La municipalité de Jérusalem menace le Patriarcat arménien de saisie immobilière
Branle-bas de combat au Patriarcat Arménien de Jérusalem menacé de saisie imminente de propriétés par la municipalité de Jérusalem. Cette action, la plus directe portée par la Municipalité contre une Église, est enclenchée dans le cadre d’une procédure de recouvrement de l’Arnona, une taxe municipale contestée par les Églises de Terre Sainte.
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Depuis plusieurs années, la municipalité de Jérusalem et d’autres villes israéliennes tentent d’imposer aux Églises une taxe sur leurs biens non exclusivement cultuels. En 2018, un conflit similaire avait conduit à la fermeture temporaire du Saint-Sépulcre. Un comité gouvernemental israélien avait été mis en place pour résoudre cette question, mais les démarches actuelles de la municipalité de Jérusalem semblent ignorer ces négociations.
Une menace explicite et imminente
Dans le communiqué publié dans la soirée du 18 février, le Patriarcat Arménien dénonce une procédure de saisie qui pourrait aboutir à la vente aux enchères de ses propriétés ancestrales pour recouvrer des dettes d’Arnona présumées, remontant à 1994. Il dénonce « les actions du receveur, un employé de la municipalité de Jérusalem, qui a « déterminé » que le Patriarcat avait une dette astronomique, sans tenir compte du délai de prescription et sans fournir d’identification claire de la base de la dette présumée. De plus, une partie importante de la dette présumée concerne un bien qui est en fait loué à la municipalité de Jérusalem elle-même ».
Un recours administratif a été déposé et sera examiné le 24 février 2025. Si la justice rejette la demande du Patriarcat, la municipalité pourrait procéder à la saisie des biens, créant un précédent juridique désastreux pour toutes les Églises en Israël.
Le Patriarcat considère cette situation comme une manœuvre visant à réduire la présence arménienne en Terre Sainte. Il appelle le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, ainsi que le ministre de l’Intérieur et le président du comité gouvernemental chargé de la question de l’Arnona, à suspendre immédiatement les mesures engagées contre lui. Il demande la reprise des discussions afin de parvenir à une résolution négociée.
La communauté arménienne de Jérusalem a déjà dû lutter pour protéger son patrimoine foncier. En mai 2023, une vive opposition interne avait éclaté contre la signature d’un bail de 99 ans cédant une parcelle du quartier arménien à un entrepreneur australien. Cette affaire avait entraîné des manifestations, des démissions demandées et une perte de reconnaissance du patriarche par la Jordanie et l’Autorité Palestinienne.
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Cette annonce s’inscrit dans un contexte de tensions pour l’ensemble des Églises à Jérusalem et en Israël. Quelques jours plus tôt, les chefs des Églises de Jérusalem ont rencontré des diplomates internationaux pour exprimer leurs préoccupations notamment sur cette question de l’arnona.
Une menace pour l’ensemble des chrétiens de Terre Sainte
L’affaire dépasse largement la communauté arménienne : elle pose la question de la viabilité à long terme des institutions chrétiennes en Terre Sainte. L’éventuelle saisie des biens du Patriarcat Arménien pourrait être suivie par d’autres actions contre les différentes Églises. La présence chrétienne pourrait être encore plus fragilisée par ces politiques agressives.
D’après le site de nouvelles arméniennes civil.net, le père Gogchyan, chancellier du Patriarcat arménien a évoqué la question avec le secrétaire d’État américain Marco Rubbio en marge de sa visite privée au Saint-Sépulcre. « Nous (les religieux des divers confessions gardiennes de la basilique NDLR) avons exprimé nos inquiétudes concernant la présence de chrétiens en Israël et leur départ potentiel. Le secrétaire d’État a noté que de nombreux chrétiens, y compris des Arméniens, ont déjà quitté la Syrie, le Liban et d’autres pays du Moyen-Orient, et que les États-Unis feront tout pour garantir que la présence chrétienne en Israël reste stable, empêchant une répétition de ce qui s’est passé dans ces pays ».
Face à cette menace, la communauté chrétienne de Jérusalem et les représentants des Églises unissent leurs forces pour faire entendre leur voix et préserver un patrimoine religieux et historique inestimable.
Ce matin, le Délégué apostolique à Jérusalem, Mgr Adolfo Tito Yllana recevait des représentants du Patriarcat arménien pour discuter de ces questions.
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