Véritable carrefour de cultures, de religions et de senteurs, le souk de la Vieille Ville de Jérusalem vous invite, le temps d’une journée, à découvrir ses secrets.
Enchevêtrement de boutiques en tout genre, de couleurs, de lumières, de bruits et de parfums… Le souk de Jérusalem fourmille de toute part. La foule s’y hâte sans se rendre compte qu’elle marche en fait sur l’ancien cardo, un axe romain qui reliait le nord et le sud de la Vieille Ville. C’est probablement à l’époque des croisés, voire des premiers musulmans qu’il a été séparé en trois venelles commerçantes parallèles, chacune portant le nom des produits que l’on y vend. Dans la rue appelée Souk des Bouchers, on trouve des vendeurs de viande et de légumes. L’ambiance y est animale et des relents de viande faisandée s’échappent des boutiques. Si l’on emprunte un petit passage sur la gauche, on atterrit au milieu du Souk des Parfums, embaumé par les senteurs épicées du curry, du cumin et autres herbes aromatiques. Un autre passage nous mène au Souk des Orfèvres. Étrangement calme, la ruelle ne scintille pas du reflet de mille bijoux comme l’on pourrait s’y attendre. Les seules échoppes ouvertes regorgent plutôt de gros rouleaux de tissus multicolores.
Le souk prend vie dès 7h le matin. Les premiers arrivants sont les occupants des échoppes du marché des bouchers. Vendeurs de légumes et de viande rangent tranquillement les marchandises fraichement livrées. Ils savent qu’ils ont un peu de temps avant l’arrivée des premiers clients. Vers 9h, c’est au tour des échoppes du souk des parfums d’ouvrir leurs portes. Bientôt l’effluve des épices se répand à travers le marché qui s’anime. Les commerçants s’installent sur une chaise au pas de leur porte et haranguent les clients.« Ici, ce sont surtout des musulmans. Il y a peu de touristes. Ils vont dans un autre quartier », nous apprend le gérant de la boutique « King of Spices » (le roi des épices). Cela fait 400 ans que l’échoppe se transmet de père en fils. Notre homme connait donc bien les mœurs du souk. Les seuls juifs que l’on y croise l’utilisent comme raccourci pour se rendre vêtus déjà de tenue de prière au mur occidental.
Il fait chaud. Les odeurs, exacerbées par la chaleur se trouvent piégées par les voutes fermées du souk. Les relents de viande crue et de sang se mêlent à l’odeur plus âcre des légumes, plongeant les commerçants des boutiques les moins animées dans une torpeur propre aux débuts d’après-midis. Le jeûne, imposé par la période du ramadan, excite les tensions et on entend une dispute plus loin dans le souk des parfums. Le calme relatif imposé par la chaleur se rompt en fin d’après-midi et les femmes se pressent dans les ruelles étroites pour faire les dernières emplettes nécessaires au repas du soir. Au niveau de l’échoppe qui vend des atayefs (une sorte de gros pancake), une impressionnante file d’attente, bruyante et gesticulante, se forme. Chacun réclame une bonne demi-douzaine de ce qui est la gourmandise préférée des musulmans lors du ramadan.
L’ambiance chaotique prend fin aux alentours de 18h. Une à une, les boutiques, étrangement silencieuses et vidées de leurs clients, referment leurs portes. C’est l’heure des comptes. Les gérants, liasses de shekels à la main, se rendent l’argent qu’ils se doivent. Une heure plus tard, seul le souk des bouchers est encore animé par les camions qui viennent enlever les cartons éventrés, abandonnés aux coins des boutiques, et laver le sang qui s’est répandu en flaque sur les pierres de la rue. La puanteur s’accentue au niveau d’une caisse en plastique bleue remplie de tête de bovins ensanglantées. Des enfants passent en courant, le nez enfouis dans les mains. Des chats faméliques, rodent entre les cartons et les caisses, en quête de morceaux de viande. Bientôt, les dernières clameurs se taisent et le souk s’endort avec pour seuls gardiens, les chats indomptés de la vieille ville de Jérusalem.