Les travaux de restauration de l’édicule du Saint-Sépulcre vont débuter à Jérusalem. Entretien avec la coordinatrice scientifique du chantier, l’ingénieur Antonia Maropoulou de l'Ecole Polytechnique d'Athènes.
Après des années d’inspection, d’évaluations minutieuses et de rencontres entre les chefs des différentes communautés chrétiennes de Jérusalem, le chantier de restauration de l’édicule du Saint-Sépulcre va enfin s’ouvrir : « Selon toute vraisemblance, nous allons commencer en fin de semaine ; en tout cas ce sera avant la fin du mois de mai », assure Antonia Maropoulou, ingénieur chimiste, professeur à l’Université Polytechnique d’Athènes et coordinatrice scientifique des travaux. « Nous ne pouvons pas encore prévoir la durée de la restauration – explique Maropoulou dans une interview accordée à Terrasanta.net – mais nous avons arrangé les choses de telle sorte que l’accès des pèlerins au Saint-Sépulcre soit toujours garanti ».
Professeur Maropoulou pourquoi l’édicule du Saint-Sépulcre a-t-il besoin d’être restauré ?
Nous devons garder à l’esprit que pendant des décennies la coupole de la rotonde qui surplombe le tombeau était ouverte. La pluie et la météo ont donc endommagé la structure de l’édicule qui entoure la tombe tout comme les matériaux avec lesquels il a été construit (en 1808 la basilique du Saint-Sépulcre a également été fortement endommagé par le feu, le toit de la rotonde s’effondrant sur l’édicule et détruisant le sommet et une grande partie du revêtement en marbre et en calcaire. La coupole fut reconstruite en l’an 1868 mais les murs et les piliers furent ensuite affaiblis par le tremblement de terre de 1927 – ed). En dépit du fait que l’édicule ait été, par la suite, sécurisé avec un échafaudage de fer par l’administration du mandat britannique en 1947, la nécessité d’une action urgente se pose aujourd’hui. Un tournant fut pris le 22 mars dernier avec la signature d’un accord entre les trois Eglises grecque, latine et arménienne (co-responsables de la basilique – ndlr) afin que des travaux puissent débuter cette année. Cet accord, qui a confié la gestion du chantier à l’école polytechnique d’Athènes, permet aux trois autorités ecclésiastiques d’évaluer ensemble la situation et de décider de la meilleure des façons de procéder.
Pouvez-vous déjà prévoir une date d’achèvement des travaux ?
Pas encore. Nous devons d’abord passer par une «phase pilote» qui vise à comprendre la globalité des problèmes du site. L’objectif est de renforcer la structure de l’édicule, cela passera par le démantèlement des dalles de marbre qui le couvrent, le nettoyage des matériaux, la consolidation de la structure de l’époque croisée et sa réparation avec des matériaux compatibles avec les anciens. Les dalles de marbre qui recouvrent l’édicule ont beaucoup souffert notamment des pèlerins, à cause notamment de la suie des bougies qui ont été allumées pendant des siècles ; elles seront restaurées et remontées et fixées avec des vis en titane.
Les restaurations empêcheront-elles l’accès au site ?
Non, nous avons organisé notre travail de sorte que, pendant toute la période de la restauration du Tombeau, ce dernier reste accessible aux pèlerins. Nous avons conçu le chantier de sorte que pendant la journée un accès total à la tombe soit garanti. Tout le travail que nous pourrons faire sur l’extérieur de l’édicule sera réalisé durant ces heures. Les équipes engagées dans la rénovation et la reconstruction fonctionneront toujours et seulement la nuit. Concernant l’atelier de restauration, il sera installé dans la galerie supérieure des Latins, nous pourrons y travailler pendant la journée parce qu’en ce lieu nous ne serons pas au contact avec les pèlerins. Nous allons donc travailler 24 heures sur 24.
Combien de personnes sont impliquées dans le chantier ?
Plus ou moins soixante-dix : des fonctions administratives aux personnels technique. Nous avons des tailleurs de pierre et des marbriers en provenance de l’Acropole d’Athènes ; de Grèce viennent aussi des ouvriers qualifiés dans le travail et la restauration des murs, puis certains conservateurs, dont deux du ministère grec de la Culture. Bien entendu certains manoeuvres seront recrutés localement. Ensuite, il y a le groupe de travail de notre université, composé de 27 membres, dont des architectes et des experts d’autres disciplines. Bien que chacune des Églises – latine, grecque et arménienne – ait désigné ses propres experts pour évaluer et vérifier l’ensemble du processus. De cette façon, ce ne sera pas seulement un lieu de travail, mais aussi un lieu ouvert à la connaissance et à la communication scientifique, culturelle et religieuse.
Pour l’École polytechnique d’Athènes il s’agit d’une mission très prestigieuse …
Notre université est pionnière dans la recherche interdisciplinaire sur la restauration des monuments et nous sommes toujours ouverts à la communication des résultats et de nos collaborations internationales.
Pour vous, personnellement, que signifie la coordination de cette restauration du Saint-Sépulcre ?
De mon point de vue, c’est un travail très exigeant, mais aussi un grand défi. Nous sommes véritablement en un lieu de foi et d’histoire et je me considère bénie d’avoir eu cette responsabilité : étant ici vous devez parler le langage technique, celui de la culture, de la religion ; cela ouvre de grands horizons. Enfin, je suis croyante, chrétienne grec-orthodoxe. Pour nous, le saint tombeau de Jésus est l’endroit le plus vivant au monde. Lors de la fête de la Pâque, nous célébrons la vie et l’espoir. Pour moi, cet endroit signifie l’espoir, la vie et de la résurrection.