Pas un seul jour ne passe sans qu’un média israélien ne produise un article sur le mouvement de boycott international contre Israël, dit BDS (“Boycott, Désinvestissement, Sanctions”). Qu’il s’agisse de l’appel par le mouvement BDS à boycotter le voyage en Israël inclus dans le “panier-cadeau” des Oscars, d’une valeur de 55 000 dollars, ou de la pétition de l'entreprise SodaStream pour forcer Netanyahu à délivrer des permis de travail à 74 Palestiniens, permis non-renouvelés en mesure de rétorsion au boycott.
(Jérusalem/TD) – Pas un seul jour ne passe sans qu’un média israélien ne produise un article sur le mouvement de boycott international contre Israël, dit BDS (“Boycott, Désinvestissement, Sanctions”). Qu’il s’agisse de l’appel par le mouvement BDS à boycotter le voyage en Israël inclus dans le “panier-cadeau” des Oscars, d’une valeur de 55 000 dollars, ou de la pétition de l’entreprise SodaStream pour forcer Netanyahu à délivrer des permis de travail à 74 Palestiniens, permis non-renouvelés en mesure de rétorsion au boycott.
Le mouvement BDS a débuté en 2005 à l’initiative de Palestiniens. Depuis dix ans, il a pris beaucoup d’ampleur. Inspiré par l’exemple du boycott international contre l’Afrique du Sud en raison de l’apartheid, le mouvement BDS propose le boycott comme moyen de pression pour forcer Israël à “se conformer au droit international et aux droits des Palestiniens”. Selon son site internet, il a pour objectif d’inciter Israël à “la fin de l’occupation et de la colonisation de toutes les terres arabes occupées à partir de juin 1967, le démantèlement du mur de séparation, la reconnaissance des droits fondamentaux des arabo-palestiniens d’Israël et l’égalité totale et complète.” Il veut aussi qu’Israël “respecte, protège et promeuve les droits des Palestiniens réfugiés à retourner dans leurs maisons et propriétés comme mentionné dans la résolution 194 des Nations Unies”.
Le mouvement BDS propose trois moyens d’actions : boycotter les produits “made in Israël” ainsi que les institutions académiques et culturelles liées à l’État hébreu. Deuxièmement, ne pas investir ou retirer ses fonds des entreprises complices de violations des droits des Palestiniens. Enfin, tenter d’encourager les gouvernements étrangers à prendre des sanctions économiques contre Israël.
En réaction à ce mouvement, plusieurs organisations pro-israéliennes se sont donné un nouvel objectif : combattre le BDS. Elles sont nombreuses et dispersées. StandWithUs, avec près de 880 000 followers sur facebook, est très populaire, face au mouvement BDS qui n’en compte que 120 000. StopBDS, un autre mouvement, reprend sur son site les arguments classiques contre le BDS : il le dénonce comme un mouvement “qui promeut la diabolisation d’Israël et de ses actions” dans le but de “délégitimiser l’État d’Israël” notamment par le biais d’une “fausse analogie avec l’Afrique du Sud”. “Les pro-BDS demandent le droit à l’autodétermination pour les Palestiniens mais ne reconnaissent pas le droit du peuple juif à l’autodétermination sur leur terre, Israël”.
Inquiet de la popularité croissante du BDS, le gouvernement israélien s’est aussi insurgé contre ce mouvement, après l’avoir longtemps ignoré. Le 11 juillet 2011, la Knesset (le parlement israélien) a approuvé une loi faisant de l’appel au boycott d’Israël un délit civil. Benyamin Netanyahou, le premier ministre israélien, avait en 2014 qualifié les supporters occidentaux du BDS “d’antisémites classiques en costume moderne”.
Difficile de démêler le faux et le vrai, et les motivations, extrémistes ou non, dans les deux camps. Mais il est indéniable que depuis plus de dix ans, le mouvement BDS s’internationalise et prend de l’ampleur.
Face à cette internationalisation croissante, la diplomatie israélienne est entrée en jeu. Avec des résultats significatifs : ces dernières semaines le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis ont rendu illégal le boycott d’Israël ou des entreprises israéliennes par les institutions publiques. De nombreux États des États-Unis ont aussi interdit le boycott. En France, deux arrêts de la Cour de Cassation du 20 octobre 2015 ont fait jurisprudence contre l’appel au boycott. Les militants ont été consternés par cette limitation de la liberté d’expression.
Mais après dix ans de militantisme du mouvement BDS, la liste des victoires pour les pro-boycott s’allonge. Et l’accumulation des succès commence à se faire ressentir : les pertes et le manque à gagner estimés pour Israël se situeraient entre 1,4 et 5 milliards de dollars par an, selon différentes études. Une fourchette large, car il est difficile d’évaluer les décisions économiques des particuliers, décidant d’acheter ou non tel ou tel produit.
Un autre évènement a fait l’actualité de ces derniers jours : l’entreprise SodaStream, après avoir subi une campagne de boycott intense car implantée en Cisjordanie, avait décidé de relocaliser sa production sur le territoire israélien. Une victoire pour le BDS ? Oui, mais au prix du sacrifice de l’emploi de 500 Palestiniens. De ces 500, 74 devaient garder leur emploi après la restructuration, mais leurs permis de travail n’ont pas été renouvelés. Le PDG de SodaStream, contre toute attente, a désigné le gouvernement israélien comme responsable du non-renouvellement. Selon lui, ce serait donc une décision politique contre le mouvement BDS qui aurait motivé la décision. Dans tous les cas, l’appauvrissement des Palestiniens semble être le prix à payer pour le boycott.
À l’international, les pro-boycott et les anti-boycott s’affrontent pour tenter d’implémenter leurs positions. Cependant, contre la volonté des anti-boycott, chaque action pour décrédibiliser le BDS en est aussi une publicité gratuite.
Dans une vidéo virale récente, un jeune américain, chrétien, apprend l’existence du BDS. Il décide de boycotter Israël. Il rassemble tous ses objets fabriqués en Israël et décide de tirer dessus avec un fusil. Un de ses amis arrive et insiste que s’il veut aller au bout de son raisonnement, il doit aussi tirer sur la Bible, écrite en Israël par des juifs. Il renonce donc. A la fin de la vidéo, le message est clair : “Don’t boycott God”. La vidéo, destinée aux jeunes chrétiens américains, va loin.
De l’autre côté aussi les mots sont forts : la rescapée de l’holocauste Hedy Epstein avait comparé la façon dont Israël traite les Palestiniens à celle dont les Nazis avaient traité les juifs. Accusée d’antisémitisme à cause de son soutien au mouvement BDS, elle fait partie de ce qui fait le plus peur aux anti-boycott : les juifs soutenant le BDS. Des dizaines d’associations juives, à l’instar de la Jewish Voice for Peace, soutiennent le BDS et sont de ce fait accusées d’antisémitisme.
De son côté, le camp pro-palestinien est loin d’être uni. En 2013, le président palestinien Mahmoud Abbas avait déclaré qu’à l’exception des produits des colonies, l’autorité palestinienne ne soutenait pas le boycott d’Israël. Les Palestiniens, dont de nombreux travaillent ou ont des relations commerciales avec des Israéliens, ne sont pas tous prêts non plus à sacrifier leurs revenus. Personne ne peut être sûr de l’efficacité du boycott à long terme pour résoudre le conflit et mettre fin à l’occupation.