Lors d'une intervention télévisée, Ahmed al-Tayyeb a discuté du concept de la dhimma, la tutelle qu'un Etat islamique est censé assurer sur les non-musulmans. Le concept - dit-il - est désormais anachronique.
Ahmed Al-Tayyeb, grand imam de l’Université cairote al-Azhar, a fait un pas important sur la voie du renouveau du discours religieux. Dans son intervention hebdomadaire à la télé égyptienne, le 13 janvier, il a largement discuté du concept de la dhimma, c’est-à-dire la tutelle que n’importe quel Etat islamique doit avoir sur les non-musulmans qui y vivent (voir vidéo). Al-Tayyeb a expliqué que, quand l’Islam s’est diffusé hors de la péninsule arabique, il s’est retrouvé à gouverner de nombreuses minorités (et majorités) non-musulmanes. L’Islam Ne pouvant forcer quelqu’un à se convertir à l’islam, les différents types de gouvernement issus de cette expansion ont dû penser à une forme particulière de pacte avec leurs sujets non-musulmans, une forme de relation leur permettant de protéger leurs droits sur un pied d’égalité avec ceux des musulmans et d’imposer des devoirs égaux. . Cette forme est la dhimma , qui – selon les mots d’al-Tayyeb – signifie que l’Islam s’assume « la garde et la responsabilité » des non-musulmans, en échange du paiement d’une taxe (la jizya), de même que les musulmans paient la zakat. Cependant, la jizya dispense les non-musulmans de la défense de l’Etat, au contraire de la zakat.
L’argument reste très actuel, si l’on considère que le soi-disant Etat Islamique en Irak et au Levant a rétabli la jizya et l’impose de façon humiliante et dégradante. De nombreux groupes islamiques fondamentalistes voudraient la réintroduction de la dhimma pour les minorités chrétiennes au Moyen-Orient. Mais Al-Tayyeb a parlé clairement : la dhimma – explique-t-il – la dhimma est un concept qui appartient à un contexte historique spécifique qui n’existe plus, parce que les formes de gouvernement dans lequel il a été appliqué (et pour lequel il a été conçu) sont désormais remplacés par les États modernes et le concept la citoyenneté. Bien que la dhimma ait constitué, lors de son invention, une nette amélioration par rapport à ce qui se passait dans d’autres civilisations et notamment dans l’empire romain où ceux qui ne suivaient pas la religion d’État étaient discriminés; l’appliquer aujourd’hui, dans un contexte profondément différent, constituerait, selon al-Tayyeb, «forme d’injustice et un manque de raisonnement scientifique ».
Donc, selon al-Tayyeb, les chrétiens en Égypte ne sont pas et ne peuvent pas être dhimmi, ni même considérés comme une minorité, un terme chargé de connotations négatives. Les chrétiens sont des citoyens, et il n’y a aucune justification pour un retour anachronique à l’imposition de la jizya. La citoyenneté est la seule garantie d’égalité et de stabilité pour les sociétés d’aujourd’hui (comme les leaders religieux chrétiens soutiennent aussi dans les différents contextes moyen-orientaux – ndr). Une idée que la révolution du 2011 a fait entendre dans toutes les places.