Surprenant. Le ministre de la Défense d'Israël, Avigdor Liberman, a accordé son premier entretien officiel au quotidien palestinien Al-Quds.
(Jérusalem/n.h.) – Lundi 24 octobre, à la surprise de son lectorat, le journal tabloïd Al-Quds publiait une pleine page d’entretien avec Avigdor Lieberman, ministre de la Défense d’Israël. Page 7, les sujets abordés apparaissaient en gras, et sous chacun la question des journalistes et la réponse du ministre.
L’ensemble aide à comprendre quel chapeau porte Lieberman, aujourd’hui assis au siège de ce ministère clé. En poste depuis mai, le bouillonnant ministre est sous le regard attentif des gouvernements étrangers et leurs agences de renseignement. Ces derniers surveillent de près ses premiers mois à la tête du centre névralgique de la puissance militaire d’Israël, curieux de voir la direction qu’il prendrait. Lequel de ses nombreux visages portera-t-il désormais ? Allait-il déclarer de nouveau que le haut responsable du Hamas « Ismail Haniyeh aurait seulement 48 heures à vivre si les corps des victimes de Tsahal n’étaient pas retournés immédiatement » ? Ou serait-il l’«adulte responsable», qui prêcherait la nécessité d’une initiative régionale de paix, soutenant une solution à deux Etats ?
Pour l’instant, il semblerait que c’est le second Lieberman qui soit aux manettes. Le ministre de la Défense se révèle être pondéré, modéré et plutôt pragmatique. Sa décision d’accorder son premier entretien officiel au plus grand quotidien palestinien est un geste intrigant. Que des journalistes palestiniens, identifiés avec l’Autorité palestinienne, aeint été autorisés à accéder au Saint des Saints, le Ministère de la Défense d’Israël, a défrayé la chronique non seulement en Israël, mais dans toute l’Autorité palestinienne comme dans de nombreux pays à travers le Moyen-Orient.
Bien que le personnel d’Al-Quds et Lieberman aient fait face à de vives critiques de toutes parts pour la publication de l’entretien, le ministre lui semble très satisfait. « L’entretien a été très réussi », a déclaré une source de l’entourage de Lieberman sous couvert d’anonymat. « Le journal a fait un travail professionnel et les commentaires du ministre ont été bien traduits. Presque rien n’a été laissé de côté, et tous ses messages ont été transmis.»
L’homme derrière l’idée de l’entretien est le coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), le Maj. Gen. Yoav Mordechai. Ce dernier, connu pour son approche pragmatique de la question palestinienne, développe une relation stratégique avec Lieberman. Il considère les investissements israéliens dans le bien-être économique des Palestiniens, la création de nouvelles occasions et l’atmosphère d’espoir comme les clés pour le maintien du calme dans toute la région.
Les propos de Lieberman dans l’entretien sont une extension directe de la politique de la carotte et du bâton qu’il a présentée peu de temps après avoir été nommé à ce poste. Dans l’entretien, il a posé une nouvelle politique israélienne : d’une part investir dans et améliorer les conditions de vie de la population palestinienne qui n’est pas impliquée dans le « terrorisme », de l’autre intensifier la guerre contre les responsables des actes de violence contre Israël.
« S’il [ le Hamas] nous pousse dans une nouvelle guerre, a-t-il déclaré dans l’entretien, ce sera la dernière parce que nous allons les écraser.» D’autre part, il a également dit à son lectorat palestinien que si le Hamas abandonnait le « terrorisme », Israël accepterait diverses initiatives économiques et internationales de grande envergure, y compris la construction d’un port (à Gaza). Lieberman a même affirmé, « Gaza pourrait un jour être le nouveau Hong Kong ou Singapour du Moyen-Orient.»
Donnez-nous du calme, vous aurez espoir en retour ? La réponse du Hamas ne s’est pas fait attendre : la question des armes pour la résistance palestinienne n’est pas négociable.
«Je reconnais la solution à deux Etats et je la soutiens, a déclaré Lieberman en ce qui concerne la question de l’Etat palestinien. Je pense que le problème réside dans la direction palestinienne et pas Israël. J’estime que le principe de la terre pour la paix n’est pas le bon. Je préfère l’échange de territoire et de populations. Je ne comprends pas pourquoi nous avons besoin de Umm al-Fahm. [Ses habitants] se sentent palestiniens et ne reconnaissent pas Israël comme un Etat juif. Je fais référence à Sheikh Raed Salah [chef de file de la branche nord du mouvement islamique NDLR] et d’autres qui se considèrent Palestiniens. Alors je vous en prie, faites partie de l’Etat palestinien.»
En revanche, sa politique envers Abbas reste la même. Lieberman a réitéré son opinion selon laquelle Abbas n’est pas un partenaire pour la paix, qu’il n’a pas l’intention de parvenir à un véritable accord de paix avec Israël.
Lieberman a réitéré son soutien à une solution à deux Etats, chose loin d’être acquise compte tenu de l’état d’esprit actuel au sein du public israélien. Sa relation étroite avec le responsable du Fatah Mohammed Dahlan se poursuit en coulisses, ce dernier prétendant à la tête de la direction palestinienne après Abbas.