Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Un vendredi de Ramadan au Saint-Sépulcre

Cécile Lemoine
15 juin 2016
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Atypique. C’est le mot qui décrit le mieux l’ambiance au Saint Sépulcre un vendredi de Ramadan. Aux pèlerins chrétiens se mêlent les musulmans venus à Jérusalem pour la prière du vendredi de ce mois de jeûne.


Ecrasés par la chaleur de juin, après presque trois heures de prière en plein soleil sur l’esplanade des mosquées, les musulmans recherchent l’ombre et la fraîcheur. D’autant que la noria de bus qui viennent chercher plusieurs dizaines de milliers de fidèles pour les conduire dans leurs villes et villages d’origine oblige certains à patienter avant l’heure de rendez-vous prévue par les chauffeurs.

En attendant, la Vieille Ville, avec ses ruelles étroites et ombragées leur offre quelques instants de répit. Mais la véritable fraîcheur se trouve dans les monuments, et ils le savent. C’est aussi pour certains l’occasion de visiter la Vieille Ville et une église, comme un chrétien visite une mosquée ou une synagogue. 

Petit à petit, le Saint-Sépulcre se remplit de qamis, de hijabet de kufi (des vêtements portés par les musulmans). Le dialecte palestinien résonne dans la basilique, rebondissant sur ses murs de pierre froide. 

C’est la cohue. Les visiteurs parlent fort, on se bouscule de toute part. Musulmans et chrétiens se mélangent dans les différentes chapelles de l’édifice. Les premiers tentent de comprendre la signification des gestes réalisés par les seconds. Une jeune fille au regard curieux et étonné observe une pèlerine qui prie à genoux dans un recoin, indifférente au vacarme qui l’entoure. Des coups d’œil perplexes s’échangent. On montre du doigt des représentations iconographiques. Têtes inclinées, on tente de s’expliquer ces pratiques étranges et inconnues. 

Les smartphones sont de sortie. A l’entrée, un couple réalise un selfie devant la pierre de l’Onction. À l’étage, une famille se fait prendre en photo devant les riches ornements du calvaire. Il faut tout filmer, tout photographier, montrer que l’on y était. Mais que l’on était où ? C’est bien la question que se pose un petit groupe de jeunes musulmanes. Cela ne fait aucun doute, elles sont bien dans un lieu chrétien. Mais à quoi correspond-il ?

Une habituée du lieu, venue justement observer un de ces vendredis particulier, ne peut s’empêcher de les aborder. La conversation s’engage en arabe et se poursuit en anglais. La scène se passe au calvaire. « Pourquoi êtes vous venues ici ? » « On aime bien les chrétiens, et nous désirons connaître aussi leur forme de prière. » « Mais savez-vous où vous êtes ? » « Oui dans une église » « Et savez-vous ce qui s’est passé dans cette église précisément ? » « Jésus y a prié ». « Non, c’est ici le lieu où la croix de la crucifixion a été plantée et où il est mort ».

A partir de là, les questions fusent de toute part. Au fur et à mesure des explications, les yeux des jeunes filles se mettent à briller de compréhension. Très vite, la rencontre fortuite devient visite guidée. De la Pierre de l’Onction à la chapelle de l’invention de la croix, en passant par la chapelle syriaque orthodoxe et le tombeau de Joseph le juste, tous les secrets du Saint-Sépulcre seront dévoilés. Il apparait que certains rites sont communs aux deux religions. Celui du lavement du corps des morts par exemple.

Les regards se tournent vers le tombeau de Jésus lui-même. Osera-t-on entrer ? Le moine grec, placide, demande de seulement prendre son tour dans la file. En en sortant, les explications s’imposent. L’histoire de l’édicule en cours de restauration, les informations sur ce que l’on pouvait voir, dont ce reste de la pierre qui ferma le tombeau… Toutes écoutent avec attention et curiosité les commentaires passionnés et enjoués de leur guide improvisée.

Et l’on en vient à la foi. « Mais nous les musulmans nous pensons que Jésus n’est pas mort. Dieu a envoyé sur terre une autre personne se faire crucifier à sa place. Il est toujours vivant et il a maintenant 2016 ans ! »

« Mais si Dieu est si grand, s’il est le plus grand, n’a-t-il pas le pouvoir de faire vivre à nouveau un mort ? » L’argument fait mouche, mais le mystère de la résurrection les étonne toujours et les fait rire.

Le temps passe, il va falloir songer à se quitter. Photo souvenir, selfies, échanges d’email, traduisent la joie, la surprise d’une rencontre si facile. 

Même s’il semble qu’un fossé sépare les deux religions, c’est par le dialogue et l’écoute que l’on s’aperçoit que les valeurs, les manières de faire sont quasiment les mêmes. Ce sera l’enseignement du jour : parler, échanger permet de mieux se comprendre.

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