait preuve d’une grande liberté et d’une grande capacité de prophétie.
C’est dans ce contexte que la petite communauté chrétienne du Moyen-Orient est continuellement mise à l’épreuve, même aujourd’hui, comme elle l’était à l’époque de nos martyrs. De Gaza au Liban, de la Syrie à l’Irak, de l’Égypte au Soudan, tant de nos frères et sœurs dans la foi souffrent chaque jour. Mais à côté de ces tragédies, nous devons aussi nous souvenir de la merveilleuse fidélité au Christ qu’ils savent donner. Nous devons reconnaître la force et la beauté du témoignage de nombreux jeunes chrétiens qui, par exemple, sur les murs des églises détruites par les bombes, il n’y a pas si longtemps, ont voulu écrire : « Mais nous vous pardonnons ! ». Telle est la manière chrétienne d’être au Moyen-Orient.
[…] Voilà donc la beauté du témoignage chrétien et le sens de sa présence sur ces terres marquées par la vie de Jésus, baignées à chaque époque par le sang des martyrs chrétiens, la présence lumineuse du Christ : être, par la parole et par l’action, une force de vie, une offre de fraternité et d’accueil, un désir de bien pour tous, le courage du pardon.
- Le texte complet de l’homélie est en ligne sur le site du patriarcat latin