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Al-Azhar, vent debout contre la violence au nom de l’islam

Christophe Lafontaine
6 juillet 2017
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Un projet de loi condamnant la violence au nom du Coran a été soumis par les chercheurs de l’université musulmane sunnite al-Azhar du Caire à la Présidence égyptienne. Inédit dans l’histoire musulmane.


Si elle était votée, elle marquerait à coup sûr un tournant majeur dans l’islam. Une proposition de loi condamne la justification de la violence pour motifs religieux. Présentée la semaine dernière au cabinet du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le texte émane de l’université al-Azhar au Caire, a indiqué L’Osservatore Romano début juillet. Phare académique et religieux de l’islam, l’université se présente comme  la plus haute autorité pour les sunnites. Elle a donc une aura certaine auprès de l’Oumma (la communauté des musulmans).

Les autorités égyptiennes sont inquiètes alors que les tensions entre musulmans et chrétiens ne cessent de se durcir dans le pays. L’Egypte a été le théâtre ces derniers mois d’attentats à répétition à l’encontre de la communauté chrétienne copte (qui représente 10% de la population du pays). Aussi, ce projet de loi doit-il beaucoup aux velléités sécuritaires d’al-Sissi, qui veut en découdre avec les terroristes et les extrémistes. Parmi lesquels il inclut les Frères Musulmans, depuis sa montée au pouvoir aux dépens du premier président démocratiquement élu d’Egypte, l’islamiste Mohamed Morsi, successeur indirect d’Hosni Moubarak. D’autre part, al-Azhar – à travers son enseignement – est régulièrement accusée par le président égyptien de contribuer à la violence interreligieuse. De fait, tout a commencé avec l’un des étudiants de l’université, Salim Abdul Jalil. Dans le cadre d’une émission télévisée sur la chaîne privée al-Mehwar, il s’est livré à une explication de versets du Coran concernant les non-musulmans. Il a notamment qualifié les chrétiens et les juifs d’« infidèles » dans la mesure où ils refusent de suivre les enseignements du prophète Mahomet. Et le jeune prédicateur de les appeler « à se convertir à l’islam avant de mourir s’ils veulent éviter la punition divine réservée aux infidèles après leur vie terrestre ». La polémique était née et Naguib Gibrail, un avocat et un militant chrétien copte, n’a pas tardé à porter plainte pour « diffamation contre la religion ». Des excuses ont suivi mais le mal était fait. L’initiative de la proposition de loi intervient dans ce contexte tendu et affiche comme objectif évident pour l’université de prendre de la distance vis-à-vis des théories qui justifient la haine et la violence en citant le Coran et en faisant usage d’argumentations religieuses.

Le comité qui a planché sur la proposition de loi était emmené par Ahmed al-Tayeb, le grand imam de la mosquée multiséculaire, qui entend faire graver dans le marbre la « totale incompatibilité entre la violence justifiée par des arguments religieux et la loi islamique », précise l’agence Fides. Concrètement, la mouture du texte a été élaborée par un collège de cinq théologiens et spécialistes de différents secteurs du droit, supervisés par  Mohamed Abdel Salam, le conseiller juridique du grand imam d’al-Azhar. Le texte est le résultat d’un assemblage d’éléments tirés de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (1948), de la Constitution égyptienne et du Code pénal du pays. D’après l’agence vaticane Fides, le texte ne précise pas les sanctions à infliger à ceux qui sont responsables d’instigation à la haine religieuse, laissant ce point à la discrétion des juges.

Principe de citoyenneté

Un autre but important du texte est à mettre en lumière. Il s’agit de proscrire « tout acte de discrimination entre les citoyens ». Comprendre : « re-proposer le principe de citoyenneté comme base d’une coexistence pacifique entre concitoyens appartenant à différentes composantes religieuses », note L’Osservatore Romano. Ce qui fait écho aux récents propos de l’administrateur apostolique de Jérusalem, Mgr Pizzaballa qui a invité la communauté internationale à « accorder une attention particulière à cette question » réclamant que toute action devrait être subordonnée « au respect d’une seule règle : tous les citoyens sont égaux. » Même son de cloche depuis l’Université Notre-Dame de Louaïzé au Liban où un colloque s’est réuni le 1er juillet au terme duquel les participants ont apporté leur pleine adhésion à la déclaration d’al-Azhar des 28 févier-1er mars 2017 : « Le congrès de Notre-Dame de Louaïzé salue et appuie la déclaration d’al-Azhar comme un appel sincère de la part de la plus haute institution religieuse arabe et islamique à un partenariat complet dans tous les pays arabes, au sein d’un Etat national constitutionnel civil (…) reposant sur l’égalité entre tous les membres d’un même pays ; un pays qui valorise la diversité et la pluralité culturelle et religieuse, et remplace par le terme « citoyenneté » les termes de minorité et de majorité ».

Il est à noter qu’al-Azhar n’a pas lésiné sur les gestes de dialogue ces dernières années. Le pape a reçu le grand imam au Vatican le 23 mai 2016. En octobre de la même année, pour rejeter le terrorisme, une délégation d’al-Azhar s’est rendue dans l’église du père Jacques Hamel, assassiné près de Rouen en France. Très récemment encore, une rencontre de travail a eu lieu le 3 juillet à la nonciature du Caire entre le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et la commission du dialogue al-Azhar. Cette rencontre s’inscrivait dans la continuité de la visite du pape François à ladite université le 28 avril dernier pour poursuivre la réflexion sur un document d’intérêt commun afin de continuer à collaborer en faveur du dialogue interreligieux.

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