Le Patriarche émérite latin de Jérusalem fustige «la totale irrationalité des politiques occidentales» à Gaza. Pour l’agence Fides, S.B. Michel Sabbah revient sur la crise d’électricité qui sévit dans l’enclave palestinienne.
« La condition dramatique dans laquelle se trouve la population de la bande de Gaza, (…), ne s’explique pas seulement sur la base des dynamiques de la politique régionale. ». C’est en substance ce qu’a expliqué le Patriarche latin émérite de Jérusalem dans un entretien à l’agence Fides, le 14 juin 2017. Sur fond de crise – Israël a décidé dimanche 11 juin de réduire son approvisionnement en électricité dans la bande côtière – S.B. Michel Sabbah n’y va pas de main morte. Pour lui, les raisons de la situation générale à Gaza sont à trouver « dans la totale irrationalité des politiques occidentales qui ont eu des effets dévastateurs dans l’ensemble de la région ». De l’Irak à la Syrie. Faisant des habitants de ces territoires des « victimes sacrificielles », confie-t-il.
Pointant donc du doigt, « l’irrationalité d’Israël et des Palestiniens eux-mêmes, des autorités d’Egypte et des autres responsables de la région », S.B. Michel Sabbah invoque durement « la responsabilité initiale de la politique mondiale mise en œuvre dans cette région surtout par les Etats-Unis et par les pays occidentaux. » Le prélat n’hésite d’ailleurs pas à inviter les Eglises et les populations locales à rester « conscients » que la situation est « seulement l’effet des choix politiques de fonds mis en œuvre dans cette partie du monde par les pouvoirs globaux. » Evoquant des motivations « obscures », il reproche aux protagonistes d’avoir « semé la mort » et de vouloir « poursuivre jusqu’au bout » leurs intentions. « Intentions qui – redoute le Patriarche – maintenant peut-être, visent également à une guerre avec l’Iran ».
Blocus énergétique
C’est donc un « tourbillon d’irrationalité » – emportant en son passage les Palestiniens comme l’explique Mgr Sabbah – que l’on peut débrouiller l’écheveau de la crise d’électricité dans la Bande de Gaza. La décision israélienne de réduire l’approvisionnement en courant dans l’enclave, est le fruit de désaccords entre les différents représentants palestiniens (du Hamas à Gaza et du Fatah à Ramallah). Il y a quelques semaines, l’Autorité palestinienne – qui veut exercer une pression maximale pour faire plier le Hamas – a décidé de réduire de 40 % ses paiements à Israël pour l’électricité que l’Etat hébreu livre à Gaza. Selon Gilad Erdan, le ministre israélien de la Sécurité intérieure, « il serait illogique qu’Israël paye une partie de la facture ». Une situation qu’Abdellatif al-Qanoue, porte-parole du Hamas, a comparée dans un communiqué à « une catastrophe » provoquée par une « demande de Mahmoud Abbas ».
De fait, cette décision intervient à une date symbolique : le 14 juin 2007 le Hamas prenait le pouvoir à Gaza. Dix ans plus tard. Le tableau est sombre. En plein ramadan et à l’approche de l’été, le blocus énergétique fait craindre de nouvelles tensions sur le plan sécuritaire comme humanitaire. Robert Piper, le coordinateur de l’aide humanitaire de l’ONU dans les Territoires palestiniens prévient qu’ « un nouvel allongement de la durée des blackouts pourrait amener à un effondrement total des services vitaux, y compris pour le secteur de la santé, de l’eau et des installations sanitaires ».
Déjà en proie à une pénurie d’électricité et souffrant du blocus israélien depuis une décennie (renforcé par la fermeture, en 2013 de la frontière avec l’Egypte), la bande de Gaza connaît un taux de chômage qui touche 46% de la population. Selon les données les plus récentes fournies par l’Onu, sur ce territoire de 360 km2 avec 2 millions d’habitants, 80% des familles vivent en dessous du seuil de pauvreté. De plus, l’enclave gazaoui risque d’être également affectée par la crise entre l’Arabie saoudite et le Qatar. Celui-ci s’est montré ces dernières années le plus engagé en faveur de la reconstruction de Gaza. Mais Riyad et de nombreux anciens alliés du petit émirat ont coupé les liens avec la monarchie pétrolière, l’accusant notamment de soutenir des groupes terroristes, dont le Hamas. L’émirat est donc peu susceptible d’aider la Bande de Gaza dans un proche avenir.