A titre expérimental, deux députés juifs israéliens ont pu mardi 29 août 2017 se rendre sur l'Esplanade des Mosquées, théâtre d'une vague de violences le mois dernier. Une décision provocante pour les musulmans.
C’est une première depuis 2015. Mardi 29 août en début de matinée, deux députés issus de la droite religieuse israélienne ont été autorisés à se rendre sur l’Esplanade des Mosquées – Mont du Temple : troisième lieu saint pour les musulmans, site le plus sacré pour les juifs. Et ce, sans heurts. Ni incident notable. Malgré le calme relatif qui plane sur l’esplanade depuis que le gouvernement israélien s’est résigné à démonter les portiques de sécurité installés, au cœur de l’été. Cette décision faisant suite à une crise de grande ampleur opposant les autorités israéliennes et les musulmans ; en réponse au meurtre de deux policiers israéliens le 14 juillet dernier.
Ce sont donc les deux députés, Yehuda Glick (du Likoud, le parti du premier ministre Benyamin Netanyahu) et Shuli Moalem-Refaeli (députée du Foyer juif, formation de la droite nationaliste) qui ont profité de la décision récente du Premier ministre israélien de lever pendant une journée, en forme de test, l’interdiction de visite pour les députés juifs, décidée en octobre 2015. Le gouvernement israélien avait alors interdit aux membres de la Knesset (le parlement israélien) de s’y rendre, afin de tenter de réduire les tensions de la vague de terrorisme qui frappait le pays. A noter que les juifs (en dehors, donc, des députés depuis 2015) ont le droit de visiter le site à certaines heures, mais y prier est seulement permis aux musulmans. L’AFP a cependant rapporté que Yehuda Glick avait reconnu auprès des journalistes à sa sortie avoir prié en son for intérieur pour sa femme, actuellement dans le coma, pour sa famille et pour Israël. Il a marché sur l’esplanade les pieds nus.
L’initiative de cette « journée test » intervient dans un contexte d’apaisement des tensions à Jérusalem et « au vu de l’amélioration de la situation de la sécurité sur le site », avait indiqué un responsable israélien il y a moins d’une semaine, rappelle i24news. Afin d’éviter tout débordement, les députés souhaitant se rendre sur le site devaient déposer une demande 24 heures au préalable. Les députés Yehuda Glick (qui réclame de longue date le droit de prier sur l’Esplanade) et Shuli Moalem-Rafaeli sont les deux seuls élus à avoir déposé une demande de visite. Les députés arabes israéliens musulmans ont été autorisés à venir dans l’après-midi, mais ces derniers ont indiqué ne pas avoir l’intention de le faire et ont annoncé ne pas avoir besoin de la permission du Premier ministre pour se rendre sur le lieu saint. Arguant que le gouvernement de l’Etat hébreu n’était pas en droit de régir leur accès à l’Esplanade des Mosquées.
Provocation
En permettant la visite aux politiciens de droite, « on cherche à provoquer les Arabes et les musulmans et à envenimer la situation », a indiqué à l’AFP l’un d’entre eux, Massoud Ganaim. Aussi, le député Ahmad Tibi, de la Liste arabe unie, avait qualifié la visite des députés juifs de « provocation », rappelle le Times of Israel. D’autre part, plusieurs membres de l’association israélienne de gauche « La Paix Maintenant » (Shalom Akhshav) ont manifesté devant le site, accusant les députés de provocation. Le mot provocation revient en boucle à l’approche de l’Aïd et des fêtes juives, qui doivent débuter autour du 20 septembre. Et on se rappelle en 2000, comment le déplacement sur l’esplanade d’Ariel Sharon, alors qu’il était chef de l’opposition israélienne, avait été vécu comme une bravade menaçante par les musulmans et avait débouché sur le déclenchement de la seconde intifada.
De fait, la crainte de voir Israël prendre le contrôle total de l’esplanade et rompre le statu quo en vertu duquel celle-ci est sous la garde de la Jordanie, mobilise chroniquement les Palestiniens. Le Premier ministre palestinien Rami Hamdallah a d’ailleurs dénoncé les visites des députés juifs israéliens comme « l’une des violations » commises par Israël contre les lieux saints de Jérusalem, lors d’un point presse au côté du secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres à Ramallah, en Cisjordanie occupée. « Nous réclamons que l’Onu prenne des mesures sérieuses et efficaces pour protéger les lieux saints musulmans et chrétiens de Jérusalem », a-t-il lancé.
Pour sa part Mohammad Momani, porte-parole du gouvernement jordanien, dans un communiqué diffusé à l’agence de presse officielle de Petra, a déclaré que « la décision du Premier ministre israélien de lever l’interdiction faite aux membres de la Knesset de se rendre sur la mosquée d’al-Aqsa est une décision irresponsable qui intensifiera les tensions et conduira à une escalade de la violence dans ce lieu saint pour les musulmans du monde entier ». La Jordanie, gardienne historique des lieux saints musulmans de Jérusalem, qui administre le site par le biais d’une fondation religieuse – le Waqf – a appelé le gouvernement israélien à restaurer l’interdiction faite aux députés, instaurée en 2015, soulignant qu’ « en tant que puissance occupante », Israël avait le devoir « d’empêcher les provocations de la part d’extrémistes contre al-Aqsa ».