Il s’est tari, le flot des pèlerins de la rue du Quartier Chrétien. En une année, la Terre Sainte a perdu la moitié de ses visiteurs, une baisse qui n’est pas sans conséquences pour les commerçants.
(Jérusalem) – Assis sur un tabouret au pas de sa porte, Malek vous accoste avec douceur lorsque vous passez au 64 de la rue du Quartier Chrétien. Surmontée par des croix en néon, la rue est reconnaissable entre mille. Colorée et animée c’est un passage obligé pour les pèlerins qui se rendent au Saint-Sépulcre.
L’anglais facile, le sourire aux lèvres et le regard enjoué, il essaye de vous convaincre d’entrer dans le magasin familial pour vous montrer ce qui se fait de mieux dans le quartier. Son échoppe regorge de bijoux, de tapis, de tissus et de robes bédouines aux couleurs chatoyantes. A vingt-et-un ans, le jeune musulman est un fin commercial. Il tient sa propre boutique un peu plus haut dans la rue lorsque ses parents n’ont pas besoin de lui au 64. Mais les temps sont durs. « Le commerce va mal. C’est très calme », nous révèle Malek. Depuis presque un an, ses ventes ont chuté. « A cause de la situation et des conflits, les gens ont peur de ne plus être en sécurité ici. Ils ne viennent plus ». Son regard se voile d’amertume. Les bras croisés sur sa poitrine, il semble néanmoins résigné. Un groupe de pèlerins anglophones, écouteurs enfoncés dans les oreilles, passe bruyamment dans la rue pour se rendre au Saint-Sépulcre. Affable, Malek tente de les faire entrer, mais essuie un échec. « Les Américains sont riches. Ce sont eux qui achètent le plus », analyse-t-il. « Les Français et les Asiatiques aussi !», ajoute son cousin, venu lui tenir compagnie.
A quelques mètres, dans la rue Sainte-Hélène qui mène au Saint-Sépulcre, se massent une quinzaine de commerçants chrétiens. Cela fait cinquante ans que Baba George tient sa petite échoppe, coincée entre deux autres boutiques de souvenirs. Ses cheveux blancs encadrent un visage tanné par le Soleil. Des rides se dessinent au coin de ses yeux vitreux et fatigués lorsqu’il sourit. Assis sur un tabouret au milieu de son étroite boutique, il est entouré d’étagères dégringolant de babioles et de souvenirs religieux en tout genre. Du misbaha (chapelet musulman), à la ménorah (candélabre juif), en passant par l’encens et les croix, il y en a pour tous les goûts : « J’essaye d’attirer le plus de clients possible ». Pour lui aussi les temps sont durs. Il explique avec lassitude : « Environ dix personnes entrent dans ma boutique chaque jour. Mais seulement deux ou trois achètent. Avant, ça n’était pas comme ça ». Lui aussi incrimine la situation conflictuelle et le sentiment d’insécurité qu’elle provoque. Mais il garde la foi : « La paix reviendra, et avec elle, les pèlerins ».
La situation est la même pour l’ensemble des commerçants du quartier chrétien. Marchands de sandales, de luminaires, de céramiques, de souvenirs… Tous doivent faire face à une baisse de leur chiffre d’affaires imposée par un ralentissement continu des pèlerinages depuis 2011 et plus particulièrement depuis quelques mois. Entre 2014 et 2015, c’est une baisse de 50% qui a été enregistrée. 2016 semble être l’année de la reprise, malgré une période creuse en avril où l’on a constaté une baisse de presque 10 000 pèlerins par rapport à l’année précédente. Face à cette situation, la Custodie de Terre Sainte lance un appel : « Voulez-vous abandonner la Terre Sainte à son destin? Pèlerins, continuez de venir en Terre Sainte. Libérez-vous de la crainte qui vous emprisonne et venez ! »