Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Alhamawi, faire grandir au-delà du mur

Hélène Morlet
24 mai 2016
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable

A Béthanie, banlieue de Jérusalem bouleversée par la construction du mur de séparation, un centre éducatif entend aider la future génération à grandir de façon constructive. Reportage.


(Al-Aizariyeh) – Muni d’une pince, Bertrand Martin s’acharne sur le robinet du tuyau d’arrosage avant d’abandonner : « Il n’y a pas d’eau en ce moment, il faudra prendre celle que nous gardons dans les citernes sur le toit ».  Ce Français arabisant habitué du Moyen-Orient travaille à Béthanie, Al-Aizariyeh en arabe. Ville biblique de la banlieue de Jérusalem, elle est désormais située de l’autre côté du mur de séparation entre Israël et Palestine. Bertrand Martin y est directeur du centre éducatif Alhamawi, et l’activité du jour pour les enfants c’est peinture. Impatients, les jeunes Palestiniens se pressent autour des pots pour y plonger le rouleau et étaler la peinture blanche sur le mur de séparation bordant le centre. « Ils avaient pris sans autorisation les bombes de peinture dans la salle commune pour taguer le mur » explique Bertrand, mieux connu dans le quartier sous le nom d’Abou Martin. « Alors on a organisé cette activité en deux étapes : d’abord peindre en blanc pour recouvrir les graffitis, et la semaine prochaine dessiner par-dessus des motifs traditionnels palestiniens. Cela leur permet de redécouvrir leur propre culture et de prendre conscience de la nécessité d’un cadre. »

« Comme la ville n’est pas rattachée à un État palestinien ni à Israël nous manquons de structures et de règles, et d’une autorité respectée qui les fasse appliquer. » souligne Aya, palestinienne et coordinatrice des activités éducatives du centre. L’une des conséquences est l’augmentation de la consommation de drogue. La construction du mur de séparation a privé les habitants de leur liberté de mouvement et, les empêchant d’aller travailler à Jérusalem sans permis, a augmenté le taux de chômage. Et le cercle vicieux est en marche : qui dit chômage dit problèmes familiaux, parfois violences familiales et donc difficultés pour les enfants à se construire.

Peu de structures existent pour les accueillir ou les accompagner hors de l’école. « Normalement les jeunes rentrent chez eux après les cours. Les garçons jouent parfois au football dans la rue, mais les filles restent à la maison. Ici, nous leur proposons des activités pour développer des talents qu’ils ne pourraient développer ailleurs » affirme Aya. Photographie, théâtre, danse traditionnelle palestinienne, peinture, etc. Cette ouverture leur permet de découvrir leurs capacités, d’approfondir leur propre culture. « Hassan, par exemple, est très doué en photographie. On a remarqué aussi qu’il était un bon meneur de groupe » ajoute Abou Martin. Un concours a récompensé les apprentis photographes l’an dernier et leurs œuvres sont accrochées partout dans le centre. « Ils se sentent libres ici. Il est déjà arrivé que certains se confient à leur animateur sur des problèmes dont ils ne parlent pas à leurs parents ou à leurs professeurs » raconte Aya. « Et surtout, cela fait naitre en eux des envies. Ils nous ont demandé d’ouvrir des cours d’échec, de football féminin et de calligraphie!  » Dans un contexte où la culture palestinienne n’est plus forcément transmise de génération en génération, cette soif de la découvrir est bienvenue.

En parallèle de ces activités, le centre propose du soutien scolaire. Un suivi global des enfants est organisé, en collaboration avec les parents et l’équipe pédagogique des écoles. En petits groupes, les élèves en difficulté scolaire suivent des cours d’arabe, de mathématiques et bientôt d’anglais, avec des méthodes pédagogiques différentes de celles dont ils ont l’habitude.

Et ce n’est pas tout, son directeur a encore de nombreux projets pour le centre. « Je voudrais que cela devienne un lieu d’échanges et de rencontres pour toute la communauté de la ville. Nous réussissons déjà à impliquer les parents des jeunes que nous accueillons. Ils viennent ici et s’intéressent à ce que font leurs enfants. Nous leur proposons aussi des activités comme des cours d’informatique, domaine essentiel dans le monde du travail aujourd’hui. » La propriété sur laquelle se trouve le centre est en travaux pour mieux remplir cette fonction de rencontre et de développement. Une aire de jeux est en cours de construction, et un terrain de sport devrait bientôt voir le jour. Des gradins peuvent servir pour des représentations, et Bertrand aimerait en faire un lieu de fête pour les familles pendant les soirées de Ramadan. Pour que le mur n’ait pas le dernier mot.

Le numéro en cours

La Newsletter

Abonnez-vous à la newsletter hebdomadaire

Cliquez ici
Les plus lus