Mgr Cyril Vasil', Secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales, vient de rentrer de Syrie où il est allé rencontrer, avant Pâques, les catholiques locaux. Le 17 mars il a également assisté à l'Assemblée des évêques catholiques de Syrie, dans la ville côtière de Tartous. Terrasanta.net a recueilli ses impressions après ce nouveau voyage.
« Peu de gens le savent mais trois des quatre sœurs de Mère Teresa qui ont été massacrées au Yémen, avaient effectué un long service en Syrie. A Damas, j’ai rencontré leurs consœurs et je me souviens bien leurs paroles. Elles m’ont rappelé leur engagement envers les Syriens, malgré les difficultés et même contre toute espérance… ». L’archevêque Cyril Vasil’, Secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales, vient de rentrer de Syrie où il est allé rencontrer, avant Pâques, les catholiques locaux. Le 17 mars dernier il a aussi assisté à l’Assemblée des évêques catholiques de Syrie dans la ville côtière de Tartous. Les jours précédents, sous escorte, il a réussi à se rendre à Damas, et dans les villes de Saidnaya et Yabroud ; il a même réussi à visiter le monastère de Mar Musa, dont le fondateur, le père Paolo Dall’Oglio, a été enlevé par des fondamentalistes en 2013 et dont nous sommes malheureusement toujours sans nouvelles.
« Le pape parle toujours de "ma bien-aimé Syrie", et le préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales, le cardinal Leonardo Sandri, est lui aussi en contact permanent avec le clergé et les évêques du lieu – explique Mgr. Vasil’ -. Ainsi, mon voyage n’a été qu’une confirmation de cette attention du Saint-Siège pour les chrétiens syriens. En plus des évêques, j’ai rencontré des prêtres, des religieux et des laïcs. Il m’a été très intéressant de parler aux prêtres, notamment de problèmes pastoraux dans cette situation de guerre : par exemple, les pasteurs du diocèse de Bosra et Horan, au sud de Damas, animent de petites paroisses en zone assez pauvre. De nombreux fidèles en raison de la guerre sont partis à l’étranger ou ont trouvé refuge dans les grandes villes. Cela les place dans des situations complètement nouvelles ».
Quelle est l’attitude des chrétiens en Syrie aujourd’hui ?
Dans les communautés chrétiennes coexistent deux désirs contradictoires. D’une part, il y a le désir de rester et de continuer à vivre dans leur pays de la manière la plus normale possible. De l’autre on ne peut pas nier qu’il existe une tendance au découragement. Les gens se fatiguent à chercher une perspective pour l’avenir, non seulement à cause de la persécution directe dont ils sont victimes, mais aussi en raison de la situation de tension à l’encontre des chrétiens qui perdure depuis longtemps. En conséquent, les chrétiens sont enclins à l’émigration. Ces deux tendances se retrouvent dans toutes les paroisses, les diocèses et les familles elles-mêmes … souvent les personnes âgées préfèrent rester, mais en même temps, veulent un avenir pour leurs enfants. Cela provoque une grande souffrance.
Les chrétiens syriens considèrent-ils encore possible la coexistence avec les musulmans ?
Ils espèrent encore car dans le passé récent ils n’ont jamais eu de problèmes de coexistence avec les musulmans ; en effet, la société syrienne a été marquée par une coexistence fraternelle et pacifique. Désormais une radicalisation du fondamentalisme islamique, aux racines souvent étrangères, blesse ce tissu social. L’équilibre a été mis à mal et, malheureusement, il est difficile de dire ce qui se passera dans l’avenir.
Quelle impression générale dégage le pays aujourd’hui ? Avez-vous perçu les effets de la trêve en cours ?
Je m’étais rendu en Syrie il y a un an et je me souviens avoir entendu des explosions continues sur Damas, tandis que dans des avions militaires sifflaient dans le ciel. Cette fois, j’étais dans les zones sous le contrôle du gouvernement central et cela m’a semblé plus sûr et paisible. Concernant la trêve, qui semble tenir, je n’ai pour ainsi dire pas vu d’hostilité. La vie dans la grande ville semble normale à l’exception des points de contrôle continus de la police et de l’armée. Mais la situation n’est certainement pas la mêmes dans les zones où le conflit est vivace. Je n’ai pas pu le vérifier moi-même mais le témoignage des personnes issues de régions éloignées confirme que la situation est très précaire en particulier en ce qui concerne les aspects humanitaires comme la nourriture, l’eau et l’électricité, sans compter le danger immédiat d’être blessé ou enlevé par la criminalité comune.
Le monastère du Père Paolo Dall’Oglio, Mar Musa, est-il encore habité ?
Oui. Cette fois, j’ai pu me rendre physiquement au monastère de Mar Musa, où j’étais déjà allé plusieurs fois avant la guerre. Les moines et les nonnes sont toujours présents et ils mènent leurs activités dans la ville voisine de Nebeq. J’ai pu les rencontrer avec d’autres religieux syriens.
Les catholiques syriens réussiront-ils cette année à célébrer Pâques ?
Dans les grandes villes, où la liberté de culte existe et le calme est revenu, j’espère qu’ils seront en mesure de célébrer normalement le Triduum. Je me souviendrai toujours d’une phrase que m’a dite, l’année dernière, le curé de la cathédrale syro-catholique de Homs. Ils venaient juste de finir le combat et cherchait un endroit dans la ville où effectuer le chemin de la croix. « Où le faire ? Un lieu en vaut n autre – m’a dit le prêtre – tout ici est une épreuve ». A l’époque, il était marqué par la souffrance que nous commémorerons durant ces jours. Une souffrance qui, cependant, porte en elle l’espoir de la résurrection. Une résurrection que nous voulons pour la Syrie, pour l’ensemble de cette nation et pour les chrétiens d’une manière particulière.