A Aqaba, le 7 septembre 2017, le roi de Jordanie et le prince héritier de Norvège ont donné le coup d’envoi du « Sahara Forest Project ». Lancé par l’UE et la Norvège, il vise à transformer le désert en terres agricoles.
Du soleil, de l’eau salée, du désert et du CO2 pour produire de l’eau douce, des légumes et de l’énergie propre. En un mot reverdir le désert en bordure de la mer Rouge. Telle est l’ambition du « Sahara Forest Project » pour la Jordanie, l’un des pays les plus secs au monde, recouvert à 90% par le désert. Lancé par l’Union européenne et la Norvège – les deux principaux bailleurs – le projet de nouvelles oasis artificielles s’élève à un coût total de 750 millions d’euros. A noter que le Royaume-hachémite ne prendra en charge qu’une part mineure de son financement. Le Sahara Forest Project en effet fait partie intégrante du support financier apporté par l’Union européenne au développement de l’énergie renouvelable en Jordanie, qui s’élève aujourd’hui à plus de 160 millions d’euros. La cérémonie d’inauguration a eu lieu jeudi dernier à Aqaba et a réuni pour l’occasion le Roi Abdallah II de Jordanie et le Prince héritier Haakon de Norvège.
Afin de contrer l’inexorable avancée du désert et de profiter de la manne que promet l’or vert des cultures, ce projet devrait s’étendre à l’avenir sur quelque 200 hectares dans la région désertique d’Aqaba. Pour l’heure, le projet qui n’en est qu’à sa première étape exploitera une surface de 3 hectares. Autrement dit, l’équivalent de quatre terrains de foot. L’objectif pour la branche jordanienne du « Sahara Forest Project » est de produire 130 tonnes de légumes biologiques par an, 10 000 litres d’eau potable à partir d’eau de mer et d’utiliser des panneaux photovoltaïques pour la production d’énergie solaire. Le projet englobe également une station de désalinisation et un bassin pour la production de sel.
De l’enfer au Paradis ?
« C’est un projet prometteur », a affirmé à la presse le prince Haakon cité par l’AFP, mettant en avant « l’utilisation de la technologie de façon durable pour la production agricole dans un climat difficile comme celui-là ». Le chargé d’affaires de la délégation de l’Union européenne en Jordanie, Egidijus Navikas, a également qualifié, devant la presse, le projet de « modèle pour l’énergie, l’eau et la sécurité alimentaire en Jordanie.»
Concrètement, les ingénieurs vont exploiter le soleil et l’eau salée, sources énergétiques inépuisables, et les convertir, à travers des serres à eau de mer, en eau douce pour faire pousser les cultures et instaurer un microclimat propice au développement d’une nouvelle couverture végétale. L’autre volet consiste à créer des énergies renouvelables grâce à la production de biomasse à partir d’algues, pour fabriquer des agrocarburants. Un système de centrales solaires à concentration utilisera des radiations du soleil pour produire de la chaleur et de l’électricité. L’objectif annoncé est donc écologique (stopper l’avancée du désert grâce à la végétation, créer une ressource en eau et en énergie renouvelable), économique (développer des cultures, fabriquer des agrocarburants) et social (créer de l’emploi). Avec le « Sahara Forest Project », les populations pourraient passer de l’enfer au paradis en seulement quelques années.
Un nouvel écosystème, en compétition avec le désert, devrait alors s’établir et assurer l’essor d’une économie locale basée sur l’exploitation des ressources naturelles produites, gage de l’appropriation du projet par les populations et de sa durabilité. L’objectif final étant de limiter le réchauffement climatique et d’aider au développement durable des pays émergents. En 2010, 14,40 % de la population vivait sous le seuil de la pauvreté en Jordanie ; 15,8 % des Jordaniens étaient au chômage en 2016. L’agriculture ne représente que 3,1 % du PIB national.
Si ce projet propose indubitablement une réponse aux défis économique, social, migratoire et politique pour la Jordanie, certains détracteurs considèrent cependant l’initiative polluante à souhait et surtout un changement de climat dans la région… De fait, chacun sait que le dessalement a des retombées néfastes sur l’environnement. La désalinisation produit un litre de saumure pour un litre d’eau douce, et le saumure finit à la mer. Or cette eau rejetée est en moyenne deux fois plus salée que l’eau de mer. En conséquence, elle perturbe le milieu marin et peut détruire un habitat fragile. De plus, et même si cela pourrait paraître paradoxal, les usines de dessalement, par le biais des émissions de gaz à effet de serre, participent activement à la diminution des couches de glace et des glaciers (qui fournissent 69% des approvisionnements en eau fraîche), diminuant ainsi l’eau accessible par les moyens usuels.