Une école, reflet de la mission franciscaine

Dans la banlieue de Jérusalem, l’école Terra Sancta-Helen Keller incarne inclusion et dialogue. Portée par la Custodie de Terre Sainte, elle mêle éducation trilingue, soutien aux personnes en situation de handicaps et ouverture interreligieuse.
Dans la cour de la double école Helen Keller et Terra Sancta de Beit Hanina, le tumulte des élèves en récréation résonne joyeusement. Entre jeux, cris et goûters distribués, la scène semble ordinaire. Mais derrière cette agitation enfantine se cache une institution qui sort de l’ordinaire. Frère Paulo Paulista, directeur de cette école atypique, un Brésilien à l’arabe impeccable, fait volontiers découvrir ce lieu unique, fruit de l’engagement éducatif de la Custodie de Terre Sainte.
Créée en 1954, l’école Helen Keller, destinée aux élèves déficients auditifs et visuels, était en perte de vitesse ces dernières années au point de chercher une nouvelle tutelle. En 2016 la Custodie de Terre Sainte, déjà présente dans le quartier, fit l’acquisition des murs. En parallèle au projet initial d’école adaptée, les franciscains ouvrirent, la même année, une section de jardin d’enfants dans le projet d’ajouter chaque année un niveau scolaire et ouvrir ainsi, dans cette banlieue nord de l’agglomération de Jérusalem, un nouvel établissement Terra Sancta, le nom générique des écoles de la Custodie.
Les deux écoles partagent les locaux tout en restant distinctes afin de mieux répondre aux besoins des enfants. Aujourd’hui, cette double structure accueille près de 600 élèves âgés de 3 à 15 ans, issus de tout Jérusalem. Si la majorité des élèves est musulmane, la majorité du personnel éducatif lui, est chrétien, traduisant ainsi la mission d’ouverture et de dialogue des franciscains.

À la différence de l’école Terra Sancta de la Vieille ville, qui met en œuvre le programme scolaire palestinien, l’établissement de Beit Hanina propose le cursus israélien. C’est le seul établissement chrétien de Jérusalem à le faire. Si cela crée des tensions intra-palestiniennes, il n’en demeure pas moins que le succès est au rendez-vous des inscriptions scolaires. Dès leur plus jeune âge, les enfants apprennent l’arabe, l’hébreu et l’anglais. Cette immersion trilingue leur permet de se préparer à naviguer dans un pays aux identités multiples.
Une école en pleine croissance
Frère Paulo poursuit ses explications quand le frère Ibrahim Faltas, directeur général des écoles Terra Sancta, arrive dans l’établissement. Dans la cour il veille à ce que les élèves soient calmés et en rang avant de réintégrer leur classe. Rejoignant la discussion, il propose de visiter l’établissement pour prendre la mesure de ses évolutions. Quand il entre dans les classes, professeurs et élèves accueillent avec joie et respect le “raïs”, le directeur. Disciplinés, les élèves se lèvent – le plus souvent – et les professeurs invitent à faire la démonstration d’un jeu, d’un chant, d’une récitation. Les enfants passent d’une langue à l’autre avec une aisance déconcertante.
Sur les murs du couloir, des photographies retracent le parcours de la première promotion, huit enfants qui ont débuté en 2016. “Nous avons commencé avec eux, explique le frère Ibrahim, et chaque année, nous créons une nouvelle section pour accompagner leur progression.” Ces élèves, aujourd’hui âgés de 14 à 15 ans, sont les aînés de l’école.
Cette croissance constante entraîne des défis logistiques. Pour l’année prochaine, un projet prévoit la construction de deux étages supplémentaires sur le bâtiment principal, afin d’accueillir de nouvelles générations et d’offrir un espace adapté aux besoins grandissants.
Inclusion et excellence
Sur ce campus où cohabitent tous les enfants dont certains sont porteurs de handicaps, l’intégration est un maître-mot. À Helen Keller, les élèves malentendants étudient dans des salles équipées d’appareils auditifs, tandis que les malvoyants utilisent des machines à écrire ou des écrans en braille alors que le professeur donne son cours face caméra. Un manuel de mathématiques ouvert au chapitre des logarithmes montre que ces élèves suivent un programme similaire à celui de leurs camarades, témoignant d’un enseignement exigeant malgré les obstacles. À la fin de leurs études, ils obtiennent un diplôme israélien spécialisé, leur ouvrant les portes de l’université grâce à des parcours d’inclusion.
Cette école singulière brille aussi à l’international. Quatre élèves malvoyants – Ibrahim, Alaa, Taline et Céline – ont chanté devant le pape François lors de la Journée internationale de l’Enfance à Rome.
Pour le frère Ibrahim Faltas, l’école Helen Keller et la Terra Sancta de Beit Hanina incarnent pleinement la mission franciscaine en Terre Sainte. En soutenant les populations locales par l’éducation, elle participe à un triptyque essentiel : logement, éducation et emploi. Cette institution ne se limite pas à instruire des élèves. Elle porte aussi un message d’espoir, d’aide aux plus vulnérables et de coexistence, rappelant ainsi les valeurs fondamentales de la Custodie de Terre Sainte.